• Sauvés des eaux

    Au bord du naufrage vendredi soir après les défaites de Benneteau et Tsonga, la France a redressé la barre pour finalement renverser l’Allemagne (3-2). La bande d’Arnaud Clément conserve le droit de rêver et dérive vers les demi-finales où l’attend le double tenant du titre tchèque.

    Deux mètres derrière sa ligne de fond court, Gaël Monfils regarde la balle de Gojowczyk s’écraser derrière la ligne blanche. Le Parisien la renvoie machinalement et dans un même geste, laisse s’échapper sa raquette qui vient se poser sur le sol. Alors que la salle et le peuple nancéen explose, que ses coéquipiers s’agrippent et s’enlacent, que Richard Gasquet exulte le poing serré, la mâchoire grande ouverte, Gaël Monfils esquisse un large sourire, levant et agitant son poignet index tendu. Il le sait, ici en Lorraine, il vient de tirer d’un très mauvais pas l’équipe de France et de qualifier toute une nation pour les demi-finales d’une Coupe Davis qui lui échappe depuis 2001.  « J'étais tout seul à tenir la raquette mais j'avais vraiment l'impression qu'on était tous les cinq sur le terrain (avec Tsonga, Benneteau, Llodra et Gasquet). Je sentais leur énergie », expliquait Monfilsconscient de la portée de son succès. Car avant ce dénouement heureux, la France a frôlé la correctionnelle et tangué comme rarement ces dernières années.

    Tsonga, l’orgueilleux

    Annoncée grande favorite face à une Allemagne privée de ses leaders (Haas et Kolschreiber), l’équipe emmenée par Arnaud Clément avait pris l’eau vendredi, prise d’assaut par les intenables Kamke et Gojowczyk. Si l’opération de sauvetage avait commencé par une victoire laborieuse mais précieuse en double, samedi, il s’agissait de finir de colmater les voies d’eau de l’embarcation tricolore.

    Premier matelot appelé dans la cale, Jo-Wilfried Tsonga a mis du cœur à l’ouvrage pour réparer ses erreurs de vendredi où il n’avait pas réussi à se défaire du jeune Gojowczyk dont c’était la première rencontre en Coupe Davis. Blessé dans son amour propre, le n°1 tricolore en l’absence de Richard Gasquet (blessé au dos, ndlr) n’a pas trainé face à Tobias Kamke. En trois sets et une petite heure quarante deux minutes (6-3 6-2 6-4), il a bouclé sa besogne et remis les siens à flot. « L'orgueil, c'est l'histoire de toute ma carrière (rires). C'est l'histoire de tout le monde. Il s'est forcément passé quelque chose (…) Vendredi, on n'avait pas eu beaucoup de réussite. Aujourd'hui, mon adversaire n'a pas été aussi bon (que Gojowczyk). J'ai fait un match solide. Mon niveau est peut-être monté d'un cran par rapport à vendredi, mais pas beaucoup. Maintenant, on va tous pousser derrière Gaël (Monfils) », indiquait-il conscient que le travail n’était pas encore fini.

    « J’aime quand il y a de la bataille »

    Ce travail, c’était à Gaël Monfils de l’effectuer. Une tâche qui ne lui faisait pas peur, bien au contraire. « J’aime quand il y a de la bataille. Des matches comme ça, il n’y en a pas beaucoup dans une vie », confiait-il à L’Equipe. Un moment « rare et unique », selon ses termes, qu’il n’allait pas laisser échapper. Trois ans après son dernier simple en Coupe Davis (c’était déjà face à l’Allemagne, sur la terre battue de Stuttgart, ndlr), le demi-finaliste de Roland-Garros en 2009 entrait parfaitement dans sa rencontre, imposant tout de suite un gros combat du fond du court. Moins fringant que vendredi soir, Gowoczyk cédait rapidement sous les coups de marteau du quartier-maître Monfils qui bouclait la première manche avec autorité (6-1). « Je me suis agréablement étonné de jouer comme ça. Ma crainte, c'était d'être timide et que lui, il emballe plus le match comme il l'avait fait contre Jo. J'ai réussi tout de suite à l'étouffer », se félicitait-il.

    Impérial sur son service (71 % de premières balles pour seulement 3 point perdus sur ses mises en jeu, ndlr), le Parisien ne relâchait pas la pression dans la deuxième manche et obligeait son jeune adversaire de tenir sur ses engagements. Contrairement au premier acte, Gowoczyk acceptait le bras de fer et contraignait le Français au tie-break. Un exercice où Monfils allait exceller. Payant ses efforts pour rester à hauteur, le Munichois s’effondrait sans parvenir à inscrire le moindre point (7-6). Usé, le 119ème mondial ne se relèverait pas de cette perte. Dans un troisième acte à sens unique, Monfils apportait les finitions à son succès et finissait de colmater les dernières brèches d’un navire bleu, de nouveau imposant (6-2). « C'était la première fois que je jouais un match à 2-2. Je suis super content, ça fait une expérience de plus », appréciait le héros du jour.

    La menace tchèque

    Spectateur privilégié depuis son banc, Arnaud Clément ne pouvait réprimer ses sentiments. « C’est une vraie fierté. Oui, la victoire est logique. Mais ce n’était pas évident dans ces circonstances. Les gars ont eu une réaction de champion, ensemble. Une énorme réaction d’orgueil », savourait le capitaine avant d’ajouter « Réagir ensemble après ce coup de massue, c’est fort ! Le double a été capital, il n’a vraiment pas été simple à gagner après ces nombreuses, nombreuses occasions perdues. Jo (Tsonga) a eu une belle réaction, pas évidente non plus après ce match perdu qui avait duré longtemps. Et Gaël (Monfils), il a répondu présent. Il a été exceptionnel ! » Un joueur exceptionnel pour une victoire qui l’est tout autant puisque la France n’avait plus remonté un handicap de 0-2 depuis 1996 (succès contre l’Italie à Nantes). Un retournement de situation qui avait lancé les Bleus vers le saladier d’argent.

            

    Avant d’envisager pareille conclusion, un obstacle de taille se présente à Gaël Monfils et ses compères : la République Tchèque. Double tenante du titre, elle n’a pas fait dans la dentelle de l’autre côté du globe, massacrant un Japon, privé de Kei Nishikori (5-0). « Maintenant, ce match contre les Tchèques, il va être en énorme dans leur programme », salive déjà Clément certain que ce choc face à la paire Berdych-Stepanek va galvaniser ses matelots. Un équipage tricolore qui aura la chance d’évoluer dans ses eaux en septembre prochain. Après avoir failli sombrer dans cette Lorraine où il ne fait pas bon croiser un Allemand quand on est Français, les Bleus, sauvés des eaux, ont gagné le droit de mener une nouvelle campagne en haute mer. Gaël Monfils peut continuer à agiter son poignet, le pavillon bleu flotte toujours au-dessus de l’océan de la Coupe Davis.

    Christopher Buet


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