• Tout un cinéma

    Trois hommes, trois scénarii, trois mise en scènes, une conclusion. Chacun à leur manière, Rafael Nadal, David Ferrer et Andy Murray ont composté leur billet pour le tour suivant. Quand le tennis devient spectacle…

    Le festival de Cannes est terminé depuis bientôt une semaine et la Croisette a depuis longtemps rangé son tapis rouge et son glamour et pourtant. Il flottait comme un doux air de cinéma dans les allées de Roland Garros, au ras de cette terre battue ocre semblable à un tapis rouge. Il est fascinant à quel point le tennis peut raconter des histoires. Ce jeudi, trois scénaristes de renom se sont succédé pour nous conter leurs tribulations avec un sens de la mise en scène certain.

    Comme pour toutes cérémonies, l’honneur revient au maitre de cérémonie et ici à Roland Garros, il s’agit de Rafael Nadal. L’homme n’est plus à présenter depuis longtemps et sur la terre battue parisienne, il règne sans partage depuis 2005. Opposé aujourd’hui à Denis Istomin, l’Espagnol a livré un véritable récital. Au sommet de son art, il a écœuré l’Ouzbek et subjugué les spectateurs et l’assistance. Très bon au service, l’enfant de Manacor n’a connu aucune difficulté pour imposer son lift. Précis et puissant, il faisait visiter le court à son adversaire avec une facilité déconcertante. Comme à l’entrainement, il alternait, variait et punissait en revers croisé, en coup droit décroisé. Rien ne semblait impossible pour le septuple vainqueur. En son jardin ocre, Rafael Nadal a réalisé un nouveau chef d’œuvre, ne laissant que 5 misérables jeux à son figurant Ouzbek (6-2 6-2 6-0, en 1h50). Il est dit que cette année, le soliste Majorquin entend de nouveau tenir le haut de l’affiche.

    Pragmatisme et efficacité

    Il y a donc la méthode Nadal qui se résume à réduire en poudre son adversaire comme pour l’incorporer à la terre du court dont l’effet est garanti mais il en est une autre beaucoup moins saillante mais tout aussi efficace. Il s’agit de la méthode Ferrer, une science de la mise en scène plus pragmatique et épurée pour un film au rythme plus lent mais plus corsé. Comme pour offrir une toile parfaite, les organisateurs avaient concocté une opposition de style pour le moins intéressante avec d’un côté l’impassible acteur espagnol et de l’autre le fantasque acteur français Benoit Paire, jamais avare d’une petite improvisation ou d’un bon mot (référence à sa propension à distiller des amorties à tout bout de champs et à parler sur le court). Et c’est ce dernier qui surprenait l’assistance et son adversaire en démarrant tambour battant sa prestation sur le court n°1, breakant d’entrée pour mener 2-0, service à suivre. Mais la représentation allait prendre fin aussi vite qu’elle avait commencé. Plus solide, plus serein et tenant davantage la balle dans le court, Ferrer refaisait son retard. Mieux à l’expérience, il faisait craquer irrémédiablement son adversaire, l’usant dans d’interminables rallyes. Malgré quelques fulgurances, notamment en revers, l’Avignonnais prenait trop de risques et cédait le premier. Au métier et toujours sans fioriture ou coup d’éclats, David Ferrer livrait une prestation à l’efficacité implacable (6-3 6-3 6-2). Loin de la domination outrageuse de Nadal, le 6ème joueur mondial va son chemin avec tranquillité. Le voilà au troisième tour.

    La magie de l’illusion

    Toutefois, si le cinéma espagnol est à la fête comme chaque année sur terre battue, c’est bien un artiste écossais qui récolte, aujourd’hui, les prix de la mise en scène et de l’interprétation. Dos en vrac, service à la vitesse limite caricaturale, points joués en marchant, c’est un euphémisme que de dire qu’Andy Murray est un miraculé, tant son corps apparaissait contre lui. Et pourtant. Opposé à Jarkko Nieminen, le 4ème joueur mondial a montré qu’il avait des ressources et un talent incroyable. Dans un remake d’un film grand film de guerre, il a campé un soldat blessé allant au-delà de sa douleur pour vaincre. « Franchement, j'ai décidé de continuer à la fin du deuxième set parce que j'ai vu que Nieminen devenait nerveux. Je ne sais même pas comment j'ai fini par gagner ce match. » Car oui, ce match si mal embarqué qu’il n’aurait jamais du arracher, il le gagna avec son cœur, avec ses tripes mais aussi avec sa raquette. Car même en marchant, Andy Murray demeure un joueur au talent formidable. Après avoir concédé le premier set fort logiquement (1-6), c’est au poignet qu’il revenait à hauteur (6-4). Amortie, lob, coups croisés ou décroisés, Murray offrait une palette de coups attestant bien de ce statut aussi flatteur que cruel de joueur le plus doué n’ayant jamais remporté un Grand Chelem. On aurait pu croire un baroud d’honneur ; que nenni. L’Ecossais a de la trempe et ce caractère propre à ses origines. Profitant de l’étrange attitude de son adversaire finlandais tiraillé entre la volonté de profiter de la faiblesse adverse ou non, celui qui ne pouvait plus s’asseoir aux changements de côté saisissait sa chance, presque incrédule. Après un peu plus de 2h29 de jeu, le soldat britannique achevait Nieminen. Bien que satisfait, il ignorait encore dans quel état il serait samedi pour son prochain tour. « En fait je ne sais même pas comment je vais me sentir demain au réveil donc c'est difficile d'imaginer dans deux jours. J'ai une très bonne équipe qui va tout faire pour me remettre sur pieds. Aujourd'hui je suis juste heureux d'être passé. En fait, je n'arrive toujours pas à croire que j'ai gagné. Je me suis battu, j'ai serré les dents, j'ai cherché des solutions et je m'en suis sorti. C'était assez prenant au niveau des émotions tout ça ! ».

    Cannes a peut-être mis fin à son festival mais une chose est sûr, à Paris, Porte d’Auteil, le tennis n’a pas fini de faire son cinéma et de nous livrer des histoires fabuleuses.

    Christopher Buet


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