• Eugenie-Bouchard

    Wimbledon (1)

    Après avoir créé la surprise en éliminant Serena Williams au tour précédent, Alizé Cornet s’est fait cueillir par l’intraitable Eugénie Bouchard (7-6 7-5). La Canadienne atteint pour la 3e fois consécutive les quarts de finale en Grand Chelem cette saison.

    La posture a changé, la rage a fait place au soulagement mais le cri est resté le même quoiqu’un peu plus court en y repensant. Le mois dernier, Eugénie Bouchard faisait raisonner sa voix accroupie au milieu du Suzanne-Lenglen. Là, sur la terre ocre de Roland-Garros, la toute jeune canadienne exprimait son bonheur d’avoir surpassé Carla Suarez Navarro et acquis sa qualification pour sa deuxième demi-finale en Majeur consécutive. Un mois plus tard, debout cette fois, la jolie blonde de 20 ans rugissait au terme de son 8e de finale sur l’herbe de Wimbledon.

    eugenie-bouchard en difficulté

    Dans l’écrin du Center Court, sous la verrière du toit londonien, elle ne pouvait réprimer sa satisfaction et son soulagement d’être venue à bout d’une Alizé Cornet valeureuse et d’une nervosité qui n’avait jamais quitté son visage. « C’est assurément le match le plus physique que j’ai joué dans ce tournoi. Je me suis vraiment battu jusqu’à la fin », avouait la 13e mondiale, jusqu’à ce dernier jeu de retour où elle mit au supplice sa rivale française, jusqu’à ce dernier effort pour conclure une rencontre équilibrée où sa capacité à se sublimer dans les moments importants aura fait la différence. La marque des Grandes de ce jeu et il fallait bien ça pour éteindre le feu d’Alizé Cornet.

    Piège de verre

    Sur son petit nuage depuis le début de la quinzaine et son succès au tour précédent contre la n°1 mondiale Serena Williams, la Niçoise comptait bien prolonger son embellie londonienne. Pour se faire, elle s’appuyait sur son service et une tactique simple consistant à priver son adversaire de rythme et d’angles. Agressive, Cornet ne laissait aucun répit à une Bouchard visiblement tendue dès l’entame et qui s’obstinait invariablement à relancer les engagements tricolores depuis l’intérieur du court. Une volonté d’agresser qui se traduisait davantage par une litanie de fautes directes (17 au total sur la 1ère manche, ndlr) que par une déstabilisation de l’adversaire. Malgré cette tactique défaillante, la demi-finaliste de l’Open d’Australie assurait l’essentiel en repoussant les assauts niçois sur ses mises en jeu. Commencée sous la grisaille britannique, cette rencontre était interrompue à 3-2 en faveur de Cornet. Coupée dans son élan, cette dernière ne commettait pas le même impair que face à Serena où elle avait encaissé 5 jeux de rang ainsi que la 1ère manche. Concentrée, elle conservait son ascendant dans l’échange et tentait de contrarier son adversaire, n'hésitant pas à monter au filet conclure, sans parvenir à convertir la seule balle de break qu’elle obtint.

    Bouchard négocie mieux le tie-break

    Le sort de ce premier acte ne pouvait se régler qu’au jeu décisif. Un exercice que Bouchard entama le mieux. Profitant de deux erreurs de Cornet, elle se détachait pour mener 4-1. On croyait alors que tout était fini mais la Française refusait d’abdiquer et marquait 4 points de suite avec la complicité d’une Canadienne subitement généreuse. Toutefois, la générosité à ses limites surtout avec une joueuse de la trempe de la native de Montréal. A 20 ans, cette dernière a tout d’une Championne à commencer par cette faculté à serrer le jeu quand l’atmosphère s’alourdit. Aussi après une offrande de Cornet à 4-5 qui envoya son amortie dans le bas du filet, elle n’eut besoin que d’une balle pour faire basculer la manche en sa faveur. « Nous nous sommes battues et avons disputé un tie break intense. Je suis fier d’avoir réussi à l’emporter. Même si je jouais sur le fil, je n’ai jamais paniqué et j’ai toujours cherché à mettre une pression continue », se félicitait-elle.

    Cornet fait douter Bouchard

    Cornet manque le coche

    Suffisant pour la libérer ? On le crut lorsque dès l’entame du second set, elle obtint une balle de break sur le service tricolore. C’était sans compter sur la combativité de Cornet. Toujours aussi solide sur ses engagements, la Française effaçait avec autorité ce qui aurait pu la condamner. Mieux, elle retournait la situation et surprenait sa jeune opposante au 5ème jeu. Tonique et appliquée, l’ancienne 11e mondiale maintenait son avantage jusqu’à servir pour emmener ce 8ème vers un 3ème set décisif. A 5-4, son bras se mit alors à trembler. Au plus mauvais moment. L’ouverture (deux fautes en coup droit) que n’attendait plus Bouchard qui se fit un plaisir de s’y engouffrer. « Quand j’étais en difficulté dans le 2nd set, j’ai su garder confiance en moi, me dire que ce n’était pas fini. Ensuite, j’ai su élever mon niveau dans les moments importants », jugeait la Canadienne. « Ça se joue à des détails. Dans ce genre de match, il n’y a pas beaucoup d’occasions. Quand il y en a une, il faut être opportuniste. J’ai manqué d’agressivité au moment de serrer le jeu et je lui ai laissé un peu trop d’ouvertures », consentait Cornet.

    Cornet chute face à Bouchard

    Débreakée, la n°1 française ne pouvait rien faire contre une joueuse toujours plus agressive et précise dans ces offensives. En effet, la lauréate de Wimbledon en 2012…chez les juniors enfila les derniers jeux comme des perles sur un collier. « Je me suis sentie loin de gagner car j’ai mal négocié les moments importants, notamment le tie-break et le break au deuxième. Je manquais un peu de fraîcheur et d’agressivité. Je n’ai pas été assez percutante contre Eugénie alors qu’elle est vraiment rentrée dedans comme d’habitude. C’est frustrant de ne pas avoir pu exprimer mon meilleur tennis. J’aurais voulu faire mieux. Je fais plein de mauvais choix. Au final, je perds en deux sets, alors que je peux gagner en deux sets. J’ai la sensation que j’aurais pu mieux faire », reconnaissait dépitée Alizé Cornet.

    Bouchard serre le jeu

    De son côté, Eugénie Bouchard pouvait relâcher la pression en sollicitant ses cordes vocales. En venant à bout d’une excellente adversaire, elle venait de composter son billet pour son 3ème quart de finale consécutif cette saison en Majeur. Une performance rare pour une joueuse qui ne compte que 6 participations en Grands Chelem. « J’ai beaucoup appris cette année depuis l’Australie. Ce qui fait la différence, c’est cette confiance que j’ai accumulée depuis le début de l’année. Je crois en moi et je me suis prouvé que je pouvais jouer parmi les meilleures. J’ai joué sur les principaux courts de la plupart des Grands Chelems, des gros matches. Je suis fier de la manière dont je le fais », apprécie la 13ème mondiale. Confiante, ambitieuse et inébranlable, la révélation de l’année a prouvé avec ce match qu’elle était en plus d’un terrifiant opportunisme. « C’était dur, il faisait humide mais c’était les mêmes conditions pour tout le monde (…) Je suis excitée mais je dois rester concentrée », conclut-elle se projetant déjà vers son prochain tour face à la lauréate du choc entre l’allemande Angélique Kerber et une vielle connaissance la russe Maria Sharapova. En attendant, Eugenie Bouchard peut profiter de son succès et continue sa balade sur ce gazon qu’elle aime tant et qui le lui rend bien.

    Christopher Buet


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  • Djokovic, finaliste 2013 malheureux

    Wimbledon (1)

    Suite de nos prétendants au trône de Wimbledon. Après Andy Murray qui brigue une deuxième couronne à domicile et un Nadal en reconquête, Novak Djokovic lorgne vers le siège tout comme un certain Roger Federer et une jeune garde ambitieuse.

    Si Rafael Nadal va devoir sortir le grand jeu pour piétiner cette herbe qui le tourmente tant, son dauphin au classement ATP ne va pas avoir la tâche facile non plus. Intraitable en 2011 et toujours au rendez-vous dans les grands événements, Novak Djokovic n’est plus le guerrier invincible qui terrorisait ses adversaires avant même que ceux-ci ne l’affrontent. D’une régularité affolante, le Serbe ne parvient plus à se sublimer lorsque la bataille pour la gloire s’amorce, comme tétanisé voire apeuré par cet enjeu qui le transcendait auparavant. Une impression que Roland-Garros a mis encore un peu plus en évidence. Face à Nadal, Djokovic sembla tenir le sort du match dans sa raquette avant de flancher physiquement là où son opposant résista à des crampes. Le phénomène n’a rien de nouveau puisque déjà à l’US Open 2013 il avait paru impuissant face à l’Espagnol quand à Wimbledon, un peu plus tôt, il s’était laissé embobiner par Murray. Un petit jeu qui s’étire depuis l’Open d’Australie en janvier de l’année dernière. Une éternité pour lui qui allait de victoires en victoires et dont on croyait que la reconquête reprenait après une fin de saison 2013 de très haute tenue.

    Becker pourrait aider Djokovic

    Depuis lors, Novak Djokovic se cherche lui et ses armes, ce mental de tueur et ce revers assassin qui en faisait le prétendant naturel au trône mondial. Malgré tout ça et un poignet qui grince anormalement depuis plusieurs semaines, le natif de Belgrade se veut rassurant. « Mentalement, ce n’est ni ma première, ni ma dernière défaite en grand tournoi », insiste-t-il en référence à sa finale perdue à Roland-Garros. « J’ai déjà dû surpasser ce genre d’émotion très forte l’an dernier avec demi-finale contre Nadal (perdue 9-7 au cinquième set), et je suis allé en finale ensuite à Wimbledon. J’ai l’intention d’aller aussi loin cette année. Sur le plan technique, je suis en train de m’adapter à la surface. Physiquementje me sens très bien. Et la motivation n’est pas un problème. On parle du plus prestigieux tournoi dans notre sport. » Un tournoi qu’il a déjà éclaboussé de son talent lors de sa merveilleuse saison 2011. Pour rééditer cette performance, le Serbe a appelé à ses côtés, et ce depuis le début de la saison, un habitué des lieux : Boris Becker, triple vainqueur à Londres. Une aide qui pourrait s’avérer fort précieuse dans un tournoi des plus piégeux puisque Jo-Wilfried Tsonga se profile dès les huitièmes de finale avant une éventuelle rencontre avec l’ingérable Ernst Gulbis, qu’il a mâté en demie à Paris mais dont le service marchera mieux sur gazon, ou le placide Berdych, l’une de ses victimes préférées mais capable de tout dans un grand jour comme lors de ca quart de finale à Wimbledon en 2011 lorsqu’il écœura Roger Federer en personne.

    La marche blanche de sa Majesté

    Federer croit en lui pour ce Wimbledon

    Loin de ces luttes de pouvoir, Roger Federer aborde l’été pour la première fois de sa carrière sans détenir le moindre titre en Grand Chelem. Une nouveauté pour l’ancien maître de Wimbledon qui n’en finit plus de voir les années et ses adversaires rogner sur ses prérogatives. Demi-finaliste du dernier Open d’Australie, le Suisse a une nouvelle fois chuté prématurément du côté de Roland-Garros contre le letton Gulbis, en 8èmes. Une contre-performance qui n’était finalement pas vraiment une au regard des circonstances. Père de jumeaux pour la seconde fois après ses jumelles en 2009, Roger Federer pouvait raisonnablement avoir l’esprit ailleurs. Surtout, sa Majesté a prouvé que cette sortie anticipée n’était en rien inquiétante.

    En effet, si tôt éliminé, il s’est rué sur le gazon et a imposé sa loi du côté de Halle, conservant ainsi le titre arraché l’an dernier, son 7ème en Allemagne. Rassurant comme son état physique. À la différence de l’an dernier où sa victoire cachait un mal de dos récurrent, Roger Federer jouit de l’intégralité de ses moyens. « J’arrive avec un bien meilleur feeling qu’il y a un an (…) Je ne pouvais pas faire sur le court tout ce que je souhaitais. Cette année, j’ai toutes les options. Retour, service, 

    Federer battu au 2nd tour

    enchaînement service-volée, mon revers : tout fonctionne à volonté », assure-t-il avec une grande sérénité. Une forme qui le propulse à nouveau comme une grande menace pour le trône britannique. « Je sens bien Roger Federer cette année pour gagner Wimbledon. Je pense qu'il va pouvoir encore gagner un Grand Chelem et sa meilleure chance sera à Wimbledon. Travailler avec Stefan Edberg va aider dans sa progression pour un titre à Londres. Il a été très offensif lors de l'Open d'Australie. S'il réitère ce genre de performances, alors, il est mon favori pour remporter ce tournoi », avance Mark Philipoussis, finaliste en 2003 face à l’Helvète, à Press Association Sport.

    L’Australien n’est pas le seul à donner du crédit à l’ancien n°1 mondial. Septuple vainqueur de Wimbledon, Pete Sampras est convaincu que le feu qui anime Federer est intact et qu’il ne vit que pour les frissons et la gloire des Majeurs. « C’est pourquoi il continue à jouer. Je ne crois pas qu’il joue pour autre chose que gagner à nouveau un tournoi du Grand Chelem. » Privé de grand titre depuis sa résurrection en 2012 ici-même, Federer est d’autant plus dangereux qu’il est mu par la volonté d’anéantir le souvenir de l’an dernier et ce naufrage au deuxième tour contre Stakhovsky. « J’ai des ennuis l’an dernier quand j’ai perdu précocement à Wimbledon et je ne veux pas que cela se reproduise. Je suis focalisé là-dessus », rappelle le Bâlois. Dans cette tenue blanche qui rappelle à merveille son immaculé talent et son incontestable classe, sa Majesté entend  marcher avec fermeté vers le trône où siège Murray.

    A l’assaut du « Mur »

    Derrière les quatre immuables têtes couronnées, les prétendants ne manquent pas non plus. Si Stan Wawrinka, le premier à avoir franchi le mur érigé par Federer, Nadal, Djokovic et Murray depuis 2009, semble incapable de renouveler son exploit après en raison d’une préparation catastrophique marquée par un passage à l’hôpital après un malaise consécutif à de fortes fièvres, d’autres hommes se présentent au pied de l’édifice. Démoli par le service de Karlovic dès le 2nd tour à Roland-Garros, Grigor Dimitrov a confirmé que ce match n’était qu’un accident et qu’il savait se relever de pareille chute. Au terme d’une semaine riche et d’une finale disputée contre Feliciano Lopez (7-6 6-7 7-6), le Bulgare a annexé le Queen’s. 

    Dimitrov est un outsider sérieux

    Un titre loin d’être anodin et qui le place en premier de cordée pour l’ascension du « Mur » dans un quart de tableau qui le dirige vers le « Roi » Murray.

    À ses côtés, Milos Raonic en impose également. De plus en plus régulier sous la houlette de Riccardo Piatti et Ivan Ljubicic, le bombardier canadien arrive sur un terrain où son jeu peut s’exprimer de la meilleure des façons. Sur ce gazon fuyant bien que plus lent que par le passé, Raonic sera un calvaire pour nombre de joueurs et semble déjà promis à Rafael Nadal en quart de finale tant son parcours avant ne présente de réels dangers exception faite du tonique Nishikori. « Le principal objectif, c'est de se sentir de mieux en mieux, d'être en progression, car la transition entre la terre et le gazon est extrêmement courte », calme Raonic à l’idée d’un beau parcours dans la capitale anglaise. « Ce sont ces deux gars qui ont fait les plus gros progrès, je trouve, et dont on attend depuis longtemps qu'ils soient capables d'être performants dans un tournoi majeur. Ils sont en train de le montrer. S'ils ont un peu de chances et les choses qui tournent en leur faveur, ils peuvent réaliser un gros parcours », rapporte John McEnroe à leur propos.

    Ce sera compliqué pour Gasquet et les Bleus

    Les Français en retrait ?

    Dans les rangs tricolores, les espoirs se font plus discrets tout comme les protagonistes. Malgré une belle densité dans le tableau, les Français ne devraient guère pouvoir se mêler à ces joutes royales à l’image de leurs leaders. Finaliste à Eastbourne la semaine dernière, Richard Gasquet ne se dit qu’à « 80 % » de ses capacités et manque encore de rythme après plusieurs mois à soigner des douleurs dorsales. « Il a beaucoup souffert, son corps n’était plus habitué à reproduire autant d’efforts. Voilà pourquoi il doute beaucoup à la moindre douleur ou courbature. Il n’est pas encore totalement rassuré par son dos. Du coup, faire une finale ici, c’est une bonne chose », positive son entraîneur espagnol Sergi Bruguera. Demi-finaliste en 2007 à Wimbledon, Gasquet a été gâté pour cette édition avec un 8ème de finale théorique contre…Rafael Nadal.

    Tsonga se cherche

    Pas beaucoup mieux loti, Jo-Wilfried Tsonga va devoir se coltiner selon toute vraisemblance celui qui l’avait privé de finale en 2011 : Novak Djokovic et ce dès les 8èmes de finale aussi. Une perspective peu encourageante d’autant que le Manceau est en crise de résultats. « Il y a un an, j’étais dans le trou complet. Fallait à tout prix que je règle ses problèmes physiques. Et ça demande du temps (…) Je n’ai pas perdu le goût de la bagarre mais va à la guerre avec un fusil et va à la guerre avec un canif… J’étais valeureux, j’y suis allé avec mon canif. Pour ce Wimbledon, je ne sais pas si j’aurais un fusil ou une arbalète », s’interroge le 17ème mondial qui reste sur une défaite au 2nd tour ici l’an dernier.

    Concernant les autres tricolores, peu de chances de briller avec un Benneteau qui doit croiser Federer dès le 2ème match, comme Paire avec Nadal, Roger-Vasselin avec Anderson ou Herbert avec Raonic. On en oublie Monfils qui s’exprime aussi mal sur herbe qu’il s’amuse sur terre battue.

    Dans l’écrin feutré de Wimbledon, les batailles s’annoncent féroces et les prétendants nombreux mais il n’y aura qu’un élu pour s’asseoir sur ce trône légendaire. Que les « Games of Throne » commencent.

    Christopher Buet


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  • L'accomplissement d'Andy Murray

    Wimbledon (1)

    Un an après avoir offert le Graal londonien aux sujets de sa Gracieuse Majesté et s’être assis sur le trône du plus prestigieux tournoi du monde, Andy Murray revient sur le gazon qui l’a consacré. Un tapis vert où la lutte s’annonce ardue. En effet, la maison écossaise va devoir repousser de nombreux assauts (suisses, espagnols, serbe…) pour conserver sa demeure au All England.

    « The waiting is over ! » « L’attente est terminé ! » Le commentateur de la télévision britannique ne s’y trompe pas en lâchant cette phrase avec un soulagement et une spontanéité qui ne laisse aucun doute sur la portée de ce qui vient de se dérouler sous ses yeux. Quelques mètres plus loin, au cœur du Center Court, Andy Murray serre les poings et hurle face à cette foule qui s’agite telle une mer secouée par les vents d’une tempête. L’Ecossais rugit, se prend la tête dans les mains et peine à réaliser avant de s’agenouiller dans cette ambiance indescriptible.

    Andy Murray n'y croit pas, il a gagné Wimbledon

    Plus qu’une victoire, en dominant Novak Djokovic en trois sets, l’enfant de Glasgow a mis fin à 75 ans d’une interminable attente pour le peuple britannique, trois quarts de siècle à espérer, rêver d’un héritier au légendaire Fred Perry, dernier serviteur de sa Gracieuse Majesté à avoir eu l’honneur de soulever la mythique coupe du champion de Wimbledon. Après son triomphe new-yorkais quelques mois plus tôt, Andy Murray s’offrait sa seconde couronne en Grand Chelem, celle que tout un Royaume attendait, celle qui lui permettait de s’emparer du cœur des « siens » et de ce trône si convoité dans le sacro-saint du tennis, le berceau de ce jeu. Une année donc que la Maison écossaise fait flotter haut sa bannière au-dessus du domaine verdoyant du Sud de Londres mais voilà que se profile la menace d’une nouvelle bataille et il faudra que le Roi Murray défende chèrement son bien.

    Pression inconnue

    Murray reprend des couleurs

    Sur une phase ascendante après sa médaille d’or olympique glanée dans le temple du tennis en août 2012 et sa première victoire en Majeur à l’US Open en septembre 2012, Andy Murray était arrivé dans les meilleures conditions pour LE tournoi national, bénéficiant également d’une blessure au dos qui l’avait privé de Roland-Garros pour axer son travail préparatoire sur le gazon. Un an plus tard, la maison écossaise a vu ses fondations s’effriter tout comme ses certitudes. En effet, son premier conseiller et homme de base de son accession au trône, Ivan Lendl s’en est allé sans crier gare au cœur du printemps. Une défection qui a semé le trouble dans l’esprit et le jeu d’un Écossais qui pensait enfin avoir trouvé la bonne formule pour imposer son règne.

    Bien que touché au plus profond, le joueur de 27 ans a fait fi de la situation pour assurer l’essentiel durant la saison ocre allant jusqu’à titiller Rafael Nadal à Madrid en lui prenant un set avant de se hisser dans le dernier carré de Roland-Garros où il fut massacrer pour le Taureau de Manacor, déchaîné et lancé vers sa 9ème Coupe des Mousquetaires. Au-delà du jeu, l’Ecossais a surtout profité de sa quinzaine parisienne pour dénicher le remplaçant à son mentor tchèque. Alors que de nombreux noms circulaient pour venir épauler le Britannique, ce dernier s’est tourné vers…une femme en la personne d’Amélie Mauresmo. Un choix pas si étonnant que cela puisque Murray a longtemps été entraîné par sa mère Judy, actuelle capitaine de l’équipe britannique de Fed Cup. 

    Murray et sa coach Mauresmo

    « Techniquement, elle est très performante. C’est une joueuse qui développait un jeu créatif lorsqu’elle était sur le court et c’est ce que je veux essayer de faire moi-même », explique le joueur à propos de sa nouvelle coach. Une association entre deux vainqueurs de Wimbledon (Mauresmo l’a gagné en 2006, ndlr) qui plaît à Chris Evert. « Mauresmo est très qualifiée. S’il continue à se servir de ce que Lendl lui a enseigné et qu’il parvient à utiliser ce que Mauresmo a à lui offrir, je suis persuadé qu’il en tirera un grand parti », s’attardait la triple lauréate américaine sur ESPN.

    Si cette association suscite beaucoup d’attente, la défense du titre acquis l’an passé semble, elle, libérée Murray. « Personne n’avait autant de pression pour remporter un Majeur qu’Andy Murray l’an dernier. Maintenant qu’il l’a gagné, il s’est délesté d’une énorme pression. Il a autant de chance que les autres pour s’imposer à nouveau », assure John McEnroe. Une intuition confirmée par le principal intéressé. « Je sens de moins en moins de pression. Plus je m’approche de la défense de mon titre et plus je me sens bien paradoxalement. » S’il se dit prêt à défendre son trône, Murray va avoir fort à faire tant les convoitises sont nombreuses et les adversaires redoutables.

    La reconquête du gazon

    Nadal avec son 9e Roland-Garros

    À commencer par la maison Nadal. Incontestable maîtresse de la terre ocre où sa dynastie s’est établie en 2005 dans le sanctuaire de Roland-Garros, la famille majorquine se sent de plus en plus à l’étroit sur ce continent européen où elle a été forcée à l’exil après une campagne australienne douloureuse (défaite en finale de l’Open d’Australie contre Wawrinka assortie d’une blessure au dos, ndlr). Un revers qui a longtemps laissé des traces dans la chair et l’esprit du Taureau de Manacor. Affecté, l’animal a pansé ses plaies, a tremblé, encaissé les assauts de prétendants ayant senti l’odeur du sang (trois défaites sur terre, une première depuis 2004, contre Ferrer, Verdasco et Djokovic, ndlr) avant de se ressaisir et de reprendre sa charge destructrice. Acculé, c’est devant son peuple dans la Caja Magica de Madrid qu’il rétablissait l’ordre prélude à la ruade légendaire dans « sa » capitale parisienne. Avec sa neuvième victoire dans le Majeur de la Porte d’Auteuil, le n°1 mondial a regoûté à la saveur d’un grand titre, lui redonnant de fait l’ambition d’étendre son royaume comme il le fit en 2008 ou 2010.

    Nadal batu dès le 1er tour en 2013

    Pour autant, le défi qui se profile s’annonce énorme tant il lui est compliqué de traverser cette Manche séparant son continent ocré à cette île où s’étend la verdure de Wimbledon. En effet, depuis 2012 et un succès sur le brésilien Thomaz Bellucci, celui qui compte désormais 14 titres en Grand Chelem n’a plus remporté la moindre victoire sur un court en herbe. Une statistique appuyée par la nouvelle déconvenue de Halle contre Dustin Brown (4-6 1-6). « Pour parler d’un match, il faut qu’il y ait eu des points à jouer, ce qui n’a pas été le cas. C’est un match négatif sur tous les points. J’ai perdu, et je n’ai pas pu me régler », reconnaît-il avouant souffrir encore de son dos et ainsi ne pas pouvoir déployer toute sa puissance. Inquiétant ? Pas à en croire Goran Ivanisevic. « Nadal peut relever tous les défis et remporter tous les tournois. Le gazon n'est plus celui d'autrefois. Il a déjà gagné deux fois Wimbledon, alors pourquoi pas une récidive ? Il peut certainement encore gagner Wimbledon, d'autant plus avec un gazon aussi lent », est persuadé le champion de Wimbledon en 2001. Une assurance que Toni Nadal se garde bien d’afficher. L’oncle et premier conseiller du « Taureau » espère simplement que son protégé « est en forme ». Contraint à l’exil, le Taureau de Manacor aura à cœur de venir chahuter la maison Murray pour y replanter son drapeau et faire flotter, de nouveau, les deux cornes de sa maison au sommet du Center Court. Une entreprise qui s’annonce des plus compliqués puisqu’il devrait croiser sur sa route une belle bande de mercenaire avec l’ombre de son bourreau 2012 Lukas Rosol puis celle du géant Ivo Karlovic avant le jardinier français Richard Gasquet, le bombardier canadien Milos Raonic avant d’éventuellement retrouver l’ancien maître des lieux Roger Federer ou un certain Stan Wawrinka. Une route semée d’embûches.

    Christopher Buet


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  • Roger Federer

    Dans la foulée de Roland-Garros, ces messieurs se retrouvent sur le vert gazon de Wimbledon pour la troisième levée du Grand Chelem. Si Nadal règne sur terre, le tapis vert londonien est plus indécis.

    Rien ne semble changer en ce lieu où le temps paraît suspendu, presque figé par une tradition vénérable et respectée. Point de couleurs flashy, point de cris hystériques, juste ce silence convenu dans un décor verdoyant où déambule sur les courts ciselés gentlemen et ladies tout de blanc vêtus. Wimbledon ne ressemble à aucun autre tournoi au monde. Berceau du tennis mondial, le All England Lawn Tennis and Croquet Club est un lieu éternel où règne une ambiance unique entre retenu, respect et noblesse.

    En cette fin juin, le calme qui sied à l’endroit va laisser place à la fureur d’une lutte sanguinaire entre les seigneurs du circuit masculin. Une guerre sans merci qui promet son lot de batailles épiques.

    Federer pour la décennie

    FedererN’en déplaise aux observateurs impatients, Roger Federer est loin d’avoir dit son dernier mot. Sevré de titre depuis le début de la saison, le Suisse a rétabli l’ordre en remportant pour la sixième fois de sa carrière le tournoi de Halle. Un 77ème succès qui renforce la confiance d’un joueur qui ne se sent jamais aussi bien qu’à Londres. « Je suis toujours très motivé pour Wimbledon et j'ai beaucoup réussi là-bas. Par conséquent, j'ai le sentiment que je peux toujours bien faire. J’ai confiance en moi. J'ai l'impression de savoir ce que je dois faire », explique-t-il.Federer 2003

    Il faut dire que le Bâlois a fait du gazon londonien son jardin. Un sanctuaire à la mesure de sa légende et de son jeu. Plus que tout autre, Sa Majesté connaît les subtilités de ce lieu emprunt d’histoire et de symboles. C’est ici, qu’il a connu ses premières grandes émotions tennistiques, tombant Pete Sampras en 2001 avant de venir y conquérir sa première couronne en majeur et de s’emparer du trône mondial. C’était en 2003 face à Mark Philippoussis, il y a une éternité. Dix ans après son premier sacrement, le recordman de victoires en Grand Chelem (17) entend fêter comme il se doit ce dixième anniversaire et rééditer sa performance de l’an passé. En juillet 2012, Roger Federer avait brisé les rêves d’Andy Murray et les cœurs d’un Centre Court acquis à la cause de l’enfant du pays.

    Murray, le prince voulant être roi

    Andy murrayMurrayMais la tâche du septuple lauréat de Wimbledon s’annonce des plus ardues. Le premier assaillant n’est nulle autre qu’Andy Murray. Finaliste malheureux en 2012, le Britannique ne veut plus revivre l’émotion déchirante d’une défaite en finale. Dans le Royaume, personne n’a oublié les larmes lacérant, le visage meurtri de l’Ecossais qui perdait pour l’occasion sa cinquième finale de Grand Chelem.

    Depuis cet épisode tragique mais fondateur, Andy Murray a su trouver les ressources pour vaincre ce qui semblait être une malédiction. Moins d’un mois après, il prenait sa revanche en finale des Jeux Olympiques, terrassant un Federer éreinté. L’or autour du coup, il glanait son premier Majeur du côté de Flushing Meadows, dominant un Novak Djokovic impuissant. Plus complet, plus serein et délester du poids de la succession de Fred Perry, le Prince écossais s’est parfaitement préparé pour se coiffer de la couronne londonienne. Blesser au dos et forfait pour Roland-Garros, il a peaufiné son jeu sur gazon et valider ses acquis en décrochant le titre au Queens. « Je pense que ce pourrait être l'année de Murray » veut croire John McEnroe. Hasard du tirage au sort, il est tombé dans la même moitié de tableau que son bourreau de 2012.

    Nadal pour l’histoire

    Rafael NadalAbsent en début de saison en raison de ses ennuis au genou, Rafael Nadal est intraitable depuis son retour à la compétition. En neuf tournois, il a remporté 7 titres et disputé 2 finales, écrasant au passage Roland-Garros pour soulever sa huitième coupe des Mousquetaires, fait inédit en Grand Chelem. Un bilan insensé mais qui s’explique par la nature d’une surface qu’affectionne le Majorquin. Sur ses neuf tournois joués, huit se tenait sur terre battue. La saison terrienne clôturée, son oncle et entraîneur Toni s’inquiète. « C’est sur cette surface que le risque est plus grand », confie-t-il évoquant les contraintes soumises au genou de son neveu.

    Une précaution que Roger Federer ne prend pas. « C'est dommage. Ce serait bien de voir les joueurs en dehors de leur zone de confort un peu plus souvent. Maintenant, on peut jouer le même jeu sur terre battue, sur herbe et sur dur. Au départ, ce n'était pas l'idée en ayant plusieurs surfaces », regrette le Suisse. Si d’aventure, il l’emportait, Nadal rejoindrait Borg dans l’histoire comme le deuxième joueur à réussir un troisième doublé Roland-Garros-Wimbledon, après 2008 et 2010. Pour ce faire, Nadal n’aura pas un tableau évident puisqu’il pourrait trouver sur sa route Roger Federer…dès les quarts de finale puis Murray ou Tsonga avant une hypothétique finale contre Djokovic, à moins que le fantôme de Lukas Rosol ne vienne tourmenter le Majorquin de nouveau (ndlr : l’an dernier, le tchèque avait éliminé Nadal dès le second tour)

    Djokovic en douceur

    Paradoxalement, Novak Djokovic est celui qui a le moins de chance, parmi le Big Four, de triompher à Londres maisDjokovic également le plus. Cela tient à deux données. D’un côté, Djokovic présente une forme incertaine sur gazon. Défait au terme d’un match fantastique d’intensité en demi-finale de Roland-Garros, le Serbe n’a pas disputé la moindre partie sur gazon avant Wimbledon. Or, le Serbe est loin d’être un métronome sur cette surface au rebond bas et fusant, sa victoire en 2011 est un trompe l’œil tant il dominait le circuit à cette époque et surfait sur une confiance inébranlable.

    Si le Serbe n’a pas la main verte, sa chance réside dans le tirage au sort du tournoi. Placé dans la partie haute du tableau, il évite Federer, Murray et Nadal tous en bas de tableau avec Tsonga. De fait, l’aigle belgradois va pouvoir se rôder tranquillement jusqu’à un éventuel quart de finale contre Gasquet ou Berdych. Son envol se fera donc en douceur.

    Gasquet peut y croire, Tsonga gâté

    GasquetDu côté des tricolores, Richard Gasquet s’en tire le mieux. A Wimbledon, le Biterrois a le chemin dégagé jusqu’au huitième de finale. A ce stade, qu’il n’a plus franchi depuis sa demi-finale ici-même en 2007, il devrait retrouver Tomas Berdych. Le Tchèque mécanique va avoir à cœur de s’illustrer après un Roland-Garros complètement manqué (ndlr : éliminé au premier tour par Gaël Monfils).

    Dans le bas du tableau, Jo-Wilfried Tsonga va avoir fort à faire avec un premier tour contre le prometteur mais encore tendre belge David Goffin. Derrière, il pourrait retrouver le fantasque Ernests Gulbis, Benneteau puis Cilic (n°12) avant de défier en quart Andy Murray sur ses terres puis le vainqueur du probable Federer-Nadal. Autant dire que cette quinzaine sur herbe ne s’annonce pas de tout repos pour le Manceau qui se fait (pourtant) une joie de renouer avec cette surface et ce tournoi où il reste sur deux demi-finales.

    Pas de chances également pour Benoît Paire qui dès le troisième tour sera aux prises avec Rafael Nadal. Un sort partagé par Jérémy Chardy qui lui devra affronter Novak Djokovic à ce stade de la compétition, et Nicolas Mahut. Vainqueur de son premier tournoi la semaine dernière, le trentenaire (31 ans) pourrait se frotter à Murray s’il parvient au troisième tour.

    Dans l’ambiance feutrée de Wimbledon, la guerre s’annonce féroce entre les différentes forces en présence. Le trône londonien se mérite.

    Christopher Buet


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