• Une victoire empoisonnée

    Tout n'est pas gagné pour la France
    Muette depuis 5 matches, l’équipe de France a renoué avec le chemin du but et avec la victoire, mercredi, face à la Biélorussie (4-2). Et si ce succès n’était pas le bout du tunnel et n’était pas, en réalité, le pire qui pouvait arriver à cette équipe ?

    La joie des Bleus

    « Il faut espérer que ce match soit un déclic », lâche le président de la Fédération Française de Football (FFF), Noël Le Graët. « On doit se nourrir de ce que l’on a fait », avance le sélectionneur Didier Deschamps. Après la victoire de l’équipe de France en Biélorussie, l’heure était aux congratulations et surtout au soulagement.

    Ce succès 4-2 à Gomel mettait, en effet, un terme à 5 matches sans victoire pour les Bleus. Mieux, il enterrait le triste record que la France venait d’établir, à savoir 526 minutes atones, 8 heures et 46 minutes d’inefficacité, 31 560 secondes d’un long et interminable supplice, commencé le 22 mars dernier contre la Géorgie (3-1). Grâce au doublé de Franck « le sauveur » Ribéry, un but de Samir « le repenti » Nasri et Paul « le bizuth » Pogba (ça en fait des signes quand même), les Bleus ont renversé la Biélorussie du vieux briscard Alexander Hleb, qui croyait avoir bien refermé le piège « Gomel » en ayant par deux fois mené au score. De quoi positiver, courant après le score, la France a su montrer du caractère pour réagir et finalement triompher. Pourtant, quelque chose ne va pas, le son de cette victoire ne sonne pas juste comme si plusieurs échos dissonants venant ternir l’éclat d’un tintement cristallin.

    Panier percé

    Hugo lloris est passé à côté

    Le premier émane du terrain et de la surface tricolore. Si la défense grince depuis des mois voire des années, il était un poste qui paraissait inébranlable : celui de gardien de but. A Gomel, Hugo Lloris a probablement livré sa pire prestation internationale. Soliste reconnu pour ses démonstrations impeccables, le portier de Tottenham est passé à côté, dans tous les sens du terme si l’on se réfère au second but encaissé où sur une frappe puissante des 25m, il ne parvint à boxé le ballon, ses gants ne faisant qu’effleurer le cuir. Plus tôt dans la soirée, c’est sur un corner que le capitaine des Bleus avait fait étalage de sa fragilité du jour en ne bloquant pas une tête ridicule de Filipenko.

    Orchestre désaccordé

    Si Lloris a pêché, il en va de même pour le reste de l’équipe. Car si quatre réalisations sont venues décorer le tableau d’affichage et contenter les mathématiciens de la FFF, le jeu n’a pas été au rendez-vous. En proie à de récurrentes difficultés, la France a offert un nouveau concert d’approximations, cherchant la bonne mesure. Dépassés dans l’engagement, les hommes de Didier Deschamps ne savaient que faire du ballon, quand enfin ils le récupéraient.

    Ribéry maintient la France à flot

    Difficile de réciter son football quand autour aucune envolée ne vient provoquer les passes, quand aucun appel ne se déclenche, qu’aucun soutien ne vient à hauteur pour porter la voix du jeu. A nouveau, l’animation a failli. « A part Ribéry, personne n’y arrive », confirme le chef d’orchestre de Nantes Michel Der Zakarian dans L’Equipe. Si « le premier violon » bavarois tenait d’emmener tout le monde mais se heurtait à un orchestre aphone.

    Placé sur le flan droit, Dimitri Payet a été d’une confondante médiocrité, ne réussissant jamais à déstabiliser la défense adverse par ses percutions. Le Marseillais n’a guère été aidé par son compère de couloir, Bakary Sagna. L’arrière droit d’Arsenal a fait ce qu’il savait faire : défendre correctement, courir et distribuer les centres comme éclate le maïs dans une poêle. C’est bien beau d’avoir Olivier Giroud au centre mais encore faudrait-il lui offrir des ballons exploitables. Accablé Sagna, seul, ne serait pas juste puisque de l’autre côté Gaël Clichy a été inexistant. Si le Gunner a tenté, le joueur de Manchester City s’est caché, dans les duels, dans ses montées, dans son jeu. Que dire également des milieux de terrains Blaise Matuidi et Paul Pogba. De retour de suspension, ils devaient ramener l’équilibre dans le jeu tricolore, asseoir la supériorité physique et technique des Bleus à la récupération et apporter sérénité et confort. Il faut croire qu’on attendait trop d’eux. Le champion du monde des moins de 20 ans a multiplié les fausses notes dans ses orientations offensives quand le Parisien n’a pas haussé le ton dans la fosse pour imposer son autorité.

    France-Biélorussie

    Ballet d’erreurs

    Malgré ses insuffisances, la troupe française a retrouvé un peu de voix avec quatre buts. Là encore, il ne faut pas se leurrer et les analyser. Car si les filets ont tremblé, ce n’est pas à la suite de brillants enchaînements, loin s’en faut. La première réalisation est ainsi venue d’un pénalty. Certes la passe de Giroud dans la profondeur est belle et la course de Ribéry tranchante mais le contact avec Veremko est plus que léger. Soit. Les trois autres n’ont, en revanche, rien de glorieux. Le doublé du Munichois intervient suite à un centre médiocre de Valbuena à ras de terre. Au premier poteau, Giroud ne parvient à reprendre le ballon et emmène dans sa course son vis-à-vis, derrière un second défenseur se troue quand le gardien ne bouge pas de sa ligne, regardant Ribéry reprendre l’offrande. Un concours de maladresse heureux pour les Bleus.

    Vint ensuite le but de Nasri. Saignant dans son costume de remplaçant, l’ancien marseillais combinait à l’entrée de la surface de réparation avec Ribéry et Valbuena avant de tenter sa chance. Sa frappe enroulée semblait fuir le cadre mais heurtait rapidement une forêt de jambes pour redresser sa course et mourir dans la 

    Pogba et Nasri

    cage biélorusse. Enfin Pogba profitait d’un centre de Valbuena que Koscielny ne parvenait à reprendre de la tête. Le défenseur d’Arsenal essayait alors une reprise du pied gauche, complètement ratée, devant un défenseur complaisant. Par chance, ce tir dévissé retombait devant les pieds de Pogba qui n’avait plus qu’à pousser pour inscrire son premier but après 3 sélections seulement. Alors oui, la France a marqué quatre fois mais elle ne le doit qu’à une certaine chance. Si cette dernière est la marque des champions, elle ne sauvera pas l’équipe de Didier Deschamps à chacun de ses ballets d’erreurs.

    Le vestiaire menace

    Plus loin du terrain, la dernière discordance s’est échappée du vestiaire français. A la fin de la rencontre, tous n’avait qu’une chose à la bouche : le discours de Patrice Evra. Remplaçant éhonté, l’ancien capitaine de Manchester United a brisé le silence qui tenaillait le vestiaire à la mi-temps et trouvé les mots pour remobiliser ses coéquipiers. Ensuite, Ribéry serait aussi intervenu. Rien d’inquiétant à première vue, si ce n’est que ces hommes ne sont autre que les commanditaires de la grève de Knysna. Si Deschamps a minimisé les choses, il en ressort que les cadres que s’est choisie cette équipe soit d’anciens mutins, déguisé pour le moment en joyeux lutins, leader de terrain pour l’un, leader de vestiaire et d’opinion pour l’autre.

    Ribéry et Evra

    Cette initiative d’Evra place le sélectionneur dans une situation délicate puisqu’il ne peut aller contre la volonté d’un groupe qui semble enfin se structurer. Dans le même temps, il ne peut se permettre de lâcher trop de leste et d’abandonner la baguette de chef d’orchestre à des percussionnistes au si lourd passif. La marge de manœuvre est délicate pour le capitaine des Champions du monde 1998.

    Alors que certains parlent de déclic, il se pourrait que ce succès soit un bien pour un mal, empêchant les Bleus de faire une autocritique nécessaire et potentiellement salvatrice. Car là est un écueil à éviter, celui de croire que tout ira mieux, que le plus dur est derrière alors qu’il n’en est rien et que l’ombre du tunnel est toujours plus obscure. Et si cette victoire était finalement empoisonnée…

    Christopher Buet


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