• La relève Halys

    Du haut de ses 18 ans, Quentin Halys possède un potentiel plus qu’intéressant. En retard sur les meilleurs de sa génération (Coric, Zverev, Rublev…), le Parisien grandit bien et pourrait incarner l’avenir du tennis tricolore.

    Il est aux alentours de 12h30 en ce vendredi ensoleillé et printanier quand l’information tombe. Non loin de la station Bourse où il réalise une conférence de presse en comité restreint en compagnie de Robert Pirès, Quentin Halys apprend qu’il a tiré le gros lot. A l’autre bout de Paris, Maria Sharapova a placé son nom à côté de celui de Rafael Nadal, l’ogre de la terre pour son premier match en Grand Chelem et à Roland-Garros. Alors que toutes les personnes présentes accusent le coup, le jeune homme reste stoïque, impassible sur sa chaise. Cache-t-il sa stupeur, sa peur, son excitation ? Rien de tout cela. D’un ton posé et monocorde, il se dit heureux mais pas stressé car il n’a rien à perdre et beaucoup à apprendre.

    Le rude apprentissage Nadal à Roland-GarrosQuatre jours plus tard, sur le court Philippe-Chatrier, Halys ne fera pas d’exploit. Une défaite sèche en 3 manches (6-3 6-3 6-4, en 1h49) dont il ne rougissait pas. « J'ai fait 5 jeux très tendus où cela ne sortait pas très bien de ma raquette et ensuite (…) j'ai eu l'impression qu'il y a eu un match, un combat à un moment, je suis assez satisfait de moi », expliquait-il. Avec sa courtoisie habituelle, Rafael Nadal s’attardait sur son jeune adversaire et ne manquait pas de le féliciter. « Il a très bien joué  même s’il a commis des erreurs. Ce n’est pas facile de jouer contre quelqu’un qui tente des coups gagnants. »

    Nadal : « Les armes pour devenir un grand joueur »

    Sans avoir été ridicule, Quentin Halys quittait Roland-Garros. Un simple « Au revoir » pour le Francilien dont la carrière professionnelle n’en est qu’à ses balbutiements. « Je viens juste de basculer chez les pros. J'ai fait mes premiers Futures (tournois de 3e Division, ndlr)en début d'année. Je bascule sur les Challengers (tournois de 2e Division, ndlr).Ce match peut être un bon tremplin... », croit-il.

    Il faut dire que du haut de ses 18 ans, Quentin Halys possède l’un des plus beaux potentiels du tennis tricolore. Né à Bondy, au Nord-Est de Paris, il se distingue à 13 ans en remportant les Petits AS, l’officieux championnat du monde des 12-14 ans. Un exploit considérable puisqu’il devient à cette occasion le premier vainqueur français de l’épreuve depuis 11 ans et un certain Richard Gasquet. Cette victoire prestigieuse suscite de fait de nombreux espoirs.

    Halys voit loinCinq ans après, Halys a bien grandit et culmine à 1,90m mais n’a rien perdu de ses qualités raquette en main. « C’est un garçon qui sent bien le jeu. Il est vraiment adroit, malin et il sait prendre la balle très tôt, ce qui est rare chez les jeunes », salue l’ancien capitaine de Coupe Davis et directeur du Masters 1000 de Paris-Bercy Guy Forget. Une analyse partagée par Arnaud Di Pascaule. « Il s'illustre surtout par son côté tacticien, par sa capacité à sentir le jeu. Il se sert parfaitement de la géométrie du terrain. Ce n'est pas un grand cogneur. Il est adroit, dispose d'une bonne main, mais il joue surtout juste. C'est un peu du Hingis », confiait le DTN en novembre dernier en marge de la finale de la Coupe Davis entre la France et la Suisse.

    De son côté, Arnaud Clément apprécie les qualités de cet attaquant. « Il a un tennis pur. Mais le plus important, c’est que sur le court, il se bat et j’aime son attitude », avoue l’ancien 10ème mondial et actuel capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis.

    Halys échoue en finale de l'US Open juniorConscient de son potentiel, Halys refuse de se laisser griser et procède par étape. Ainsi cet hiver, il a fait appel à Olivier Ramos pour l’accompagner et l’aider à progresser. « Quentin a un jeu assez offensif. Sur le court, il aime imposer son rythme et ses séquences. C'est un joueur malin et très opportun. Avec son gros gabarit (1,90 m), il peut s'appuyer sur un bon service et une très bonne gicle de coup droit », dit de lui l’ancien coach d’Adrian Mannarino. Depuis qu’ils sont ensemble, le Francilien a grimpé de plus de 300 places à l’ATP pour atteindre le TOP 300 (295ème contre 635 en janvier). Un bond fulgurant qui laisse augurer de belles choses pour l’avenir. « La pression, je ne la ressens pas du tout. Pour l'instant, je suis encore très loin des Monfils, Tsonga, Gasquet etc. Je dois faire mon petit bonhomme de chemin et je ne ressens pas plus de pression que cela quand on me dit que je suis sur leurs traces », assurait le principal intéressé en septembre dernier avant de disputer (et perdre) la finale de l’US Open junior.

     « Il a les armes pour devenir un grand joueur mais il faut enchaîner. Il faut savoir que dans le tennis, les choses ne sont pas faciles. Il faudra concrétiser l’essai », prévenait Rafael Nadal, nonuple vainqueur de Roland-Garros après leur rencontre Porte d’Auteuil. « C'est un gros bosseur et il aime ça », répondait Ramos dans La Nouvelle République lors du tournoi de Poitiers. « Il va devoir muscler son jeu, et avoir plus d'audace. C'est comme cela qu'il sera plus fort », concluait Di Pasquale.

    Sports Elite Jeunes mise sur lui

    Halys, parrain avec Robert PirèsPour cela, il pourra demander conseil à Robert Pires avec qui il est parrain de Sports Elite Jeunes. En effet, le groupe spécialisé dans l’organisation de stages et vacances sportives à destination des 7-17 ans depuis 1977, a choisi de s’associer avec le jeune espoir du tennis tricolore. Dans le cadre de ce partenariat, Quentin Halys aura la charge d’encadrer des enfants dans la pratique de leur sport mais aussi et surtout de partager son expérience, son apprentissage du haut niveau. Avec Halys, Sport Elite Jeune entend offrir un interlocuteur à la fois crédible dans son discours et proche des jeunes accueillis dans les différents camps. Car si Robert Pires brille par son palmarès et sa carrière au plus haut niveau, l’ancien pensionnaire de l’INSEP sera davantage en phase avec ses interlocuteurs, plus au fait de leurs aspirations, de leurs problèmes et pourra tenir un discours peut-être plus adapté à leurs âges.

    A 18 ans, ce partenariat pourrait être le premier d’une longue série pour le jeune homme qui se dit heureux et fier de pouvoir conseiller ces enfants bien qu’il appréhende encore le fait de se retrouver seul face à eux. A l’image du garçon, réservé dans la vie mais si assuré les pieds sur un court. En attendant de se frotter aux petits amateurs de France cet été, Quentin Halys ira taquiner les « anciens » du circuit avec en ligne de mire, qui sait, les qualifications pour le prochain Wimbledon et le rêve un peu fou d’un duel dans le tableau principal avec son idole Roger Federer qui ferait un bel écho à celui de son premier tour Porte d’Auteuil face à Rafael Nadal.

    Christopher Buet


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  • Wawrinka et la Coupe des Mousquetaires

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  • Wawrinka savoure son 2e Grand Chelem

    roland-garros-logoAu terme d’une rencontre brillamment menée, Stanislas Wawrinka a dominé Novak Djokovic en 4 manches (4-6 6-4 6-3 6-4) en finale de Roland-Garros. Après l’Open d’Australie 2014, le Suisse remporte son deuxième titre en Grand Chelem.

    Un point, juste un point pour célébrer et savourer, un point pour couronner tant de mois et tant d’années de sacrifices, d’efforts consentis à l’ombre des courts du monde entier. Rien qu’un point, un ultime service à balancer par delà ce filet, ligne de démarcation entre la légende et l’oubli. Une dernière balle à envoyer hors d’atteinte de cet adversaire poursuivant le même objectif d’absolu dans cette quête tennistique et humaine. Soudain, tout s’arrêta quand le petit projectile jaune s’éleva dans le ciel du central Philippe-Chatrier. Bruyants, les 15 000 spectateurs massés dans l’enceinte parisienne se turent, retenant leur souffle comme pour ne pas dévier la balle, ne pas influer sur le destin qui se jouait devant eux, comme pour ne pas répéter l’erreur d’avoir exulté sur ce service qu’il avait cru gagnant mais finalement annoncé faute.

    Un ultime revers pour un titre éternelLa mise en jeu suisse était puissante et Djokovic tentait un retour croisé en s’appuyant sur la balle. En face, Stan Wawrinka n’avait pas bougé, tournait les épaules et déclenchait en revers. Cloué sur place, le n°1 mondial était impuissant et ne pouvait que regarder la balle du Vaudois s’envoler et filer le long de la ligne avant de retomber dans l’angle du court. Un ultime revers long de ligne comme une signature, le sceau d’un monarque d’un autre temps, celui des patients ; d’un autre monde, celui des besogneux talentueux. « Pendant ce jeu, j'étais fébrile et nerveux parce que je servais pour le match. J'ai commencé à penser que j'allais soulever le trophée. Derrière, j'ai effacé une balle de break. J'ai réussi à faire les choses qu'il convenait de faire, à rester campé sur ma ligne », disait après coup le Vaudois. Au bout de 3h12 d’une finale entraînante, Stan Wawrinka achevait son chef d’œuvre en exécutant en 4 manches Novak Djokovic, l’homme que l’on pensait invincible la confiance adossée à ses 26 succès de rang et à qui le titre semblait promis sur la lancée de son incroyable saison. Il aura fallu un Suisse, pas celui que l’on attendait, pour priver l’omnipotent serbe de la félicité d’un sacre inédit et historique et mettre un terme à une domination démoniaque. Pourtant tout avait bien commencé pour le vainqueur du dernier Open d’Australie.

    Imperturbable, Djokovic distribue et assure la première mancheDjokovic au plus juste

    Au lendemain de sa demi-finale à rallonge face à Andy Murray et conclut dans la touffeur parisienne, Novak Djokovic revenait pour faire face à son destin, remporter ce Roland-Garros qui lui manque tant et qu’il domine tant depuis quinze jours. « Tout ce qu’il me reste, je vais le mettre sur le court » promettait-il samedi.  Aussi, rien d’étonnant de voir que ce fut lui qui prenne le commandement de l’échange. Prenant la balle tôt, le Serbe s’évertuait à varier constamment, à faire courir son adversaire pour le fatiguer et l’empêcher de lâcher son bras. La tactique était payante. Sous pression constante, Wawrinka tentait de se dégager de l’étreinte serbe et sauvait avec brio deux balles de break au cours de ses trois premiers jeux de services. Le combat était féroce entre les protagonistes et c’était bien Djokovic, qui portait le premier coup. À 3-3, il profitait de trois énormes fautes directes et d’une double faute de son adversaire pour breaker blanc. Comme contre Tsonga vendredi, Wawrinka avait connu un de ses passages à vide. L’affaire était entendue. Jamais vraiment inquiété sur son service, le n°1 mondial bouclait la première manche à sa 3ème occasion, non sans avoir écarté une balle de débreak. A défaut d’être brillant et impérial, l’élève de Marian Vajda avait su faire preuve d’une incontestable constance quand le Suisse faisait dans les fulgurances. Signe de l’extrême nervosité qui l’animait, Djokovic criait toute sa détermination et son soulagement en regagnant sa chaise avec son avantage.

    « Il a exécuté le plan à la perfection »

    Djokovic détruit sa raquette de frustrationDe son côté, Stan Wawrinka ne s’affolait pas. « Au début, Novak jouait bien mais je savais que cela pouvait vite changer. Je savais quoi faire. J’ai essayé d’être plus agressif depuis ma ligne de fond, et petit à petit j’ai réussi à être celui qui dictait les échanges. C'est la clé du match pour moi », expliquait-il. En effet, le bison de Lausanne ne déviait pas de son plan et entamait sa charge furieuse. Plus consistant et moins dispendieux, il parvenait à mettre sur le reculoir son adversaire qui privé de temps commettait davantage de fautes (14 contre 7 au set précédent, ndlr). « Il fallait qu’il soit agressif, qu’il rentre dans la balle (…) Au premier set, il y avait du vent et il ne sentait pas la balle. Mais après, il a exécuté le plan à la perfection », relevait son coach Magnus Norman Manquant un temps de lucidité et laissant filer 4 balles de break, Wawrinka s’agaçait face aux nombreuses amorties du Serbe et ses changements de rythme. Il finissait toutefois par faire céder la défense d’un Djokovic jouant de plus en plus court. « Étonnamment, il a accusé le coup quand il a été en difficulté », constatait l’entraîneur de Serena Williams, Patrick Mouratoglou. À 5-4 en sa faveur, le Suisse de 30 ans se déchaînait. Profitant du manque d’intensité dans le jeu de Djokovic, il punissait le Serbe en expédiant deux énormes passings en bout de course et finissait par le désarçonner au terme d’un nouveau bras de fer du fond. Wawrinka se saisissait de la manche et faisait exploser l’impénétrable serbe qui fracassait de rage sa raquette au sol. « Si j’ai cassé ma raquette, c’est que je savais qu’il ne fallait pas laisser Stan prendre confiance », confiait dans L’Equipe l’homme aux 8 titres en Grand Chelem.

    Wawrinka, roi de Paris

    Djokovic était trop courtTrop tard, le mal était fait et Wawrinka lâchait de plus en plus ses coups. Comme hébété, Djokovic confirmait ses dispositions plus que moyennes du jour. Incapable d’allonger et de contrer la puissance brutale de l’Helvète, il se faisait empaler par une nouvelle charge du bison lausannois. Indomptable, Wawrinka laissait parler sa puissance et arrachait blanc la mise en jeu serbe grâce à 2 revers et 1 coup droit catapultés long de ligne. Dans un déchaînement de coups de boutoir, le Suisse mettait un genou un deuxième genou à terre à son adversaire. Dans un ultime effort, ce dernier s’essayait à une ultime révolte. Brekant d’entrée de 4ème manche, il se détachait 3-0. Un mirage sur la terre ocre de Roland-Garros. « Je tenais le coup dans le 2e set, je sauvais des balles de break. Mais il était le meilleur joueur, il a gagné cette manche et il le méritait. C’est comme dans les 3e et 4e sets d’ailleurs. C’est vrai qu’à 3-0 dans le 4e, j’aurais pu emballer le match et aller chercher un 5e. Mais je n’ai pas su le faire. J’aurais sans doute pu mieux jouer parfois, mais voilà, il a pris ses chances quand il les a eues. Il a joué un tennis très tactique plus les bons coups aux bons moments », avouait fataliste le Serbe.

    Wawrinka saoule de coups DjokovicEn effet, après quelques minutes de décompression, la tête de série n°8 reprenait le fil de son tennis. De nouveau consistant dans l’échange, il ne lâchait plus rien et, c’est un comble, usait Novak Djokovic à l’échange, à force de grandes gifles. Les cris du patron du circuit n’y feraient rien. À 4-4, Wawrinka lançait sa dernière ruade. Tentant en vain de varier, Djokovic se faisait prendre en passing, ce secteur où il a construit tant de ses succès. À 30 ans, le Suisse ne tremblait pas à l’heure de conclure devant un public extatique. « À la fin du deuxième set, j'avais l'impression de commencer à fatiguer physiquement, d'avoir des bobos un peu partout. J'avais du mal à me persuader que j'allais pouvoir tenir la cadence. Je suis surpris par la manière dont le quatrième set s’est fini, surtout quand j'ai commencé à pouvoir me relâcher en revers et à pouvoir envoyer ce que je voulais », appréciait le nouveau champion de Roland-Garros qui au bout d’une finale presque parfaite, confirmait que son succès en Australie un an plus tôt n’avait rien d’une erreur. Deux titres majeurs remportés à chaque fois face au n°1 mondial en exercice. « Depuis deux ans, j'ai changé de catégorie »,glissait-il « Je suis très surpris de la façon dont j'ai joué parce que j'ai pratiqué un tennis incroyable. J'étais nerveux, mais je n'étais pas crispé. J'essayais de lâcher mes coups. Je suis ravi d'avoir le trophée à mes côtés. »

    La belle accolade entre Wawrinka et Djokovic

    De son côté, Novak Djokovic accusait le coup. Bien qu’acclamé par un public et au bord des larmes, le Serbe, invaincu jusqu’alors sur terre battue, devait se résoudre à vivre avec ce 3ème échec en finale à Paris, sa première défaite majeure depuis sa demi-finale étouffante de l’US Open en septembre dernier, la 3ème cette saison (pour 42 victoires). « C’est une défaite qui fait mal, encore plus parce que c’est une finale. J’avais fait une super saison sur terre battue, un super Roland Garros jusque là. Je m’étais vraiment mis en position de gagner, je menais un set à zéro aujourd'hui, j’étais vraiment dans le match. Tactiquement, j’essayais de mettre en place ce que j’avais prévu. Mais il a trouvé une solution », regrettait dignement celui qui allait encore devoir patienter pour intégrer le cercle des vainqueurs de chaque levée du Grand Chelem.

    Avec son succès, douze ans après son sacre chez les juniors, Wawrinka rejoignait un cercle tout aussi fermé, en devenant le 3ème joueur de l’ère Open après Lendl et Wilander à réussir le doublé Porte d’Auteuil. La marque d’un Grand. Joueur humble et travailleur, Stan Wawrinka possède un talent bestial qui lui a permis d’imposer sa loi sur la terre ocre des Mousquetaires, cette terre aux reflets de légendes. Au cœur d’une époque fastueuse marquée par les avènements de trois des astres les plus lumineux de la galaxie du tennis (Federer, Nadal et Djokovic), « Stanimal » aura su attendre son heure. Déclenchée en janvier 2014 et après avoir emporté sur son passage l’Open d’Australie, Monte Carlo et la Coupe Davis, la charge du bison vaudois a déferlé sur Roland-Garros, sa terre originelle.

    Les champions et leurs trophées

    Christopher Buet


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  • Monfils n'avait pas l'énergie

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  • Federer était trop fort pour Monfils

    roland-garros-logoSupérieur dans tous les compartiments du jeu, Roger Federer n’aura eu aucun mal à se débarrasser de Gaël Monfils en huitièmes de finale en 4 manches (6-3 4-6 6-4 6-1, en 2h10). Le Suisse atteint son 44ème quart en Grand Chelem où l’attend son compatriote Stan Wawrinka.

     

    C’était comme un jeu, un rituel un peu spécial que Gaël Monfils avait l’habitude de mettre en place à chacune de ses venues à Roland-Garros. A la manière d’un artiste montant sur scène pour livrée sa performance, le Français s’amusait à jouer avec les spectateurs. Un tour un peu particulier, celui de l’absence précoce créant l’inquiétude et de l’apparition quasi miraculeuse dans un final flamboyant. Un scénario limpide pour un numéro rodé à l’effet garanti. Toutefois, en ce premier jour du mois de juin, la magie parisienne n’a pas opéré car un tour spectaculaire n’est pas dénué de dangers et un artiste pas à l’abri d’un accident. « Je n’ai pas passé une bonne nuit après l’interruption dimanche. Je me suis levé pas mal de fois. Quand je me suis réveillé, le corps était mou. Aujourd’hui, Roger a fait preuve de solidité, mais on voyait bien que j’étais émoussé », confiait blême Gaël Monfils. Le Français ne pouvait que constater les dégâts. Une heure et deux minutes, voilà le temps qu’il avait pu passer sur cette scène ocre du Philippe-Chatrier. Une heure de calvaire et d’impuissance face à la maestria du sorcier helvétique.

    Federer en patronVeillée humide et enthousiaste

    Car la facétieux et non moins talentueux Gaël Monfils a vu les choses en grand pour défier en son théâtre de la Porte d’Auteuil Roger Federer, au point d’en appeler aux conditions météorologiques. En effet, dimanche, il fallut attendre la toute fin de journée pour voir les deux hommes foulés la terre ocre du court central dans une lumière déclinante voilée par le gris de ces nuages ayant arrosé et refroidi Roland-Garros. Pas de quoi effrayer l’élève de Jan de Witt, jamais aussi à l’aise qu’en fin de journée devant les siens. Directeur technique national, Arnaud Di Pascaule voulait y croire mais à une seule condition : que le 14ème mondial adopte la bonne tactique. « Il doit être très agressif, mettre beaucoup d’intensité. S’il se contente de remettre la balle face à Roger, il n’a aucune chance. Il faut vraiment qu’il prenne l’échange à son compte. Il doit mettre beaucoup d’intention, beaucoupd’intensité dans chaque point », expliquait-il. C’était oublié le petit jeu de l’incorrigible Parisien.

    Le problème, c’est que Roger Federer n’est pas dupe et ne connaît que trop bien les manières de son adversaire. Impeccable depuis le début de son tournoi, le Bâlois était bien décidé à ne pas s’éterniser sur le court. Aussi, comme aux tours précédents, il attaquait fort quand Monfils jouait les absents et s’emparait du break d’entrée pour se détacher rapidement 3-0. Vif et aérien, jouant en avançant avec une précision diabolique (25 pts sur 39 montées, ndlr), Federer s’adjugeait le set après 29 minutes de démonstration (6-3).

    Monfils entretient l'espoir en prenant le 2e set avant la nuitCe fut le moment choisi par le tricolore pour sortir de sa boîte. Longtemps gêné par le vent tourbillonnant qui balayait le Central, Monfils revenait avec plus d’intentions en seconde manche et parvenait à embarquer son rival dans de longs échanges de fond de court. Plus à son affaire, il laissait parler sa puissance et dans un jeu de miroir répétait le scénario du set précédent mais à son avantage, breakant d’emblée pour mener 3-0. Le mimétisme fut poussé jusqu’à 5-3 où un mauvais jeu lui fit perdre son avantage. Une péripétie puisqu’il concluait le set dans la foulée sur le service suisse grâce à deux coups droits monstrueux qui crucifiaient Federer. Dans une ambiance survoltée, Monfils revenait à hauteur (6-4) avant que l’arbitre ne stoppe les débats en raison de la nuit galopante qui avait étiré son ombre sur le court. Une donnée qu’avait parfaitement intégrée le n°2 mondial. « Quand je suis rentré sur le court hier, je me suis dit qu'il y avait peu de chances qu'on finisse le match (…) On a stoppé dans de bonnes conditions, à un set partout. Hier, les conditions étaient difficiles. Malgré ça, je sentais que j'étais bien là. J'ai même trouvé que j'étais le meilleur joueur sur ces deux premiers sets, car même s'il avait le break d'avance dans le 2e, j'avais plus d'occasions de breaker que lui. Je rate cette volée importante à 5-4 et derrière il prend ce set, ce qui était quand même un peu décevant pour moi. Mais je suis resté calme, je savais que je faisais les bonnes choses, que je jouais de la bonne manière », disait-il lundi après son succès.

    « Roger a été plus fort »

    Federer a survolé les débatsC’était là le génie de Monfils pensait-on : étirer son spectacle sur deux jours, d’une nuit pluvieuse et froide à une après-midi au soleil enjôleur. Un nouveau chef d’œuvre dans la galerie du parisien. Si l’astre doré brillait bien au-dessus de la Porte d’Auteuil, on ne put en dire autant du magicien français. Arrivé tard à l’échauffement, aux alentours de 11h40 sur un court annexe quand Federer s’était pointé une heure et demie plus tôt pour reprendre ses marques sur le Philippe-Chatrier. Le diable se cache dans les détails et celui-là en fait partie. « Aujourd'hui, c'était une nouvelle journée, de nouvelles sensations. Je me suis vraiment appliqué à garder ma concentration, à servir de manière plus constante également. J'ai bien varié, bien servi, avec des aces sur les balles de break. J'ai été solide, exactement comme je voulais l'être », observait l’homme aux 17 Grand Chelem. Comme la veille, ce dernier s’appuyait sur son excellente condition physique pour prendre à la gorge son adversaire et lui chaparder son service. Si Monfils s’accrochait tant bien que mal et s’octroyait une balle de break à 3-5 (écartée par un service gagnant, ndlr), il ne parvenait à dérégler l’artiste suisse auteur d’un récital tout en variations auréolé de 15 coups gagnants (41 au total, ndlr). « Le troisième set a été quand même assez serré, Il y avait 0-40 [à 3-1], c'était mon opportunité, je n'ai pas pu la saisir, derrière il faut quand même que je me batte assez pour rester dedans. Heureusement, j'ai bien joué dans les moments importants et au quatrième set, j'étais juste solide. Il a peut-être lâché un tout petit peu. Mais j'ai continué à bien servir, j'ai bien trouvé toutes les zones, j'ai bien varié », appréciait le sorcier bâlois.

    Monfils sort prématurémentLas de la perte du 3ème set et peu fringant en raison de son virus, Monfils lâchait prise à l’image de cet inexplicable jeu à 1-3 où il fit tout et surtout n’importe quoi sous les yeux médusés d’un Chatrier atone. « J'étais malade, certes, mais il y a aussi Roger qui a été plus fort que moi. Même si je n'avais pas été malade, si ça se trouve, j'aurais perdu. Ma maladie n'est donc pas du tout une excuse. Roger a été plus fort, il a mieux joué, il a mieux géré », admettait le quart de finaliste de l’édition 2014 qui perdait pour la première en trois rencontres face au Suisse mais pour la quatrième fois de rang à Roland-Garros contre son bourreau. Cette fois, l’illusion n’avait pas fonctionné et Monfils ne put produire son somptueux et pétaradant final porté par « son » public en liesse. Eteint, il le saluait d’un revers de la main. Un simple « Au Revoir ». De son côté, Roger Federer se félicitait d’avoir évité le « bras de fer » annoncé et espéré par Lionel Roux. « Je suis content de ce match, d'autant plus que j'arrive frais physiquement pour mon quart de finale. Je sais que j'ai une chance de gagner, mais je sais à quel point c'est difficile aussi. Je suis très heureux de retrouver les quarts de finale. Cela signifie beaucoup pour moi et je pense que j'ai encore du tennis sous ma raquette pour les prochains matches », concluait l’Helvète. Une fraîcheur bienvenue à l’heure de retrouver son compatriote Stan Wawrinka, imperturbable depuis le début de la quinzaine.

    Christopher Buet

     


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