• L'imbroglio Monaco

    Monaco

    Alors que le club monégasque est sur le point de retrouver la Ligue 1, les pensionnaires de l’élite et la Fédération Française de Football lui ont déclaré la guerre. Entre avantages fiscaux, propriétaires puissants et luttes d’influences, Monaco pose problème.

    «Il est impératif, pour l'équité des Championnats professionnels français, que l'ensemble des clubs participants soient soumis au même régime fiscal et social». Voici textuellement ce que la Ligue de Football Professionnel expliquait dans le rapport relatif à son conseil d’administration du 21 janvier dernier. Sans le nommer directement, les présidents  s’attaquaient frontalement au club de Monaco et aux avantages fiscaux dont il bénéficie. En effet, le cas de l’ASM s’avère presque unique sur toute la scène européenne (ndlr : des clubs comme Swansea et Cardiff évolue en Premier League, le championnat anglais, mais aussi le FC Vaduz du Lichtenstein joue en D2 Suisse, une équipe andorrane en Espagne et une de Saint Marin en Italie).

    Principauté, Monaco ne jouit pas de son propre championnat de football et est rattaché à la Ligue 1. Or n’ayant pas son siège social en France, le club du Rocher n’est pas soumis aux mêmes règles et aux mêmes contraintes que ces concurrents. Dans un contexte de crise, cette singularité fait grincer des dents.

    Une fiscalité qui dérange

    Vue de MonacoLe problème monégasque n’est pas une nouveauté dans l’horizon du football français. En effet, depuis maintenant de nombreuses années Monaco dispose d’avantages fiscaux particulièrement importants. Principauté, Monaco n’impose déjà pas ses résidents depuis le 8 février 1869 et le 13 octobre 1962, elle signe avec le Général de Gaule, alors Président de la République Française une convention la rattachant à l’Etat mais lui octroyant de considérables avantages au niveau fiscal. Ainsi depuis cette date, les sociétés implantées à Monaco, ce qui est le cas de l’ASM, ne doivent s’acquitter d’une imposition que de 33.3%.

    Mais cela ne s’arrête pas là. Dans le cas plus particulier du football, les joueurs français payent 20% de charges sociales en moins par rapport à leurs compatriotes, en vertu du simple fait de jouer sur le Rocher. De leur côté, les joueurs étrangers sont tout simplement exonérés. Une donnée qui a pris un sens nouveau en 1995 quand entra en vigueur l’arrêt Bosman. Avant cette date, les clubs ne pouvaient compter que 3 étrangers dans leur effectif. Cette jurisprudence a enlevé cette restriction et donc offert un atout majeur à Monaco.

    Face à cette disparité, de nombreux dirigeants ont tenté de rééquilibrer les forces. En 2004, Christophe Bouchet (président de l’Olympique de Marseille) et Jean-Michel Aulas (président de l’Olympique Lyonnais) s’étaient insurgés et avaient obtenu l’introduction du DIC (Droit à l’Image Collective) leur permettant de verser 30% du salaire brut de leurs joueurs sans être soumis à l’impôt, le DIC n’étant pas considéré comme un salaire. Cependant, en 2009, ce dernier a été abrogé dans l’optique de renforcer la compétitivité des clubs français sur la scène européenne.

    Aujourd’hui, le contexte de crise renforce la peur des dirigeants français. Dans les faits, Monaco possède une marge de manœuvre financière conséquente sur ses rivaux. Ainsi, pour un joueur qui perçoit 600.000 par an, l’UCPF (syndicat des clubs professionnels) note que "le net en poche pour un joueur en France par rapport à un joueur étranger de Monaco est inférieur de 103% en application du régime de droit commun (...). Cette différence est portée à 152% lorsque le salaire brut annuel du joueur est de 1,8 millions d'euros et à 185% lorsque le salaire brut annuel est de 3 millions d'euros".

    "Le PSG a de gros moyens, mais il respecte les règles françaises. Nos amis russes qui ont repris Monaco doivent en faire de même" commente Jean-Pierre Louvel, le président de l'UCPF.

    Un président trop riche ?

    A l’avantage fiscal indéniable dont il dispose, il convient d’ajouter l’arrivée d’un nouveau président tout puissant. En effet,Rybolovlev depuis le 23 décembre 2011, le club de Monaco est dirigé par Dmitry Rybolovlev, qui a acquis 66% des parts de l’ASM. Si ce nom ne vous dit rien, sa fortune est éloquente. A 46 ans, cet homme d’affaire russe possédait en 2011, selon Forbes, la 100e fortune mondiale. Une fortune que ce diplômé en cardiologie a acquise dans le potassium en dirigeant la société Uralkali, l’un des principaux producteurs d’engrais potassique au monde (10%). En 2010, il a ainsi vendu les 65% de l’entreprise qu’il possédait en l’échange de 6.5 milliards d’euros et s’est lancé dans le football, suivant l’exemple de son compatriote Roman Abramovitch (Président de Chelsea depuis 2003).

    Que cherche-t-il à faire ?

    Si le Russe reste un homme éminemment secret, ses ambitions n’en sont pas moins grandes. Sans le dire clairement, il souhaite rivaliser dans les années à venir avec le Paris Saint-Germain. En cours de saison et alors même que Monaco évoluait en Ligue, il indiquait vouloir disputer la Ligue des Champions d’ici 2 ans, soit un objectif compris entre la première et la place de L1 dès la saison 2013-2014.

    Pour se faire, il ne compte pas lésiner sur les moyens. Après avoir déboursé pas moins de 18 millions d’euros pour s’acheter les services de Lucas Ocampos, espoir argentin de 18 ans devenu plus gros transfert de l’histoire de la Ligue 2, il entend effectuer un recrutement digne de la Principauté. Dans son viseur apparaisse Steve Mandanda, Nicola N’Koulou (Marseille), Bakary Sagna (Arsenal) qui s’est dit tenté, Mamadou Sakho (PSG), Aurélien Chedjou (Lille), Lisandro Lopez, Maxime Gonalons (Lyon) mais aussi Radamel Falcao dont on sait qu’il n’a pas rejeté l’approche.

    psg_asmSeul concurrent Paris

    Ce que craignent les dirigeants français, c’est de ne plus pouvoir lutter à armes égales avec Monaco. Deux ans après le débarquement des Qataris à Paris, rendant le club de la capitale intouchable, la peur de voir un nouvel ogre crispe et inquiète. En effet, la France ne disposant que de deux places qualificatives directement pour la C1, des clubs comme Marseille, Lyon, Bordeaux, Saint-Etienne ou encore Lille se voient mal jouer uniquement la troisième place donnant accès au tour préliminaire.

    Si les dirigeants ne sont pas très enthousiastes, certains joueurs se montrent bienveillants à l’égard de Monaco et voient même du positif à la situation. « Ils ont un avantage avec ce niveau d'imposition bas pour les étrangers. Mais ça ne peut qu'être bon pour le football français. Avoir deux têtes d'affiche comme le PSG ou Monaco, qui peuvent te représenter sur la scène européenne, ça peut permettre de garder un œil sur la L1 », Ludovic Obraniak le 19 avril dernier sur RMC.

    Une bataille gagnée d’avance ?

    Même si la FFF demande 200 millions d’euros à Monaco ou l’installation de son siège social en France, cette dernière semble oublier les spécificités de la loi. A en croire un spécialiste de la question, la bataille engagée est peine perdue. «Cette affaire soulève un problème de droit communautaire et de l’article 48 du Traité de Rome qui stipule le principe de liberté d’établissement dans n’importe quel pays à travers l’Europe dans le but de bénéficier d’une législation favorable. Or le droit communautaire est plus fort que le droit du sport et que le droit français.»

    Christopher Buet


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