• Tsonga sème (à nouveau) la terreur

    Ce trophée tant désiré
    En retrait depuis plusieurs mois, Jo-Wilfried Tsonga n’a laissé aucune chance à Roger Federer dans cette finale à Toronto pour s’adjuger son 2nd Masters 1000 (7-5 7-6 en 1h49). Impressionnant dans tous les compartiments du jeu, le Français conclut une semaine parfaite au Canada.

    Tsonga savoure le titre

    Messieurs, il y a une nouvelle terreur qui sévit sur les courts et elle ne rigole pas mais alors pas du tout. Enfin si, elle rigole, elle sourit à l’issue de ses méfaits quand son adversaire gît au sol, criblé par les balles de son gros calibre si bien huilé et réglé. Sous le beau soleil de Toronto, Jo-Wilfried Tsonga vient de ranger son arme encore fumante et ne peut se défaire de son immense sourire. Une émotion partagée entre l’incrédulité et la joie de la situation, de ce titre acquis de main de maître face aux plus fines gâchettes du moment. Le temps ne s’écoule dans l’esprit du Français qui ne peut plus s’empêcher d’être heureux, d’aller saluer Thierry Ascione, son coach en tribune, qui l’accompagne depuis le début du tournoi, avant de retourner s’asseoir en attendant d’aller brandir ce trophée qu’il attend depuis plus d’un an, depuis ce mois de février 2013 et une victoire à Marseille. Ce succès-ci a toutefois plus de saveur, celle de la douleur, du sacrifice, du dépassement, de l’abnégation car il lui en a fallu de la confiance et du courage pour revenir à ce niveau. « Il y a deux ans, je me souviens que j’avais beaucoup de problèmes avec mon genou ; et aujourd’hui, je suis ici avec le trophée, c’est fantastique », apprécie Tsonga quand on lui tend le micro. Avant d’en arriver là, le Manceau a exécuté sa dernière victime sans même sourciller.

    Tsonga tire en premier

    Tsonga était trop fort

    On rêvait d’un intense et irrespirable duel au soleil, une opposition haletante qui aurait vu le temps se suspendre et dont la bande originale aurait été composé par le maître italien du genre, Ennio Morricone. On rêvait de ce face-à-face, de ce western à l’ancienne en terre canadienne. Il n’eut finalement pas lieu tant l’affrontement n’accorda que peu de place au suspense et au doute. Pourtant, les protagonistes avaient de beaux arguments à s’opposer entre un Federer au jeu affûté à défaut d’être brillant et un Tsonga au service de plomb.

    Comme à l’accoutumée dans ce genre de duel, les premiers instants étaient timides voyant les deux hommes s’observer, se toiser du regard en testant leurs armes du jour, notamment ce service baromètre incontournable des jeux français et suisse. Si régulier depuis le début de la semaine, Tsonga peinait à trouver son rythme et ses zones dans l’exercice, à l’exception de cet angle croisé court qui le secourra plus d’une fois. Malgré un faible pourcentage (45% de premières balles, ndlr), le Manceau se débrouillait pour verrouiller ses mises en jeu au point de ne jamais se faire inquiéter. De son côté, Federer menait tranquillement sa barque sans frémir. Un tie-break semblait inéluctable pour départager deux protagonistes si sereins. C’était sans compter sur le finaliste de l’Open d’Australie 2008. En effet, ce dernier s’amusait à réécrire le scénario en sa faveur à 6-5. « Je n'ai pas mal débuté. Mon début de rencontre était même la meilleure partie de mon match. Sur ce point là j'étais content de mes sensations et de mon jeu mais au lieu d'aller en s'améliorant ça a fini par retomber», regrettait Federer. Pressé depuis deux jeux, l’ancien n°1 mondial était poussé à la faute et ne pouvait que constater les dégâts quand Tsonga dégaina sur sa seule et unique balle de break de la manche. Il ne lui en fallait pas plus, d’une munition tirée au moment opportun pour désarmer son prestigieux adversaire (7-6).

    Federer désabusé

    « Un grand moment »

    Hébété, Federer titubait d’autant que ses sensations lui faisaient défaut. Incapable de soutenir la comparaison du fond du court, le Bâlois changeait d’option tactique à l’entame du deuxième acte et se ruait au filet. À défaut de venir contester Tsonga sur ses engagements, il parvenait à protéger les siens. Le subterfuge fonctionna 2 jeux, le temps pour ses errances de ressurgir. Lesté de 4 fautes grossières, Federer était obligé de faire des merveilles pour préserver ses chances avec notamment un ace claqué sur le T pour effacer la première opportunité de break du 15ème joueur mondial. Le danger se faisait plus pressant quelques minutes plus tard. Implacable derrière ses mises en jeu (64 % de points marqué derrière ses premières balles, ndlr), le protégé de Thierry Ascione et Nicolas Escudé se procurait deux nouvelles opportunités, puis encore deux autres sans toutefois réussir à les saisir. Ce n’était qu’une question de temps. Le tennis du finaliste de Wimbledon ne tenait qu’à un fil dans ce set.

     Ca allait trop vite pour Federer

    Non sans sauver une balle de match à 5-4, Federer et son orgueil s’agrippait et se donnait le droit de disputer le jeu décisif qui aurait dû ponctuer la manche précédente. Une maigre consolation car tout était déjà écrit et rien ne pouvait abattre le franc tireur manceau. Si Federer déclenchait le premier avec deux aces coup sur coup, Jo-Wilfried Tsonga répondait assénant 2 aces, un service extérieur gagnant et deux séquences limpides en deux coups de raquette. À nouveau, c’était sur des défaillances bâloises que se faisait la décision. Pâle comme le vert de son T-shirt et blessé par les salves tricolores, Federer était terrassé par une énième faute directe. Faiblard, son revers venait mourir dans le cœur du filet et sceller l’issue de ce duel. « Je n'ai pas assez bien joué. Si vous n'êtes pas capable de frapper des coups droits ou quoique ce soit correctement... Ce n'était pas mon jour », reconnaissait l’élève de Stefan Edberg. Le soleil était haut dans le ciel et le recordman de victoires en Grand Chelem venait de s’effondrer, vaincu par l’énergie et la volonté d’un Tsonga revigoré.

    Tsonga a dicté sa loi

    « Je ne réalise pas vraiment ce que j'ai réussi cette semaine, mais je peux déjà dire que c'est un grand moment dans ma carrière. C'est complètement différent de ma victoire à Bercy (en 2008, ndlr), car il y avait à l'époque derrière moi ma famille et mes amis, je m'étais imposé avec mes tripes et mon coeur. Ici, j'ai remporté ce titre avec mon niveau de jeu, j'ai bien joué durant toute la semaine, j'ai battu quatre grands joueurs (Novak Djokovic en 8e de finale, Andy Murray en quart, Grigor Dimitrov en demi-finale et Roger Federer en finale, NDLR) (...) Pour arriver à une telle semaine, il y a beaucoup, beaucoup de travail, j'attendais cela depuis plusieurs mois », savourait celui qui redevenait n°1 français et membre du Top 10 (10ème). En soulevant le trophée, Tsonga mettait, par ailleurs, fin à 23 ans de disette des Français, qui n’avaient plus remporté un titre sur sol étranger en Masters 1000 depuis Guy Forget à Cincinnati en 1991.

     « On m’a enterré trop vite », disait-il le matin même. En effet, on ne peut condamner un tel cow-boy sans s’assurer qu’il est définitivement mort et cette victoire, la première en Masters 1000 pour un joueur classé hors du Top 10 depuis Ivan Ljubicic en 2010 et obtenue après avoir massacré Djokovic, Murray, Dimitrov et Federer (tous membre honoraire du Top 10, ndlr), en atteste. Il y a une nouvelle terreur sur les courts, elle est française et compte bien se faire entendre à l’heure de la tournée Nord-américaine.

    Christopher Buet


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