• La fin du monde des Bisousnours

    Joachim Löw

    Deux mois après son échec en demi-finale de l'Euro 2012, l'Allemagne retrouve l'Argentine en match amical. Séduisante et prometteuse, l'équipe de Joachim Löw commence à agacer un peuple las de déjouer.

    Serait-ce le cri de la nostalgie que l'on entend en écho dans les forêts bavaroises et les usines de la Ruhr ? Une complainte insidieuse qui se faufile dans les esprits et résonne comme une vérité nouvelle. Il est loin le temps ou l'Allemagne était cette équipe qui quelle que soit la situation trouvait le moyen de triompher. A cette époque, la National Mannschaft brillait par son froid réalisme, ce jeu presque mécanique, d'une précision diabolique et d'une puissance infinie. C'était le temps de Franz Beckenbauer, Kaizer infranchissable et indéniable meneur d'homme, le temps de Gerd Müller, l'impardonnable buteur devant l'éternel ou encore de Berti Vogts, implacable défenseur.

    Ces figures d'un autre temps ont aujourd'hui disparu et laisser place à une génération multi-ethnique de manieurs de cuir, d'esthètes du ballon et d'adorateur du jeu. En quatre ans, Löw, et sa bande ont effacé près d'une décennie d'histoire et ont fait entré dans les cœur l'ancienne Allemagne honnie de tous.

    Mais le halo de lumière et de sympathie qui accompagnait cette équipe semble faiblir. Pour la première fois, les critiques émergent outre-Rhin. Il faut dire que depuis 1996, l'Allemagne n'a rien gagné. Une éternité pour une nation triple championne du monde. Finaliste du Mondial 2002, ce n'est qu'en 2006 à l'occasion de son Mondial qu'elle réaffirme son ambition et offre ce visage si séduisant qui fera son identité. Demi-finaliste face à l'Italie, l'Allemagne tombe avec les honneurs, porteuse de promesses. En 2008, Joachim Löw a pris les rênes de la sélection et emmène les siens en finale. Si la formation allemande s'incline face à l'irrésistible Espagne, elle confirme tout son talent et sa nouvelle orientation vers un jeu attrayant fait de mouvements et de vitesse. La jeunesse du groupe induit chez les observateurs une certaine indulgence et aiguise leur appétit à l'idée de le voir à maturité. Mais les années passent et rien ne semble poindre.

    L'été de la rupture

    La Coupe du monde 2010 est un nouvel échec malgré une place de demi-finaliste. Aussi l'Allemagne victorieuse de jadis est rangée au rang de perdants magnifiques. Un statut qui passe mal dans l'opinion public mais que le public accepte au regard du jeu déployé. Pourtant toutes les idylles ont une fin et la punition infligée par l'Italie et le trublion Balotelli à nouveau en demi-finale (0-2), va être celle de trop. Bientôt l'admiration et l'amour se transforment en incompréhension et énervement. Löw cristallise les critiques. En Allemagne beaucoup ne comprenne pas les choix du sélectionneur. « Je pense qu'il y aura des questions sur Löw, sur ses décisions, sur son coaching et sur ses changements durant ce tournoi. » lâchait Michael Ballack, ancien capitaine de la sélection et non retenu pour l'Ukraine et la Pologne. Face à la critique, Löw ne se démonte pas et rétorque : « J'étais conscient que les changements pourraient être pointés du doigt. Mais le reproche selon lequel on se serait adapté à l'adversaire est faux. L'objectif des deux dernières années était de former une équipe affichant un style de jeu dominateur et pouvant remporter des titres. La défaite contre l'Italie a été douloureuse. C'est notre devoir d'étudier les erreurs et de trouver les solutions. Mais notre chemin est le bon. Nous avons un concept à long terme auquel nous restons fidèles.

     » Un argumentaire qui tout de même du mal à passer. Pour Franz Beckenbauer, Löw s'est enfermé dans un système régenté par un certain immobilisme. L'ancienne gloire du Bayern Munich dit ne pas avoir reconnu les siens. « Ce n'était pas le vrai onze allemand de cet Euro. Il était inerte pendant des séquences de jeu. (Löw) a cependant corrigé en faisant rentrer Marco Reus après la pause. » a-t-il écrit dans Bild.

    Face à ce malaise réel, les joueurs ont tenu à défendre leur sélectionneur à l'image de Mesut Özil, pierre angulaire du système Löw ou encore des dirigeants de sa Fédération. « Nous sommes absolument d'accord avec le staff sportif pour dire que la voie choisie est la bonne. » soutient Wolfgang Niersbach, président de la DFB. Deux visions qui s'opposent qui participent à un climat tendu autour de la National Mannschaft. Mais plus que des mots, c'est par les gestes que la DFB a renouvelé sa confiance à l'ancien adjoint de Jürgen Klinsmann. En effet, début juillet, elle a mis à l'écart Matthias Sammer dont les luttes d'influence avec Löw gangrénait l'atmosphère.

    L'ancien Ballon d'Or 1996 parti au Bayern Munich, l'horizon s'est donc en parti dégagé. Toutefois, les nuages pointent déjà, des nuages menaçant chargés d'attentes et de ce sentiment que tout était mieux avant. Entre réalisme et romantisme, l'Allemagne est à un croisement. Face à l'Argentine, elle tentera déjà de renouer avec son public.

    Christopher Buet


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