• La première pierre du matador catalan

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    Entrer dans la légende est une chose, la construire en est autre réserver aux plus grands. A 23 ans, Martin Fourcade fait preuve d’une précocité rare en biathlon et glisse déjà dans le sillage des Björndalen et Poirée.

     
    C’est l’histoire d’une mise à mort tant attendue et inévitable. En ce troisième week-end de mars, Martin Fourcade a mis un point final à une saison dominé d’un bout à l’autre. Seul le tenace, bien qu’affecté, Svensen s’échinait à poursuivre le combat et a contesté l’homme de Céret dans les Pyrénées Orientales. Alors pour conclure en beauté cet hiver, Martin Fourcade a décidé de s’inviter à l’actualité. Alors que la corrida est mis au pilori de l’autre côté des Pyrénées, notamment en Catalogne, le Catalan a choisi de la revisité en Russie dans la froide Sibérie, lui rendant ainsi sa grâce et sa noblesse. Armé de sa carabine et surtout de ses skis affutés, il a pourfendu la neige et son adversaire Norvégien pour enfin s’adjuger le Globe de Cristal saluant la victoire au classement général de la Coupe du Monde. Un final magistral pour une saison en tout point extraordinaire pour le cadet de la famille Fourcade et la juste récompense d’un talent reconnu.
     
    La dernière pierre du pont
     
    « C’est un des athlètes que j’admire le plus car, il est toujours au top. C’est toujours dur de courir contre lui. Dans le milieu tout le monde le respecte car en plus d’être un grand champion, c’est un gars qui sait rester humble. ». L’hommage est signé d’Emil Svensen, son dauphin. Plus qu’un hommage une marque de respect. Ce caractère 

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    humble, il faut venir le chercher là où Martin à grandi. Au pied des Pyrénées, le frère de Simon va être élevé dans l’amour des choses simples, loin du clinquant des grandes métropoles. « J’ai grandi dans un endroit merveilleux quoiqu’un peu éloigné du reste du monde pour un préadolescent. Cette enfance m’a permis d’aimer la nature et de lier des liens privilégiés avec mes frères. » raconte sur son site internet Martin Fourcade. Cet endroit dont il parle, c’est Céret, chef lieu de son propre Canton dans les Pyrénées Orientales et connu pour son fameux « Pont du diable », édifice qui selon la légende serait l’œuvre inachevée du diable. En effet, il y manque la pierre finale. Cette pierre, c’est sans doute Martin. Si son enfance est baignée par l’amour fraternel, c’est ce même amour qui va le conduire au biathlon. Passionné de sport, il pratique le judo, le VTT, le hockey, la natation ou encore l’athlétisme. Pourtant c’est vers le ski nordique que son cœur va le conduire. La raison ? Son frère aîné Simon.
     
    Aller-retour, récit d’une quête d’équilibre
     
    « Il m’a montré la voie. Il m’a permis de ne jamais douter. » confie Martin à propos de son grand frère. Une qualité que confirme son entraineur Stéphane Bouthiaux qui lui en a fait voir des vertes et des pas mûres notamment lors des Mondiaux juniors de Ruhpolding (déjà) où les résultats laissaient à désirer. « Il ne s’est jamais posé de questions. C’est sa force. » apprécie-t-il. Porté par sa foi et imitant son frère, il quitte Villard-de-Lans et traverse la France pour rejoindre le massif alpin où s’entraine Simon. Là, il va faire la connaissance d’un homme va changer sa carrière. Thierry Dusserre sera son premier coach dans les Alpes et va lui apprendre la rigueur du champion. Car en arrivant, Martin est dissipé et a des faux airs de Xavier, le héros campé par Romain Duris dans L’Auberge Espagnole (de Cédric Klapisch et un de ses films préférés). Le cadre est idéal et tout semble aller à merveille mais quelque chose taraude le cadet de la fratrie. Sa famille et ses amis lui manquent, aussi il décide de mettre un terme à l’expérience alpestre et rentre à Font-Romeu. De retour à la maison, il retrouve le plaisir de skier. Mais le lieu n’est pas propice à la compétition et à son ambition. Plus équilibré, il repart, non sans avoir « tanné mes parents » et rejoint Prémanon et le pôle France qu’il ne quittera plus. Le garçon a 16 ans et se sent prêt.
     
    « Martin aime jouer »
     
    Quatre années vont passer durant lesquelles, Martin va apprendre le haut niveau et s’imprégner de ses exigences. En 2008, il rentre définitivement dans les Pyrénées qui l’ont vu naitre et où il vit encore avec son amie, non loin de sa famille et de son frère. C’est cette année là, à 19 ans, que le cadet fait ses premières glissades en Coupe du Monde avec une 61ème place à Oslo. Il lui faudra attendre 2 ans avant de pouvoir tutoyer l’élite. « On savait qu’en polissant le diamant, on pourrait en faire quelque chose… » métaphorise Bouthiaux. S’il réalise ses premiers top 10 cette saison là, c’est bien lors des Jeux Olympiques 
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    qu’il explose. Malgré des débuts poussifs loin de son potentiel, il redresse le tir et passe l’argent de la mass-start autour du coup. Un champion vient de naitre car cette médaille ne va mettre qu’en appétit le biathlète. La saison 2011 va confirmer le Français dans son idée. Troisième de la Coupe du Monde derrière les Norvégiens Svensen et Boe, il se persuade que le Globe est accessible. En bon fan de rugby et supporters de l’USAP, Martin aime l’adversité et ce jeu avec l’adversaire. Lui mettre la pression, le pousser dans ces retranchements jusqu’à le faire céder, voilà ce qui plait à l’homme de 23 ans. « Martin aime jouer. Il adore se retrouver en face à face, prendre l’ascendant. » reconnaît Defrasne. Suite à cette saison, Martin Fourcade change de dimension et devient un prétendant crédible au classement général. Plus que cette troisième place, il remporte son premier titre mondial lors de la poursuite, un titre acquis sur les skis.
     
    Un leader insouciant
     
    En 2012, il fait étalage de toute sa science de la glisse et écrase la saison. « Il a un style très pur » appréciera Raphaël Poirée en connaisseur. Martin multiplie dès lors les victoires et s’impose comme le patron de la discipline. « Je suis un autre athlète, j’ai muri, je skie plus vite. » affirmait cette semaine, à Ruhpolding, Martin Fourcade. Dans son sillage, ses coéquipiers s’améliorent et louent ses qualités de leader. « Pour nous c’est une bonne référence. » assure Alexis Bœuf. « C’est un leader de groupe mais qui ne force pas les choses. Il nous tire vers le haut sans être inaccessible. » ajoute Jean Guillaume Beatrix, son ancien comparse chez les jeunes. Impérial toute la saison, il va définitivement marquer les esprits à Ruhpolding, au cœur des Alpes bavaroises dans l’un des temples du biathlon. Là devant près de 20 000 personnes, il va réussir l’exploit de glaner trois médailles d’or (sprint, poursuite et mass-start). Une performance que seuls Raphaël Poirée et Ole Einar Bjorndalen avaient réussi jusqu’à aujourd’hui. Pour parfaire un hiver exceptionnel, il a enlevé la Coupe du Monde, il y a une semaine à Khanty-Mansiyk en Russie, succédant du même coup à Raphaël Poirée, dernier vainqueur français du classement général en 2004. Avec ces résultats, le second de la famille Fourcade (3 frères) s’est éveillé au rang de futurs prétendants à la légende.
    Et quand on lui parle de Björdalen et Poirée, les deux légendes du biathlon, et de sa capacité à les rejoindre au pinacle de la discipline, il ne se défile pas. « Il faudrait être bête pour ne pas y songer. Mais il faut rester les pieds sur terre. Je prends les courses, les unes après les autres. Je suis champion du monde et personne ne me le retirera. C’est déjà génial. Je ne suis pas un collectionneur. » Pas un collectionneur certes, mais un Champion avide de défi. Il faut dire qu’à 23 ans, il est déjà quadruple champion du Monde, médaillé olympique et vainqueur de la Coupe du Monde, là où le Norvégien et son prédécesseur tricolore n’était respectivement titulaire que d’une seconde place au général de la Coupe du Monde avec 4 victoires (contre 14 à Martin) et un argent mondial ainsi qu’une victoire en Coupe du Monde.  Si 2010 a été l’année de la révélation, 2012 est sans doute celle de l’avènement d’un Grand, appelé à marquer l’histoire de son sport. A Céret, le pont a trouvé sa dernière pierre.
     
    Christopher Buet

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