• US Open : La scène est ouverte

    Central Arthur Ashe

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    Dans une saison qui a vu trois vainqueurs de Grand Chelem différents, l’US Open apparaît plus indécis que jamais. Si Nadal l’indestructible fait figure de favori, Djokovic, Murray, Federer et les autres artistes du circuit comptent bien briller sur la scène new-yorkaise.

    Les lumières sont encore pâles, l’ambiance encore feutrée. Si une certaine léthargie flotte encore, résidu d’une année de somnolence et d’attente interminables, déjà un frémissement parcourt les allées de Flushing Meadows et agite les entrailles de l’US Open. Comme chaque année alors que l’été vit son crépuscule, New York s’éveille et rallume les lumières pour distiller son inégalable show, grande parade du tennis mondial. Comme souvent ces dernières années, le central Arthur Ashe sera l’ultime scène du spectacle du Grand Chelem, au lieu de dramaturgie, d’illusions et de légende. L’an dernier, encore, il fut le théâtre de l’avènement d’Andy Murray, prince sans couronne enfin anobli, brisant ainsi 77 ans d’une odieuse malédiction frappant le tennis britannique.

    Rafael Nadal à CincinnatiCette saison encore, l’US Open entend réserver son spectacle habituel. Avec cinq joueurs, en activité, ayant déjà soulevé son trophée (Federer, Del Potro, Nadal, Djokovic, Murray), le Majeur américain laisse augurer de fabuleux numéro. Pourtant à l’heure où les spectateurs envahissent Flushing Meadows, c’est un air de corrida qui résonne et éclipse tout.

    Nadal, pour le Grand Chelem

    Cet assourdissant bruit de fond, c’est à Rafael Nadal qu’on le doit. Alors qu’on l’avait quitté claudiquant à Wimbledon, éconduit au premier tour par le modeste belge Steve Darics et le genou grinçant, l’Espagnol a effectué un retour des plus mémorables. Sur une surface dure qui ne lui plaît guère, il s’est montré, simplement, impitoyable. Revigoré par une longue pause de sept semaines au cours de laquelle il a pu reposer sa patte endolorie, le Taureau de Manacor n’a pas fait dans le détail. Chargeant comme un forcené, il a empalé tous les apprentis toréros qui tentèrent de le dompter. La première ruade frappa Montréal où personne ne fut en mesure de le stopper, pas même Novak Djokovic écorné en trois sets en demi-finale où le serveur fou Milos Raonic, porté par tout le peuple canadien. « Il m’a épaté par son retour. C’est inouï », s’enthousiasme Boris Becker dans la presse belge.

    Mais Rafael Nadal ne s’est pas arrêté à ce succès. Insatiable, il a marché sur Cincinnati avec la même autorité, dominant au passage son meilleur ennemi Roger Federer au terme de sets intenses et une autre gâchette facile évoluant à domicile John Isner en finale. Rapide, puissant et d’une redoutable précision, le Taureau de Manacor s’épanouit en Amérique du Nord et plus généralement sur cette terre cimentée. Depuis le début de l’année, l’animal n’y a jamais défailli en 16 combats. « Le fait que Rafa ait perdu rapidement à Wimbledon lui a permis de très bien se préparer à la saison nord-américaine sur dur. Personne n'a été capable de le battre cette année sur cette surface. Il a réussi à bien jouer ses coups, à repousser sesRafael Nadal victorieux à montréal et Cincinnati adversaires derrière leur ligne et à jouer le bon coup au bon moment. Il est, sans aucun doute, l'indiscutable favori du dernier Grand Chelem de la saison », avance le britannique Greg Rusedski, finaliste de l’US Open en 1997. Favori, Nadal jouit d’un tableau ardu avec un premier tour compliqué face au local Ryan Harrison, 20 ans et accrocheur. Derrière, il faudra certainement ramener à l’ordre la surprise du tournoi de Montréal Vasek Pospisil, en  huitièmes Isner l’attendra certainement, avant un quart contre Federer. Et si l’ogre de l’ocre, se repaissait en cette fin 2013 d’un peu de ciment new-yorkais, dont il n’a goûté qu’une fois en 2010. En cas de succès, l’homme aux 9 titres en 13 tournois cette saison redeviendrait n°1 mondial.

    Murray, têtu et couronné

    Mais avant de brandir le trophée, Nadal devra se débarrasser d’adversaires coriaces, à l’image d’Andy Murray. Le nouveau maître des lieux ne semble pas tout à fait disposer à rendre les clés du central Arthur Ahse où il s’est accroupi l’an passé, accablé par le poids d’une histoire enfin soldée, pour fêter son premier triomphe en Grand Chelem à l’issue d’une finale marathon conclue après 4h54 d’une guerre d’usure avec  Novak Djokovic. Depuis, ce lundi de septembre 2012, tout a Andy-Murray US Open-2012changé dans le petit monde d’Andy Murray. Toujours entraîné par Ivan Lendl, l’Ecossais a remisé le perdant magnifique pour lui privilégier le tourmenteur paradant. S’il a échoué en finale (une 6ème fois) de l’Open d’Australie face à Novak Djokovic et s’il a déserté la Porte d’Auteuil pour soigner son dos, Murray a conquis le gazon, ce gazon londonien qui s’était refusé à lui en 2012. En juillet, Murray a régné chez lui, s’adjugeant le légendaire tournoi de Wimbledon 77 ans après un certain Fred Perry, dernier sujet de sa Royale Majesté à l’avoir offert le trophée au Royaume.

    Depuis ce succès, le double vainqueur en Grand Chelem n’a pas brillé. Avec un huitième de finale à Montréal et un quart de finale à Cincinnati, Murray n’a pas idéalement préparé la défense de son titre. Malgré cet été en demi-teinte, John McEnroe se veut confiant pour l’Ecossais. « D’une part il a déjà gagné ici, ce qui est magnifique. D’un autre côté, il a plus de pression sur les épaules pour réitérer cette performance. Et si nous ajoutons Wimbledon… Il sera prêt à défendre son titre à l'US Open », assure l’Américain. Et contrairement à Nadal, Murray dispose d’un tableau plus que clément. Opposé à Mickaël Llodra d’entrée, son chemin sera dégagé jusqu’en huitième de finale où il devrait retrouver Nicolas Almagro et son redoutable coup droit. Un muret au regard du mur métallique que devrait constituer Tomas Berdych au tour suivant, avant le rempart Djokovic en demi-finale pour le remake de la finale de l’an dernier.

    Djokovic à pas feutrés

    Depuis sa fulgurante ascension en 2011 grâce à son « cosmic tennis », Novak Djokovic n’a jamais semblé aussi en retrait Novak Djokovic arrive sans grande certitudequ’en cette fin de mois d’août. Après un début de saison tonitruant qui l’a vu épingler son 4ème Open d’Australie, le troisième de suite, le Serbe semblait parti pour imposer sa loi sur le circuit. Un sentiment renforcé par le fait que l’Aigle de Belgrade a plané sur Monte-Carlo, le premier Masters 1000 de la saison sur terre battue. Une victoire d’autant plus méritoire, qu’il a terrassé en finale celui qui avait fait du Rocher son territoire les 8 dernières années, Rafael Nadal. Le rapace serbe venait de frapper un grand coup. Le dernier de son année. Car depuis ce succès à domicile, Djokovic a échoué en demi-finale de Roland-Garros brisé par Nadal au terme d’une grande bataille devant un Philippe-Chatrier hystérique et en finale de Wimbledon, hors sujet face à Murray et sa cour.

    Lors de la tournée américaine, il n’a même pas atteint l’une des deux finales, Del Potro se chargeant de le stopper en quart au Canada et Murray en demi aux Etats-Unis. Ce n’est donc pas dans les meilleures conditions que le Serbe aborde cette dernière levée du Grand Chelem avec un menu copieux : Dimitrov au 3e tour, Paire au suivant et surtout la Tour de Tandil en quart comme juge de paix.

    Federer à CincinnatiFederer, entre interrogation et progrès

    Comme Djokovic, Federer arrive sans grandes certitudes, loin de là même. Humilié à Wimbledon au deuxième tour par Stakhovsky, un crime de lèse-majesté pour un joueur qui n’avait plus été sorti avant les quarts de finale en Majeur depuis Roland-Garros 2003, le Suisse a vécu un été catastrophique. Son séjour à Hambourg et Gstaad s’est soldé par deux défaites (ndlr : 6 matches en 4 tournois depuis son titre à Halle), un essai de raquette non concluant et de nouvelles douleurs au dos. Seul point positif, sa reprise réussie à Cincinnati. S’il s’est arrêté en quart de finale contre Nadal, il aura montré d’évidents progrès dans son jeu. Très offensif, il a même baladé le Majorquin durant la première manche. Malgré ça, Boris Becker ne croit pas en lui. « Je crains que cela ne soit très difficile. J’ai été surpris par sa défaite à Wimbledon. Il manque désormais quelque chose », explique l’Allemand. Un avis que ne partage pas Goran Ivanisevic. « C'est toujours facile d'annoncer Nadal ou Djokovic comme favori. Mais il y a toujours Roger. Ce court est fait pour lui. S'il a l'esprit à ça, il peut faire énormément de dégâts », prévient le vainqueur de Wimbledon 2001. Même si Federer a reculé au 7ème rang mondial, son plus mauvais classement depuis 2003, Sa Majesté a encore faim et surtout ne souffre plus du dos.  Sa chance réside également dans un tableau qui devrait lui permettre de monter en puissance avant d’affronter son meilleur ennemi Rafael Nadal en quart de finale. « Si je joue bien, je vaux mieux que 7e, alors à moi de le prouver. Je ne suis pas là pour participer, je suis là pour gagner », assure Federer. A trente-deux ans, la fenêtre de tir du Suisse se réduit considérablement.

    Gasquet bien seulDel Potro, l'outsider n°1

    Derrière les quatre solistes qui monopoliseront les premiers rôles, le Berdych mécanique et le concasseur argentin Del Potro feront figure de doublures plus que sérieuses. Le Tchèque a la voie dégagée et se retrouve dans le quart de tableau de Murray qu’il a brisé à Cincinnati. De son côté, Del Potro est en compagnie de Djokovic que son coup droit fracasse avec allégresse depuis plusieurs mois. La Tour de Tandil est proche de faire céder le Serbe en Grand Chelem. Après l’avoir poussé en cinq manches à Wimbledon, il pourrait y parvenir sur le ciment de New York, là où il était né au tennis en 2009, quand il avait assommé Federer, quintuple tenant du titre, en finale. Malgré son statut de n°4 mondial, Ferrer ne présente que très peu de garanti. Les surprises devraient plus venir d’un Milos Raonic, qui a pris d’assaut le filet derrières ses missiles au service, la patte Ljubicic, son nouveau coach. Attention également à un Jerzy Janowicz, dangereux avec son jeu atypique pour son gabarit ou John Isner. A domicile, le géant américain, finaliste à Cincinnati est en pleine forme, en confiance et sait que son jeu dérange ses adversaires.

    Côté français, on est loin de fanfaronner. Tsonga forfait (tendon rotulien), Simon aussi, c’est Richard Gasquet qui aura la charge de mener le contingent tricolore. Le tirage au sort s’est montré favorable sur le papier même si Raonic est attendu dès les huitièmes, avant Ferrer ou Janowicz. Derrière le Biterrois, le flou règne. Gaël Monfils veut assurer le show mais son physique couine encore, comme le prouve son abandon à Winston Salem pour des douleurs aux abdominaux. Le Parisien, dont la saison ne ressemble pas à grand-chose, pourra au moins compter sur le Richard Gasquet sera le porte étendard de la France à l'US Openpublic de Flushing Meadows qui adore ses inspirations et son sens du spectacle. Quid de Benoît Paire dont son entraîneur admet sans mal qu’il a encore du mal à le comprendre. Bourré de talents, l’Avignonnais est capable du meilleur comme du pire, gageons qu’il opte pour la sérénité menant au succès que la folie destructrice.

    En attendant que tout ce beau monde ne commence les représentations, la scène se fait une beauté. Les lumières se rallument, la musique recommence à inonder les coursives pour accueillir les fans. The US Open is ready, the show can begin.

    Christopher Buet


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