• Les maux catalans

    Messi-Xavi

    Eblouissant durant toute la première partie de saison, au point d’aligner les records, le FC Barcelone semble connaître un réel passage à vide. Entre un jeu prévisible et inoffensif, des défaites en séries (3 en 4 matches) et des absences préjudiciables, la belle saison catalane s’est emplie de nuages.

    Et Victor Valdes craqua. Dans un élan de colère, le portier catalan se laissa emporter par ses émotions et s’en prit verbalement à l’arbitre du Clasico. La raison de son courroux prenait son origine quelques instants plus tôt. Dans le temps additionnel, Adriano parvenait à combiner à l’angle droit de la surface de réparation madrilène. Le Brésilien s’y infiltrait balle au pied avant de se faire faucher dans son élan par Sergio Ramos. Les Barcelonais crient au pénalty mais l’arbitre central n’est pas de cet avis et laisse se poursuivre l’action avant de siffler la fin du match et de sceller la victoire du Real Madrid (2-1). Dès lors, les Catalans encerclèrent l’arbitre et Valdes s’emporta. Malgré la rencontre achevée, M.Perez Lasa sortait le carton rouge de sa poche et sanctionnait le coup de sang des visiteurs. La conclusion d’une après-midi de cauchemar mais surtout le révélateur du profond malaise qui semble agiter le FC Barcelone. « Nous savons que nous ne sommes pas à notre meilleur niveau. » se fendait Piqué après cette nouvelle désillusion. Le triste constat de blaugrana, brillants depuis le début de la saison, mais qui ont semble-t-il perdu le fil de leur football et la sérénité qui allait avec.

    Opération portes ouvertes

    La première chose qui frappe quand on regarde les derniers résultats, c’est la perméabilité du FC Barcelone. En effet, ce dernier a encaissé au minimum un but au cours de chacun de ses 13 derniers matches. Une statistique effrayante au regard des standards du club catalan. Si ce dernier a bâti sa réputation sur son jeu chatoyant, il ne faut pas oublier qu’il s’appuyait aussi sur une intraitable défense, interdisant l’accès au but avec une autorité jamais démentie dans toute l’Europe. En ces heures de gloire, le FC Barcelone pouvait ainsi s’appuyer sur un Carles Puyol, capitaine au cœur énorme et au dévouement sans faille. Un général charismatique commandant une armée sûre. A ses côtés, Gerard Piqué puis Javier Mascherano ont œuvré avec brio. Le premier apporta, notamment, en 2009, sa classe et sa propreté contrastant avec l’énergie et l’activité de son aîné ; quand le second fit étalage de sa polyvalence et de son sens aigu du placement et de l’anticipation. Sur les côtés, Dani Alves et Eric Abidal venaient compléter l’arrière garde d’élite. Le Brésilien était l’offensif, l’électron libre chargé avant tout de créer le surnombre ; le Français était le défensif, se chargeant de la couverture et de couper les contre attaque adverses. Un équilibre parfait.

    Eric Abidal reprise

    Mais la perfection a ceci qu’elle ne tient à rien et s’échappe aussi vite qu’elle fut dure à conquérir. Cet équilibre fragile s’est effondré en avril 2011. Assurance tout risque derrière, Eric Abidal était contraint de quitter ses partenaires, victime d’un cancer du foie. Après un bref retour, il ne pourra aller contre une greffe en début d’année 2012. Depuis cette époque, le Français n’a plus été vu sous les couleurs blaugrana. Et ce n’est pas son remplaçant qui est parvenu à le faire oublier. Fraîchement débarqué de Valence, Jordi Alba n’est pas Abidal. Si son apport offensif est indéniable et a permis de rééquilibrer les forces avec le flanc droit dans ce secteur, il a surtout déséquilibré l’ensemble de l’équipe. En effet, là où Abidal compensait les montées incessantes d’Alves, Alba imite son partenaire qui lui n’a pas changé son jeu. Résultat, une défense dégarnie sur les ailes et des boulevards pour les adversaires, déboulant à présent tant de la droite que de la gauche.

    Sans Abidal donc, la défense catalane a perdu de sa sérénité. Une sérénité mise à mal par la baisse de régime de Gerard Piqué. Plus porté sur les soirées arrosées que sur le football, récemment la presse a révélé que Pep Guardiola avait employé un détective pour le faire suivre, l’international espagnol ne rayonne plus. Dernier exemple en date, cette faute coupable dans la surface sur Cristiano Ronaldo lors de la demi-finale retour de Copa del Rey (1-3) et offrant le premier but au Real Madrid. Très en vu l’an passé, Javier Mascherano semble plus en retrait. Pour sa part Carles Puyol tente de colmater les trous mais doit composer avec les affres du temps. Dans son but, Victor Valdes n’est pas non plus irréprochable mais difficile de lui reprocher quelque chose quand il doit composer avec une défense sans cesse recomposée et souvent bancale. En difficulté, le FC Barcelone aperçoit toutefois un peu de lumière puisqu’il vient d’apprendre le retour prochain d’Eric Abidal, autorisé par les médecins à rejouer. Avec plus d’implication, de vigilance et d’engagement peut-être mais aussi du sang neuf, doit-on rappeler qu’Alexandre Song attend toujours sur le banc de prouver sa valeur, la défense catalane pourrait retrouver son efficacité.

    En quête d’inspiration

    Toutefois, il est injuste de croire et d’affirmer que tous les maux catalans sont l’affaire de sa défense. Le FC Barcelone est une équipe répondant à une mécanique de très haute précision et si la défense failli, c’est aussi parce que son milieu de terrain rayonne moins qu’à l’accoutumé. Si Sergio Busquets impose sa loi dans le secteur de la récupération, si Andres Iniesta brille comme un soleil à son zénith, leurs coéquipiers peinent. Métronome absolu et régulateur du jeu catalan, Xavi se trouve actuellement en délicatesse avec son physique. Ainsi, c’est blessé qu’il tint sa place contre le rival madrilène en Copa del Rey. Une blessure qui le privera des deux prochaines semaines de compétition et donc du match retour face au Milan AC en huitième de finale de la Ligue des Champions. Autre joueur en grande difficulté : Cesc Fabregas. Après des débuts relativement convaincants, l’ancien Gunners apparaît perdu dans l’entrejeu catalan. Pire encore, il est comme absent, comme déconnecté des réalités du jeu. Ne fournissant pas les efforts nécessaires, n’apportant pas sa technique en phase offensive, il est devenu un poids dans l’équipe catalane quand il est sur le terrain. Charge à lui de se ressaisir pour redevenir celui qui avait pris les clés du jeu d’Arsenal. Enfin, Thiago Alcantara n’offre aucune garantie sérieuse, son jeu manquant encore d’un peu d’initiative pour faire la différence.

    Messi face au Milan AC

    Par ailleurs, si on s’évertue à tant critiquer le FC Barcelone, aujourd’hui, c’est également parce que son attaque s’est enraillée. Au Santiago Bernabeu, les Catalans n’ont frappé que 5 fois au but, une misère comparé au 14 tentatives de Madrilènes pourtant peu entreprenant. Contre Milan en C1, le bilan n’était guère plus reluisant. Jusqu’à présent, les exploits répétés de Lionel Messi, auteur de son 39ème but en Liga samedi, avaient masqué les largesses défensives de son équipe. Mais voilà, l’Argentin accuse un peu le coup et ne dispose pas de lieutenants pour le suppléer. Pedro se démène toujours autant mais n’a plus cette redoutable efficacité devant le but. De son côté, David Villa revient doucement à son meilleur niveau, la faute à une fracture de la jambe gauche qui le handicape depuis maintenant plus d’un an. A cela, il convient d’ajouter la décevante saison d’Alexis Sanchez plus apte à plonger dans l’herbe que dans la profondeur pour l’heure et seulement auteur d’un but en Championnat contre onze l’année passée.

    Composant avec un milieu de terrain moins influent, souvent privé d’Iniesta (replacé sur l’aile gauche à plusieurs reprises) et d’une attaque trop dépendante de Messi, le FC Barcelone est devenu prévisible et a perdu de son génie.

    Un seul être vous manque…

    Cette crise de résultats et de confiance coïncide étrangement avec l’absence de Tito Vilanova. Victime d’une résurgence de sa tumeur à une glande parotide, le technicien catalan est parti se soigner aux Etats-Unis. S’il reste en permanence en contact avec ses hommes, son absence physique pèse et empoisonne les esprits. Iniesta, Roura, tous ont exprimé le manque qu’il ressentait et le vide laisser par l’ancien adjoint de Pep Guardiola. Même si cette formation pourrait aisément se gérer seul sur le plan tactique tant son jeu est imprimé dans son âme, comme tout navire, elle a besoin de son capitaine, de ce chef capable de fédérer et de pousser à se dépasser. En ce sens, l’absence de Vilanova s’avère préjudiciable d’autant que son adjoint et ami Roura ne jouit pas de la même aura, apportant calme, confiance et sérénité.

    Vilanova et ses adjoints

    A cela, il convient aussi d'ajouter un autre élément loin d'être étranger aux difficultés actuelles du club catalan : leurs adversaires. Si en Copa del Rey, le Real Madrid est venu chercher sa qualification avec un brio certain, sa version en Liga ressemblait fort à ce Milan AC également victorieux des blaugranas voilà 3 semaines à San Siro. Loin d'être venues pour gagner et encore moins pour jouer, ces deux formations se contentant d'une rigoureuse discipline et d'une consciencieuse destruction footbalistitique. Difficile face à ce genre d'adversaires de proposer un football attrayant mais un problème récurrent puisqu'une tactique déjà adoptée, certes différemment mais selon des principes similaires par l'Inter Milan de José Mourinho (2010) et le Chelsea de Roberto Di Matteo (2012). Même s'il faut être deux pour jouer au football, le FC Barcelone connaît cette équation.

    Toutes ces vérités ne constituent que de petits détails mais qui mis bout à bout forment un problème majeur. Déséquilibré, moins précis, moins serein, le FC Barcelone doit faire face à une situation qu’il connaît chaque année, un passage à vide pénible mais pas irrémédiable. Plus qu’une fin de règne comme trop veulent le croire et l’écrivent, voyons-y une absence. Aux Catalans de se réveilleur sous peine de vivre une fin de saison plus compliquée qu’ils ne l’auraient imaginés. Réponse dans dix jours face au Milan AC au Camp Nou. Dix jours pour se relever et éclaircir un ciel bien assombri.

    Christopher Buet 


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