• Le règne de "Stanimal"

    Wawrinka savoure son 2e Grand Chelem

    roland-garros-logoAu terme d’une rencontre brillamment menée, Stanislas Wawrinka a dominé Novak Djokovic en 4 manches (4-6 6-4 6-3 6-4) en finale de Roland-Garros. Après l’Open d’Australie 2014, le Suisse remporte son deuxième titre en Grand Chelem.

    Un point, juste un point pour célébrer et savourer, un point pour couronner tant de mois et tant d’années de sacrifices, d’efforts consentis à l’ombre des courts du monde entier. Rien qu’un point, un ultime service à balancer par delà ce filet, ligne de démarcation entre la légende et l’oubli. Une dernière balle à envoyer hors d’atteinte de cet adversaire poursuivant le même objectif d’absolu dans cette quête tennistique et humaine. Soudain, tout s’arrêta quand le petit projectile jaune s’éleva dans le ciel du central Philippe-Chatrier. Bruyants, les 15 000 spectateurs massés dans l’enceinte parisienne se turent, retenant leur souffle comme pour ne pas dévier la balle, ne pas influer sur le destin qui se jouait devant eux, comme pour ne pas répéter l’erreur d’avoir exulté sur ce service qu’il avait cru gagnant mais finalement annoncé faute.

    Un ultime revers pour un titre éternelLa mise en jeu suisse était puissante et Djokovic tentait un retour croisé en s’appuyant sur la balle. En face, Stan Wawrinka n’avait pas bougé, tournait les épaules et déclenchait en revers. Cloué sur place, le n°1 mondial était impuissant et ne pouvait que regarder la balle du Vaudois s’envoler et filer le long de la ligne avant de retomber dans l’angle du court. Un ultime revers long de ligne comme une signature, le sceau d’un monarque d’un autre temps, celui des patients ; d’un autre monde, celui des besogneux talentueux. « Pendant ce jeu, j'étais fébrile et nerveux parce que je servais pour le match. J'ai commencé à penser que j'allais soulever le trophée. Derrière, j'ai effacé une balle de break. J'ai réussi à faire les choses qu'il convenait de faire, à rester campé sur ma ligne », disait après coup le Vaudois. Au bout de 3h12 d’une finale entraînante, Stan Wawrinka achevait son chef d’œuvre en exécutant en 4 manches Novak Djokovic, l’homme que l’on pensait invincible la confiance adossée à ses 26 succès de rang et à qui le titre semblait promis sur la lancée de son incroyable saison. Il aura fallu un Suisse, pas celui que l’on attendait, pour priver l’omnipotent serbe de la félicité d’un sacre inédit et historique et mettre un terme à une domination démoniaque. Pourtant tout avait bien commencé pour le vainqueur du dernier Open d’Australie.

    Imperturbable, Djokovic distribue et assure la première mancheDjokovic au plus juste

    Au lendemain de sa demi-finale à rallonge face à Andy Murray et conclut dans la touffeur parisienne, Novak Djokovic revenait pour faire face à son destin, remporter ce Roland-Garros qui lui manque tant et qu’il domine tant depuis quinze jours. « Tout ce qu’il me reste, je vais le mettre sur le court » promettait-il samedi.  Aussi, rien d’étonnant de voir que ce fut lui qui prenne le commandement de l’échange. Prenant la balle tôt, le Serbe s’évertuait à varier constamment, à faire courir son adversaire pour le fatiguer et l’empêcher de lâcher son bras. La tactique était payante. Sous pression constante, Wawrinka tentait de se dégager de l’étreinte serbe et sauvait avec brio deux balles de break au cours de ses trois premiers jeux de services. Le combat était féroce entre les protagonistes et c’était bien Djokovic, qui portait le premier coup. À 3-3, il profitait de trois énormes fautes directes et d’une double faute de son adversaire pour breaker blanc. Comme contre Tsonga vendredi, Wawrinka avait connu un de ses passages à vide. L’affaire était entendue. Jamais vraiment inquiété sur son service, le n°1 mondial bouclait la première manche à sa 3ème occasion, non sans avoir écarté une balle de débreak. A défaut d’être brillant et impérial, l’élève de Marian Vajda avait su faire preuve d’une incontestable constance quand le Suisse faisait dans les fulgurances. Signe de l’extrême nervosité qui l’animait, Djokovic criait toute sa détermination et son soulagement en regagnant sa chaise avec son avantage.

    « Il a exécuté le plan à la perfection »

    Djokovic détruit sa raquette de frustrationDe son côté, Stan Wawrinka ne s’affolait pas. « Au début, Novak jouait bien mais je savais que cela pouvait vite changer. Je savais quoi faire. J’ai essayé d’être plus agressif depuis ma ligne de fond, et petit à petit j’ai réussi à être celui qui dictait les échanges. C'est la clé du match pour moi », expliquait-il. En effet, le bison de Lausanne ne déviait pas de son plan et entamait sa charge furieuse. Plus consistant et moins dispendieux, il parvenait à mettre sur le reculoir son adversaire qui privé de temps commettait davantage de fautes (14 contre 7 au set précédent, ndlr). « Il fallait qu’il soit agressif, qu’il rentre dans la balle (…) Au premier set, il y avait du vent et il ne sentait pas la balle. Mais après, il a exécuté le plan à la perfection », relevait son coach Magnus Norman Manquant un temps de lucidité et laissant filer 4 balles de break, Wawrinka s’agaçait face aux nombreuses amorties du Serbe et ses changements de rythme. Il finissait toutefois par faire céder la défense d’un Djokovic jouant de plus en plus court. « Étonnamment, il a accusé le coup quand il a été en difficulté », constatait l’entraîneur de Serena Williams, Patrick Mouratoglou. À 5-4 en sa faveur, le Suisse de 30 ans se déchaînait. Profitant du manque d’intensité dans le jeu de Djokovic, il punissait le Serbe en expédiant deux énormes passings en bout de course et finissait par le désarçonner au terme d’un nouveau bras de fer du fond. Wawrinka se saisissait de la manche et faisait exploser l’impénétrable serbe qui fracassait de rage sa raquette au sol. « Si j’ai cassé ma raquette, c’est que je savais qu’il ne fallait pas laisser Stan prendre confiance », confiait dans L’Equipe l’homme aux 8 titres en Grand Chelem.

    Wawrinka, roi de Paris

    Djokovic était trop courtTrop tard, le mal était fait et Wawrinka lâchait de plus en plus ses coups. Comme hébété, Djokovic confirmait ses dispositions plus que moyennes du jour. Incapable d’allonger et de contrer la puissance brutale de l’Helvète, il se faisait empaler par une nouvelle charge du bison lausannois. Indomptable, Wawrinka laissait parler sa puissance et arrachait blanc la mise en jeu serbe grâce à 2 revers et 1 coup droit catapultés long de ligne. Dans un déchaînement de coups de boutoir, le Suisse mettait un genou un deuxième genou à terre à son adversaire. Dans un ultime effort, ce dernier s’essayait à une ultime révolte. Brekant d’entrée de 4ème manche, il se détachait 3-0. Un mirage sur la terre ocre de Roland-Garros. « Je tenais le coup dans le 2e set, je sauvais des balles de break. Mais il était le meilleur joueur, il a gagné cette manche et il le méritait. C’est comme dans les 3e et 4e sets d’ailleurs. C’est vrai qu’à 3-0 dans le 4e, j’aurais pu emballer le match et aller chercher un 5e. Mais je n’ai pas su le faire. J’aurais sans doute pu mieux jouer parfois, mais voilà, il a pris ses chances quand il les a eues. Il a joué un tennis très tactique plus les bons coups aux bons moments », avouait fataliste le Serbe.

    Wawrinka saoule de coups DjokovicEn effet, après quelques minutes de décompression, la tête de série n°8 reprenait le fil de son tennis. De nouveau consistant dans l’échange, il ne lâchait plus rien et, c’est un comble, usait Novak Djokovic à l’échange, à force de grandes gifles. Les cris du patron du circuit n’y feraient rien. À 4-4, Wawrinka lançait sa dernière ruade. Tentant en vain de varier, Djokovic se faisait prendre en passing, ce secteur où il a construit tant de ses succès. À 30 ans, le Suisse ne tremblait pas à l’heure de conclure devant un public extatique. « À la fin du deuxième set, j'avais l'impression de commencer à fatiguer physiquement, d'avoir des bobos un peu partout. J'avais du mal à me persuader que j'allais pouvoir tenir la cadence. Je suis surpris par la manière dont le quatrième set s’est fini, surtout quand j'ai commencé à pouvoir me relâcher en revers et à pouvoir envoyer ce que je voulais », appréciait le nouveau champion de Roland-Garros qui au bout d’une finale presque parfaite, confirmait que son succès en Australie un an plus tôt n’avait rien d’une erreur. Deux titres majeurs remportés à chaque fois face au n°1 mondial en exercice. « Depuis deux ans, j'ai changé de catégorie »,glissait-il « Je suis très surpris de la façon dont j'ai joué parce que j'ai pratiqué un tennis incroyable. J'étais nerveux, mais je n'étais pas crispé. J'essayais de lâcher mes coups. Je suis ravi d'avoir le trophée à mes côtés. »

    La belle accolade entre Wawrinka et Djokovic

    De son côté, Novak Djokovic accusait le coup. Bien qu’acclamé par un public et au bord des larmes, le Serbe, invaincu jusqu’alors sur terre battue, devait se résoudre à vivre avec ce 3ème échec en finale à Paris, sa première défaite majeure depuis sa demi-finale étouffante de l’US Open en septembre dernier, la 3ème cette saison (pour 42 victoires). « C’est une défaite qui fait mal, encore plus parce que c’est une finale. J’avais fait une super saison sur terre battue, un super Roland Garros jusque là. Je m’étais vraiment mis en position de gagner, je menais un set à zéro aujourd'hui, j’étais vraiment dans le match. Tactiquement, j’essayais de mettre en place ce que j’avais prévu. Mais il a trouvé une solution », regrettait dignement celui qui allait encore devoir patienter pour intégrer le cercle des vainqueurs de chaque levée du Grand Chelem.

    Avec son succès, douze ans après son sacre chez les juniors, Wawrinka rejoignait un cercle tout aussi fermé, en devenant le 3ème joueur de l’ère Open après Lendl et Wilander à réussir le doublé Porte d’Auteuil. La marque d’un Grand. Joueur humble et travailleur, Stan Wawrinka possède un talent bestial qui lui a permis d’imposer sa loi sur la terre ocre des Mousquetaires, cette terre aux reflets de légendes. Au cœur d’une époque fastueuse marquée par les avènements de trois des astres les plus lumineux de la galaxie du tennis (Federer, Nadal et Djokovic), « Stanimal » aura su attendre son heure. Déclenchée en janvier 2014 et après avoir emporté sur son passage l’Open d’Australie, Monte Carlo et la Coupe Davis, la charge du bison vaudois a déferlé sur Roland-Garros, sa terre originelle.

    Les champions et leurs trophées

    Christopher Buet


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