• Roland-Garros : Terre d'ambitieuses

    Roland-Garros s'ouvre à ses femmes

    roland-garros-logoLauréate de deux des trois dernières éditions, Maria Sharapova remet son titre en jeu avec l’idée de conserver un bien arraché de haute lutte en 2014. Sur cette terre qu’elle apprécie, la Russe devra éteindre les feux nourris de rivales avides de gloire.

    Le soleil perce timidement et ses rayons viennent réchauffer cette terre encore endormie, engourdie par une longue année d’inactivité, privée de ses fidèles courtisanes, assoupie par le silence d’un quotidien monotone ayant repris ses droits sur les fracas d’une quinzaine rythmée par les cris et les larmes teintés d’ocre. Ce soleil de printemps annonce le réveil de Roland-Garros qui s’apprête à céder une fois encore, au furieux tumulte de la caravane itinérante du tennis qui pour deux longues semaines récupèrent ses quartiers à Paris sur les bords de la Seine. Alors que Cannes tire sa révérence et range paillettes et parures, la Porte d’Auteuil déroule son tapis rougeoyant, terre poussiéreuse battue par les vents de la légende où les meilleures actrices de cette année entendent inscrire leur nom et voir s’épanouir leurs ambitions, à l’image de la tenante du titre Maria Sharapova.

    Sharapova arrive lancé de RomeProlonger le règne

    En cette fin mai, la Russe revient en un endroit qu’elle affectionne chaque année un peu plus. Joueuse estampillée « surfaces rapides » à ses débuts sur le circuit en 2003, la longiligne n°2 mondiale a su apprivoiser cette terre si glissante où elle se sentait comme une « vache sur la glace ». « C’est le fruit d’une vraie évolution. J’ai progressivement développé mon jeu, mon mental pour m’adapter aux exigences de la terre battue. J’ai dû me bâtir afin d’être physiquement et mentalement prête pour être à la hauteur de l’une des surfaces les plus éprouvantes. Pour y parvenir, vous devez structurer votre jeu, vos points, adopter une façon de penser, de bouger. Cela m’a pris plusieurs années. Et j’ai pu effacer certaines de mes faiblesses », se félicite aujourd’hui Sharapova qui a fait de Roland-Garros l’un de ses rendez-vous privilégiés. En effet, c’est à Paris qu’elle a conquis 2 de ses 5 couronnes en Grand Chelem. Mieux, la native de Niagan les a coiffées au cours des trois dernières années manquant le triplé par la faute d’une Serena Williams inébranlable en 2013.

    Du haut de ses 28 ans, l’impératrice Sharapova est bien décidée à poursuivre sa domination sur les lieux et à rallier pour une quatrième année consécutive la finale parisienne. Un objectif tout à fait crédible pour la Sibérienne qui a su relever la tête ces derniers jours. Après un début de saison compliquée sur terre battue, la finaliste du dernier Open d’Australie a remis de l’ordre dans son tennis. Heureuse d’atteindre les demi-finales à Madrid alors qu’elle affirmait partir de loin, Sharapova a mis tout le monde d’accord voilà une semaine du côté de Rome. Un succès de premier ordre sur l’une des joueuses en forme du moment l’espagnole Suarez-Navarro, qu’elle pourrait retrouver d’ailleurs à l’aune des quarts de finale. En pleine confiance sur la terre parisienne, Maria Sharapova peut légitimement ambitionner réussir sa propre succession et réussir un doublé plus réalisé depuis 2007 et Justine Hénin.

    Serena a un compte à régler

    Serena Williams à la relanceUne performance que Serena Williams se ferait un malin plaisir de contrarier. A 33 ans, l’Américaine est sans conteste la principale rivale de la Russe dans sa quête terrienne. A son meilleur niveau, la n°1 mondiale est même intouchable comme elle l’a encore prouvé lors des deux dernières levées du Grand Chelem à New York puis Melbourne. A chaque fois, sur surface dur et rapide. Mais voilà, Roland-Garros se déroule sur terre, un revêtement où ses certitudes semblent s’égarer. Brillante en début de tournoi, la cadette des Williams s’était littéralement effondrée en demi-finale à Madrid contre Kvitova (6-2 6-3). Une claque attribuée à une blessure qu’elle promet résorbée. « Je me sens beaucoup mieux physiquement aujourd’hui. J’ai eu un petit peu plus de mal à me préparer que ce que je pensais, mais maintenant, je suis prête. J’ai pu et je me suis dit : c’est bon, ça va beaucoup mieux », tente-t-elle de rassurer.

    Un optimisme de rigueur pour l’Américaine qui reste sur une terrible déconvenue dans le tournoi parisien. En effet, arrivée tenante du titre l’an dernier, la n°1 mondiale avait été balayée par la puissance et la jeunesse de Garbine Muguruza. En deux petits sets, l’Espagnole d’origine vénézuélienne avait éjecté Serena dès le 2nd tour. Une défaite en forme de motivation au même titre que sa course vers les records. « Ecrire l’histoire est vraiment très motivant pour elle », lâche son entraîneur Patrick Mouratoglou qui connaît les ressorts de sa joueuse, dont le 3ème tour promet des retrouvailles endiablées avec Victoria Azarenka. Une idée que partage Martina Navratilova. « Je suis certaine qu’elle atteindra les 20 Grand Chelem. Depuis trois ans et sa défaite contre Virginie Razzano, elle a relancé sa carrière dans une nouvelle dynamique. Elle a réalisé que le temps passait et qu’elle voulait à tout pris marquer de son empreinte son sport. C’est impressionnant ce qu’elle fait à son âge (33 ans, ndlr). » Sur les traces de Steffi Graf et de ses 22 Majeurs, la femme aux 19 couronnes et 2 défaites cette saison (dont un forfait) est prête à reposer le pied sur terre et y apposer à nouveau son empreinte.

    Halep : « Je me sens bien sur terre battue »

    Kvitova veut briller à RolandDans l’ombre des deux reines du circuit, la foule des prétendantes fourbie ses armes. Placée dans la même moitié de tableau que l’Américaine (demi-finale potentielle), Petra Kvitova sait qu’elle peut tirer son épingle du jeu sur la terre française. « J’ai déjà joué les demi-finales en 2012 donc je sais que je suis capable de bien jouer là-bas. Je dois juste vraiment croire en mes chances. Je dois croire au moment où je soulève le trophée », explique la 4ème joueuse mondiale. Double lauréate de Wimbledon, la Tchèque arrive cette saison avec d’autres certitudes quant à son jeu sur ocre. Des certitudes acquises de l’autre côté des Pyrénées sur les courts de la Caja Magica de Madrid où elle a su mettre en place son jeu et laisser parler son formidable bras gauche.

    Si Kvitova se présente avec de sérieux arguments, il en va de même pour Simona Halep. A 23 ans, la Roumaine n’en finit plus d’épater par ses qualités sur le court. « Simona, elle a tout ce que donne le ciel : le talent, l’habileté, la vision », s’emporte son compatriote Ion Tiriac. Finaliste la saison passée, la protégée de Virginia Ruzici s’est, depuis, installée parmi les toutes meilleures joueuses du monde grâce à sa couverture de terrain et sa science des trajectoires. Des qualités sublimées par la terre battue. « J’aime chercher les angles. C’est aussi pour ça que j’aime la terre battue : on a le temps de réfléchir », glisse-t-elle dans L’Equipe Magazine.

    Halep est ambitieuseAu-delà de ça, la finaliste malheureuse de 2014 ne cache pas son plaisir de revenir sur la terre qui l’a « révélée ». « J'ai d'excellents souvenirs de mon parcours ici l'année dernière. J'ai joué de bons matchs cette année, j'ai acquis la certitude que je suis capable de jouer de longs matches et de passer trois heures sur le court sans perdre en concentration ou en lucidité. J'ai acquis de l'expérience, aussi (…) Je me sens bien sur terre battue en ce moment. C’est clairement une des surfaces où je me sens le plus en confiance et je sens que je m’améliore de jour en jour, à un tel point que je me sens prête pour un succès à Roland Garros cette année. » Une prétention normale d’autant que la n°3 mondiale a hérité d’un tirage clément tant Cornet, Radwanska, Makarova et Ivanovic ne présentent pas des obstacles insurmontables sur la route d’une demi-finale où l’attendra peut-être…Maria Sharapova.

    Derrière ces deux outsiders, il faudra regarder attentivement les parcours de la suissesse Timea Bascinszky placée avec notamment Kvitova, Madison Keys, révélation du dernier Open d’Australie, mais aussi Bencic ou Townsend. On n’oubliera pas non plus Andrea Petkovic, demi-finaliste surprise la saison dernière, dont le menu s’annonce copieux avec Errani, Jankovic et Wozniacki avant éventuellement Serena Williams en quarts.

    Des perspectives pour les Bleues ?

    Du côté des Bleues, la tâche s’annonce encore une fois ardue. Abonnée aux têtes de gondoles, Kristina Mladenovic a de nouveau été servie. Après Li Na, l’an passé, la Nordiste devra se coltiner la 6ème joueuse mondiale et demi-finaliste 2014 en la personne d’Eugénie Bouchard. La chance de la Française réside dans la dynamique catastrophique de la Canadienne qui n’a gagné qu’un match depuis la fin mars concédant 7 défaites. Une statistique effrayante mais dont il faut se méfier tant Bouchard a fait des Majeurs sa priorité. En effet depuis janvier 2014, cette dernière a toujours su briller à l’heure des Grands Chelem atteignant 1 quart de finale, 2 demi-finales et une finale (Wimbledon, ndlr). Malgré tout, la tricolore de 22 ans a un bon coup à jouer.

    Garcia mènera les FrançaisesDe son côté, Caroline Garcia aura plus de latitudes. Tête de série 31, la Française disposera de 2 tours pour se roder avant de rencontrer Ana Ivanovic, qu’elle a déjà dominée par deux fois cette saison à Monterrey et Indian Wells. Enfin, Alizé Cornet devra se méfier d’un premier tour piège contre Roberta Vinci. Une entrée en matière peu commode pour une Niçoise en pleine crise.  « Mon tennis ne s’est pas volatilisé ! Il y a deux semaines encore, je battais Halep (7-6 (6) 6-3 à Madrid). Il est quelque part, à moi de le trouver. Après, je suis inquiète, car je me dis: "Vais-je le trouver avec la tension qui va s’installer à Roland-Garros ?" Et, d’un autre côté, je me dis que c’est mon onzième Roland-Garros qui arrive, que j’ai l’habitude et que je vais réussir à gérer », s’interroge Cornet à qui Halep est promise en 8ème.

    Chacune à leur échelle, les meilleures actrices du circuit déborderont d’ambitions à l’idée de pouvoir soulever début juin la Coupe Suzanne-Lenglen. « L’ambition est le fumier de la gloire », écrivait en son temps le dramaturge italien Pietro Aretino.

    Christopher Buet


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