• Les trophées de Wimbledon

    Wimbledon (1)Quintuple lauréate de Wimbledon, Serena Williams débarque à Londres auréolée de ces deux titres à Melbourne et Paris. Si l’Américaine entend poursuivre sa quête du Grand Chelem calendaire, le chemin qui mène à la couronne britannique sera semé d’embûches.

     

    Kvitova à la renverseLes éclairs ont cessé et le tonnerre s’est tu rendant Wimbledon et son Centre Court à leur quiétude. Un an après, il ne reste plus rien de la tempête tchèque qui s’était abattue en cette après-midi de juillet, seulement les souvenirs d’un déchaînement, du bruit sourd des frappes pures assénées par une Petra Kvitova, soudainement transformée en déesse du tonnerre impitoyable, et celui du désarroi d’Eugénie Bouchard, ramenée à ses 20 ans et son statut de novice en finale de Grand Chelem. Le fracas de la renaissance de la divinité à la fausse patte de foudre s’est donc calmé mais résonne encore à l’heure où les allées du Majeur britannique frémissent, annonçant le retour des amazones des courts. Car le moment approche où celles-ci se lanceront dans une nouvelle bataille acharnée, la 121ème de l’histoire dans le plus vieux temple du tennis mondial, avec pour objectif la félicité de soulever le Venus Rosewater Dish et devenir l’un des joyaux de la couronne du jeu. Et si Petra Kvitova s’avance avec la lourde charge de défendre son titre acquis avec brio l’an passé, la Tchèque n’est pas favorite à sa succession. En effet, tous les regards sont braqués sur une autre femme, celle qui règne en despote sur le circuit féminin depuis des années : Serena Williams.

    La quête du Grand Chelem

    Serena veut effacer 2014Il faut dire que la cadette des sœurs Williams a mis les formes et de l’ordre dans la hiérarchie avant de débarquer de l’autre côté de la Manche. En effet si elle n’a disputé que 6 tournois cette saison, l’Américaine compte déjà 3 victoires et 2 demi-finales dont les deux premières levée du Grand Chelem. Impérial en début d’année du côté de Melbourne, elle avait lutté contre la maladie et elle-même pour triompher sur la scène dramatique de Roland-Garros. Jamais dans sa riche carrière, la n°1 mondiale n’avait abordé Wimbledon en ayant déjà accroché dans son étagère les deux premiers Majeurs de la saison. Une performance qui en dit long sur la qualité de jeu et le caractère de cette joueuse hors-norme et qui la place surtout sur le chemin d’un Grand Chelem à cheval sur 2 années, elle qui détient également le titre de l’US open après son succès en septembre 2014 sur Caroline Wozniacki. Une perspective que les observateurs envisagent aisément à l’image de Chris Evert. « Serena a de grandes chances. Pour moi, son jeu s’exprime mieux sur gazon que sur la terre battue », croit la détentrice de 18 Grand Chelem. Un sentiment partagé par John McEnroe. « Il n'y a aucun doute, personne ne peut battre Serena Williams si elle a décidé de gagner. Elle s'est mise en tête de faire tomber tous les records à sa portée. Combien de temps pourra-t-elle garder ce niveau-là ? Selon moi ça va durer encore longtemps. Elle vise le Grand Chelem, c'est sûr. C'est sa principale motivation, et personne ne pourra se mettre en travers de son chemin », assure l’ancien triple vainqueur de Wimbledon.

    Mue par son désir de grandeur, Serena Williams n’en sera que plus dangereuse, une guerrière redoutable lancée dans une quête invraisemblable à la hauteur de son talent sur un gazon qui lui plaît tant (5 titres). Bien que conquis, McEnroe consent à un bémol. « Le seul point faible à Wimbledon, c'est la surface. Sur terre par exemple, même avec peu de combativité, elle pouvait s'en sortir, par sa mobilité et sa puissance. C'est ce qu'elle a fait en finale de Roland-Garros. Mais face à de grosses cogneuses comme Petra Kvitova, ou de grosses serveuses comme Sabine Lisicki, elle ne pourra dicter son jeu aussi facilement qu'à Paris », indique-t-il.

    Kvitova espère être prêteKvitova, « comme à la maison »

    Une hypothèse que Petra Kvitova aura à cœur d’affirmer. En effet, la n°2 mondiale entend bien faire obstacle au destin glorieux de l’Américaine de 33 ans et confirmer son succès de l’an passé. Toutefois, la tâche promet d’être ardue au regard de la préparation chaotique de la Tchèque. Eliminée en huitièmes de finale Porte d’Auteuil, elle a été contrainte de déclarer forfait lors de son tournoi de reprise à Eastbourne en raison de maux de gorge. « Je me suis déjà entraînée sur du synthétique chez moi comme je le fais chaque année et là, j’ai pu jouer quelque chose comme trois jours sur le gazon d’Eastbourne donc ce n’est pas si mal. Je voulais évidemment jouer des matches mais je ne me sentais pas assez bien et ça n’aurait eu aucun sens de jouer ici pour au final n’être pas prête pour Wimbledon. J’espère maintenant avoir suffisamment récupérée », explique-t-elle avec calme.

    C’est donc sans le moindre match sur gazon que Kvitova débutera la défense de sa couronne. Une chose qui ne l’effraie guère en ce lieu qui l’a révélé au monde en 2011. « Je vais certainement être plus nerveuse que l’an dernier car je défend mon titre. Toutefois, j’adore jouer ici et ressentir l’histoire dans ce lieu. Je me sens comme à la maison », confie-t-elle. Placée dans la partie basse du tableau, la native de Bilovec a hérité d’un parcours assez clément où elle devra évidemment se méfier d’une Radwanska en pleine renaissance sur le gazon après sa finale à Eastbourne et programmée en 8ème, avant d’éventuelles retrouvailles avec Eugénie Bouchard.

    (la suite ici)

    Christopher Buet

     


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  • La relève Halys

    Du haut de ses 18 ans, Quentin Halys possède un potentiel plus qu’intéressant. En retard sur les meilleurs de sa génération (Coric, Zverev, Rublev…), le Parisien grandit bien et pourrait incarner l’avenir du tennis tricolore.

    Il est aux alentours de 12h30 en ce vendredi ensoleillé et printanier quand l’information tombe. Non loin de la station Bourse où il réalise une conférence de presse en comité restreint en compagnie de Robert Pirès, Quentin Halys apprend qu’il a tiré le gros lot. A l’autre bout de Paris, Maria Sharapova a placé son nom à côté de celui de Rafael Nadal, l’ogre de la terre pour son premier match en Grand Chelem et à Roland-Garros. Alors que toutes les personnes présentes accusent le coup, le jeune homme reste stoïque, impassible sur sa chaise. Cache-t-il sa stupeur, sa peur, son excitation ? Rien de tout cela. D’un ton posé et monocorde, il se dit heureux mais pas stressé car il n’a rien à perdre et beaucoup à apprendre.

    Le rude apprentissage Nadal à Roland-GarrosQuatre jours plus tard, sur le court Philippe-Chatrier, Halys ne fera pas d’exploit. Une défaite sèche en 3 manches (6-3 6-3 6-4, en 1h49) dont il ne rougissait pas. « J'ai fait 5 jeux très tendus où cela ne sortait pas très bien de ma raquette et ensuite (…) j'ai eu l'impression qu'il y a eu un match, un combat à un moment, je suis assez satisfait de moi », expliquait-il. Avec sa courtoisie habituelle, Rafael Nadal s’attardait sur son jeune adversaire et ne manquait pas de le féliciter. « Il a très bien joué  même s’il a commis des erreurs. Ce n’est pas facile de jouer contre quelqu’un qui tente des coups gagnants. »

    Nadal : « Les armes pour devenir un grand joueur »

    Sans avoir été ridicule, Quentin Halys quittait Roland-Garros. Un simple « Au revoir » pour le Francilien dont la carrière professionnelle n’en est qu’à ses balbutiements. « Je viens juste de basculer chez les pros. J'ai fait mes premiers Futures (tournois de 3e Division, ndlr)en début d'année. Je bascule sur les Challengers (tournois de 2e Division, ndlr).Ce match peut être un bon tremplin... », croit-il.

    Il faut dire que du haut de ses 18 ans, Quentin Halys possède l’un des plus beaux potentiels du tennis tricolore. Né à Bondy, au Nord-Est de Paris, il se distingue à 13 ans en remportant les Petits AS, l’officieux championnat du monde des 12-14 ans. Un exploit considérable puisqu’il devient à cette occasion le premier vainqueur français de l’épreuve depuis 11 ans et un certain Richard Gasquet. Cette victoire prestigieuse suscite de fait de nombreux espoirs.

    Halys voit loinCinq ans après, Halys a bien grandit et culmine à 1,90m mais n’a rien perdu de ses qualités raquette en main. « C’est un garçon qui sent bien le jeu. Il est vraiment adroit, malin et il sait prendre la balle très tôt, ce qui est rare chez les jeunes », salue l’ancien capitaine de Coupe Davis et directeur du Masters 1000 de Paris-Bercy Guy Forget. Une analyse partagée par Arnaud Di Pascaule. « Il s'illustre surtout par son côté tacticien, par sa capacité à sentir le jeu. Il se sert parfaitement de la géométrie du terrain. Ce n'est pas un grand cogneur. Il est adroit, dispose d'une bonne main, mais il joue surtout juste. C'est un peu du Hingis », confiait le DTN en novembre dernier en marge de la finale de la Coupe Davis entre la France et la Suisse.

    De son côté, Arnaud Clément apprécie les qualités de cet attaquant. « Il a un tennis pur. Mais le plus important, c’est que sur le court, il se bat et j’aime son attitude », avoue l’ancien 10ème mondial et actuel capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis.

    Halys échoue en finale de l'US Open juniorConscient de son potentiel, Halys refuse de se laisser griser et procède par étape. Ainsi cet hiver, il a fait appel à Olivier Ramos pour l’accompagner et l’aider à progresser. « Quentin a un jeu assez offensif. Sur le court, il aime imposer son rythme et ses séquences. C'est un joueur malin et très opportun. Avec son gros gabarit (1,90 m), il peut s'appuyer sur un bon service et une très bonne gicle de coup droit », dit de lui l’ancien coach d’Adrian Mannarino. Depuis qu’ils sont ensemble, le Francilien a grimpé de plus de 300 places à l’ATP pour atteindre le TOP 300 (295ème contre 635 en janvier). Un bond fulgurant qui laisse augurer de belles choses pour l’avenir. « La pression, je ne la ressens pas du tout. Pour l'instant, je suis encore très loin des Monfils, Tsonga, Gasquet etc. Je dois faire mon petit bonhomme de chemin et je ne ressens pas plus de pression que cela quand on me dit que je suis sur leurs traces », assurait le principal intéressé en septembre dernier avant de disputer (et perdre) la finale de l’US Open junior.

     « Il a les armes pour devenir un grand joueur mais il faut enchaîner. Il faut savoir que dans le tennis, les choses ne sont pas faciles. Il faudra concrétiser l’essai », prévenait Rafael Nadal, nonuple vainqueur de Roland-Garros après leur rencontre Porte d’Auteuil. « C'est un gros bosseur et il aime ça », répondait Ramos dans La Nouvelle République lors du tournoi de Poitiers. « Il va devoir muscler son jeu, et avoir plus d'audace. C'est comme cela qu'il sera plus fort », concluait Di Pasquale.

    Sports Elite Jeunes mise sur lui

    Halys, parrain avec Robert PirèsPour cela, il pourra demander conseil à Robert Pires avec qui il est parrain de Sports Elite Jeunes. En effet, le groupe spécialisé dans l’organisation de stages et vacances sportives à destination des 7-17 ans depuis 1977, a choisi de s’associer avec le jeune espoir du tennis tricolore. Dans le cadre de ce partenariat, Quentin Halys aura la charge d’encadrer des enfants dans la pratique de leur sport mais aussi et surtout de partager son expérience, son apprentissage du haut niveau. Avec Halys, Sport Elite Jeune entend offrir un interlocuteur à la fois crédible dans son discours et proche des jeunes accueillis dans les différents camps. Car si Robert Pires brille par son palmarès et sa carrière au plus haut niveau, l’ancien pensionnaire de l’INSEP sera davantage en phase avec ses interlocuteurs, plus au fait de leurs aspirations, de leurs problèmes et pourra tenir un discours peut-être plus adapté à leurs âges.

    A 18 ans, ce partenariat pourrait être le premier d’une longue série pour le jeune homme qui se dit heureux et fier de pouvoir conseiller ces enfants bien qu’il appréhende encore le fait de se retrouver seul face à eux. A l’image du garçon, réservé dans la vie mais si assuré les pieds sur un court. En attendant de se frotter aux petits amateurs de France cet été, Quentin Halys ira taquiner les « anciens » du circuit avec en ligne de mire, qui sait, les qualifications pour le prochain Wimbledon et le rêve un peu fou d’un duel dans le tableau principal avec son idole Roger Federer qui ferait un bel écho à celui de son premier tour Porte d’Auteuil face à Rafael Nadal.

    Christopher Buet


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  • Wawrinka et la Coupe des Mousquetaires

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  • Wawrinka savoure son 2e Grand Chelem

    roland-garros-logoAu terme d’une rencontre brillamment menée, Stanislas Wawrinka a dominé Novak Djokovic en 4 manches (4-6 6-4 6-3 6-4) en finale de Roland-Garros. Après l’Open d’Australie 2014, le Suisse remporte son deuxième titre en Grand Chelem.

    Un point, juste un point pour célébrer et savourer, un point pour couronner tant de mois et tant d’années de sacrifices, d’efforts consentis à l’ombre des courts du monde entier. Rien qu’un point, un ultime service à balancer par delà ce filet, ligne de démarcation entre la légende et l’oubli. Une dernière balle à envoyer hors d’atteinte de cet adversaire poursuivant le même objectif d’absolu dans cette quête tennistique et humaine. Soudain, tout s’arrêta quand le petit projectile jaune s’éleva dans le ciel du central Philippe-Chatrier. Bruyants, les 15 000 spectateurs massés dans l’enceinte parisienne se turent, retenant leur souffle comme pour ne pas dévier la balle, ne pas influer sur le destin qui se jouait devant eux, comme pour ne pas répéter l’erreur d’avoir exulté sur ce service qu’il avait cru gagnant mais finalement annoncé faute.

    Un ultime revers pour un titre éternelLa mise en jeu suisse était puissante et Djokovic tentait un retour croisé en s’appuyant sur la balle. En face, Stan Wawrinka n’avait pas bougé, tournait les épaules et déclenchait en revers. Cloué sur place, le n°1 mondial était impuissant et ne pouvait que regarder la balle du Vaudois s’envoler et filer le long de la ligne avant de retomber dans l’angle du court. Un ultime revers long de ligne comme une signature, le sceau d’un monarque d’un autre temps, celui des patients ; d’un autre monde, celui des besogneux talentueux. « Pendant ce jeu, j'étais fébrile et nerveux parce que je servais pour le match. J'ai commencé à penser que j'allais soulever le trophée. Derrière, j'ai effacé une balle de break. J'ai réussi à faire les choses qu'il convenait de faire, à rester campé sur ma ligne », disait après coup le Vaudois. Au bout de 3h12 d’une finale entraînante, Stan Wawrinka achevait son chef d’œuvre en exécutant en 4 manches Novak Djokovic, l’homme que l’on pensait invincible la confiance adossée à ses 26 succès de rang et à qui le titre semblait promis sur la lancée de son incroyable saison. Il aura fallu un Suisse, pas celui que l’on attendait, pour priver l’omnipotent serbe de la félicité d’un sacre inédit et historique et mettre un terme à une domination démoniaque. Pourtant tout avait bien commencé pour le vainqueur du dernier Open d’Australie.

    Imperturbable, Djokovic distribue et assure la première mancheDjokovic au plus juste

    Au lendemain de sa demi-finale à rallonge face à Andy Murray et conclut dans la touffeur parisienne, Novak Djokovic revenait pour faire face à son destin, remporter ce Roland-Garros qui lui manque tant et qu’il domine tant depuis quinze jours. « Tout ce qu’il me reste, je vais le mettre sur le court » promettait-il samedi.  Aussi, rien d’étonnant de voir que ce fut lui qui prenne le commandement de l’échange. Prenant la balle tôt, le Serbe s’évertuait à varier constamment, à faire courir son adversaire pour le fatiguer et l’empêcher de lâcher son bras. La tactique était payante. Sous pression constante, Wawrinka tentait de se dégager de l’étreinte serbe et sauvait avec brio deux balles de break au cours de ses trois premiers jeux de services. Le combat était féroce entre les protagonistes et c’était bien Djokovic, qui portait le premier coup. À 3-3, il profitait de trois énormes fautes directes et d’une double faute de son adversaire pour breaker blanc. Comme contre Tsonga vendredi, Wawrinka avait connu un de ses passages à vide. L’affaire était entendue. Jamais vraiment inquiété sur son service, le n°1 mondial bouclait la première manche à sa 3ème occasion, non sans avoir écarté une balle de débreak. A défaut d’être brillant et impérial, l’élève de Marian Vajda avait su faire preuve d’une incontestable constance quand le Suisse faisait dans les fulgurances. Signe de l’extrême nervosité qui l’animait, Djokovic criait toute sa détermination et son soulagement en regagnant sa chaise avec son avantage.

    « Il a exécuté le plan à la perfection »

    Djokovic détruit sa raquette de frustrationDe son côté, Stan Wawrinka ne s’affolait pas. « Au début, Novak jouait bien mais je savais que cela pouvait vite changer. Je savais quoi faire. J’ai essayé d’être plus agressif depuis ma ligne de fond, et petit à petit j’ai réussi à être celui qui dictait les échanges. C'est la clé du match pour moi », expliquait-il. En effet, le bison de Lausanne ne déviait pas de son plan et entamait sa charge furieuse. Plus consistant et moins dispendieux, il parvenait à mettre sur le reculoir son adversaire qui privé de temps commettait davantage de fautes (14 contre 7 au set précédent, ndlr). « Il fallait qu’il soit agressif, qu’il rentre dans la balle (…) Au premier set, il y avait du vent et il ne sentait pas la balle. Mais après, il a exécuté le plan à la perfection », relevait son coach Magnus Norman Manquant un temps de lucidité et laissant filer 4 balles de break, Wawrinka s’agaçait face aux nombreuses amorties du Serbe et ses changements de rythme. Il finissait toutefois par faire céder la défense d’un Djokovic jouant de plus en plus court. « Étonnamment, il a accusé le coup quand il a été en difficulté », constatait l’entraîneur de Serena Williams, Patrick Mouratoglou. À 5-4 en sa faveur, le Suisse de 30 ans se déchaînait. Profitant du manque d’intensité dans le jeu de Djokovic, il punissait le Serbe en expédiant deux énormes passings en bout de course et finissait par le désarçonner au terme d’un nouveau bras de fer du fond. Wawrinka se saisissait de la manche et faisait exploser l’impénétrable serbe qui fracassait de rage sa raquette au sol. « Si j’ai cassé ma raquette, c’est que je savais qu’il ne fallait pas laisser Stan prendre confiance », confiait dans L’Equipe l’homme aux 8 titres en Grand Chelem.

    Wawrinka, roi de Paris

    Djokovic était trop courtTrop tard, le mal était fait et Wawrinka lâchait de plus en plus ses coups. Comme hébété, Djokovic confirmait ses dispositions plus que moyennes du jour. Incapable d’allonger et de contrer la puissance brutale de l’Helvète, il se faisait empaler par une nouvelle charge du bison lausannois. Indomptable, Wawrinka laissait parler sa puissance et arrachait blanc la mise en jeu serbe grâce à 2 revers et 1 coup droit catapultés long de ligne. Dans un déchaînement de coups de boutoir, le Suisse mettait un genou un deuxième genou à terre à son adversaire. Dans un ultime effort, ce dernier s’essayait à une ultime révolte. Brekant d’entrée de 4ème manche, il se détachait 3-0. Un mirage sur la terre ocre de Roland-Garros. « Je tenais le coup dans le 2e set, je sauvais des balles de break. Mais il était le meilleur joueur, il a gagné cette manche et il le méritait. C’est comme dans les 3e et 4e sets d’ailleurs. C’est vrai qu’à 3-0 dans le 4e, j’aurais pu emballer le match et aller chercher un 5e. Mais je n’ai pas su le faire. J’aurais sans doute pu mieux jouer parfois, mais voilà, il a pris ses chances quand il les a eues. Il a joué un tennis très tactique plus les bons coups aux bons moments », avouait fataliste le Serbe.

    Wawrinka saoule de coups DjokovicEn effet, après quelques minutes de décompression, la tête de série n°8 reprenait le fil de son tennis. De nouveau consistant dans l’échange, il ne lâchait plus rien et, c’est un comble, usait Novak Djokovic à l’échange, à force de grandes gifles. Les cris du patron du circuit n’y feraient rien. À 4-4, Wawrinka lançait sa dernière ruade. Tentant en vain de varier, Djokovic se faisait prendre en passing, ce secteur où il a construit tant de ses succès. À 30 ans, le Suisse ne tremblait pas à l’heure de conclure devant un public extatique. « À la fin du deuxième set, j'avais l'impression de commencer à fatiguer physiquement, d'avoir des bobos un peu partout. J'avais du mal à me persuader que j'allais pouvoir tenir la cadence. Je suis surpris par la manière dont le quatrième set s’est fini, surtout quand j'ai commencé à pouvoir me relâcher en revers et à pouvoir envoyer ce que je voulais », appréciait le nouveau champion de Roland-Garros qui au bout d’une finale presque parfaite, confirmait que son succès en Australie un an plus tôt n’avait rien d’une erreur. Deux titres majeurs remportés à chaque fois face au n°1 mondial en exercice. « Depuis deux ans, j'ai changé de catégorie »,glissait-il « Je suis très surpris de la façon dont j'ai joué parce que j'ai pratiqué un tennis incroyable. J'étais nerveux, mais je n'étais pas crispé. J'essayais de lâcher mes coups. Je suis ravi d'avoir le trophée à mes côtés. »

    La belle accolade entre Wawrinka et Djokovic

    De son côté, Novak Djokovic accusait le coup. Bien qu’acclamé par un public et au bord des larmes, le Serbe, invaincu jusqu’alors sur terre battue, devait se résoudre à vivre avec ce 3ème échec en finale à Paris, sa première défaite majeure depuis sa demi-finale étouffante de l’US Open en septembre dernier, la 3ème cette saison (pour 42 victoires). « C’est une défaite qui fait mal, encore plus parce que c’est une finale. J’avais fait une super saison sur terre battue, un super Roland Garros jusque là. Je m’étais vraiment mis en position de gagner, je menais un set à zéro aujourd'hui, j’étais vraiment dans le match. Tactiquement, j’essayais de mettre en place ce que j’avais prévu. Mais il a trouvé une solution », regrettait dignement celui qui allait encore devoir patienter pour intégrer le cercle des vainqueurs de chaque levée du Grand Chelem.

    Avec son succès, douze ans après son sacre chez les juniors, Wawrinka rejoignait un cercle tout aussi fermé, en devenant le 3ème joueur de l’ère Open après Lendl et Wilander à réussir le doublé Porte d’Auteuil. La marque d’un Grand. Joueur humble et travailleur, Stan Wawrinka possède un talent bestial qui lui a permis d’imposer sa loi sur la terre ocre des Mousquetaires, cette terre aux reflets de légendes. Au cœur d’une époque fastueuse marquée par les avènements de trois des astres les plus lumineux de la galaxie du tennis (Federer, Nadal et Djokovic), « Stanimal » aura su attendre son heure. Déclenchée en janvier 2014 et après avoir emporté sur son passage l’Open d’Australie, Monte Carlo et la Coupe Davis, la charge du bison vaudois a déferlé sur Roland-Garros, sa terre originelle.

    Les champions et leurs trophées

    Christopher Buet


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  • Monfils n'avait pas l'énergie

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