• « On entretient ce climat de tension »

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    Joachim Barbier, journaliste à So Foot et auteur de Ce pays qui n’aime pas le foot, revient sur les incidents qui ont émaillé la remise du trophée de champion au Paris Saint-Germain. Pour lui, ces évènements étaient prévisibles mais ne sont pas que du fait des supporters.

    Quel regard portez-vous sur les débordements qui ont eu lieu au Trocadéro, lundi?

    C’est triste car c’était avant tout une manifestation pour célébrer le titre du PSG, où pour une fois les joueurs sortaient du cadre du Parc des Princes. On avait un public différent, pas forcément celui qui va aux matches et qui pouvait communier. C’est aussi dommageable pour le club et pour les supporters du PSG car les pouvoirs publics vont intensifier la pression, à cause d’une minorité. On est train de faire un amalgame. Les autorités, les médias ne savent pas faire la différence entre supporters et hooligans. C’est un phénomène qu’ils ne connaissent pas. Il faut comprendre que les ultras, ce sont avant tout des gens qui mettent de la couleur dans un stade et qui ont une façon plus démonstrative de supporter leur club que ceux qui viennent en loge et manger des petits-fours. On va encore serrer la vis. Il faudrait, non pas pardonner mais comprendre les raisons de ses heurts. Nous n’avons qu’une réponse policière et lapidaire. On entretient finalement ce climat de tension.

    Ces incidents n’étaient-ils pas prévisibles ?

    Comme toute manifestation populaire, il suffit de peu de monde pour que ça « parte en sucette ». Après, la LFP et le PSG ont choisi le Trocadéro pour une raison d’image avec la Tour Eiffel. Ce n’était pas le meilleur endroit, c’est évident. D’accord, il y avait des membres des anciennes associations qui ont été dissoutes mais les ultras n’ont jamais cassé des vitrines. Ils étaient là pour essayer de faire valoir leur droit, on l’a vu avec leur banderole (ndlr : « Liberté pour les ultras »). Je pense qu’il s’agit avant tout d’un concours de circonstances qui a mené à cette situation. Il y avait, sur place, des gens qui n’avaient rien à voir avec le football. On ne peut pas faire des contrôles d’identité à toutes les personnes dans une manifestation. Au-delà de ça, le retard des joueurs a joué. L’ambiance était électrique et ça n’a rien arrangé. Après certains ont incendié des voitures mais avant au Trocadéro, ce n’était pas non plus une bataille rangée.

    Ces évènements ne sont-ils pas l’expression de la frustration du public parisien, sevré de titre durant 19 ans ?

    Je pense qu’il y a un peu de frustration mais de ceux qui étaient là avant l’arrivée des Qataris et du plan Leproux. Cela va même au-delà puisque la direction parisienne a affirmé choisir son public, or hier, c’était le vrai visage des supporters parisiens, ceux de l’ensemble de la région. Cela résulte d’un manque de dialogue de la part du PSG avec les anciens fans. On a l’impression que les nouveaux dirigeants n’ont pas pris en compte l’histoire du club, du fait que ces 10 dernières années, il n’y avait pas grand-chose sur le terrain mais des supporters en tribunes qui soutenaient le club coûte que coûte.

    Les dirigeants parisiens n’avaient-ils pas pris conscience de la « vrai nature » des supporters de Paris ?

    Effectivement. D’une part, ils ne voient que ceux qui viennent au stade et d’autre part, ils ne connaissent pas ce qu’il y avait avant leur arrivée. Finalement, ils se retrouvent presque confronter à la sociologie de la région parisienne et sa forte connotation territoriale. Il y a un vrai choc entre le Paris Saint-Germain « sous contrôle » et la rue.

    Est-ce que ces évènements auront une incidence sur la position des qataris ?

    Au Qatar, ils ne doivent pas être contents car ils ont investi beaucoup d’argent pour construire une belle équipe à Paris et qu’il y a un enjeu d’image dans leur projet. Il existe une dimension culturelle à prendre dans le football et ils ont cru pouvoir s’en abstenir. Ils ont deux solutions : soit ils nient et créent un club artificiel, soit ils prennent des mesures et jouent la paix sociale en réintégrant certains supporters pour être plus représentatif de la population parisienne. On ne peut pas débarquer et dire qu’on choisit son public. On n’est pas dans un cabaret. Il y a un déni de démocratie.

    Lundi, Manchester United fêtait également le titre avec ses supporters dans les rues de la ville et l’ambiance était très calme. Comment expliquer une telle différence ?

    Je trouve scandaleux de mettre en parallèle ces deux manifestations car à Manchester, on fêtait le titre et surtout le départ de Sir Alex Ferguson. Donc il y avait plus d’émotion que de tension. Puis il ne faut pas oublier que Manchester United est une institution qui a l’habitude de gérer ce genre d’évènement. Par contre, on doit se poser la question de savoir pourquoi, en France, à chaque fois qu’il y a l’occasion de faire la fête, il y a toujours des gens qui veulent tout casser ou en découdre avec la police. Je pense que l’attitude des forces de l’ordre joue aussi. En Angleterre, leur premier réflexe n’est pas d’envoyer des bombes lacrymogènes. Il y a plus de discussions. Aujourd’hui, entre les stewarts, les stadiers et la police, aller au Parc des Princes, c’est comme aller au tribunal. La tension ne vient pas de nulle part.

    Propos recueillis par Christopher Buet


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