• Le froid réalisme espagnol

    Au terme d’un match qu’elle aura maitrisé d’un bout à l’autre et grâce à un doublé de Xabi Alonso, l’Espagne élimine une pâle équipe de France et se qualifie pour les demi-finales de l’Euro. Imposant un faux rythme, la sélection de Vicente Del Bosque a hypnotisé son adversaire avant de le faire craquer par deux fois. Frustré et incapable d’accélérer, la France sort par la petite porte sur une deuxième défaite en deux matches après le revers suédois. Sans être flamboyante mais avec beaucoup de métier, l’Espagne retrouvera le Portugal en demi-finale.

    Et les « Olé, Olé, Olé » se mirent à pleuvoir depuis le virage espagnol. On jouait la 90ème minute quand l’Espagne entama une ultime « passe à 10 »  face à une équipe de France sonnée et abasourdie par le flegme et le froid réalisme de cette Espagne robotique. Peu avant, cette dernière avait asséné le coup de grâce à son apathique partenaire de jeu du soir. Sur l’une des rares accélérations du match, Pedro pénétrait dans la surface avant d’être mis au sol par Reveillière. Sans discussion, M.Rizzoli indiquait le point de pénalty pour une sentence que Xabi Alonso se chargeait de convertir en prenant à contre-pied un Lloris impuissant. Faisant fi du spectacle et de ses principes de jeu romantique, l’Espagne venait de doubler la mise et d’assurer une qualification pour les demi-finales de l’Euro, qu’elle aura su construire avec un métier confondant. Car jamais elle ne paru en mesure de se faire déborder.

    Dans une configuration classique où Fabregas avait comme en ouverture face à l’Italie, supplanter Torres, l’Espagne mit en place les jalons de son succès. Entre passes et conservation du ballon, elle prit le contrôle du jeu et des débats pour imposer son rythme presque hypnotique. C’est dans une ambiance très spéciale avec un public silencieux comme paralysé par l’enjeu du match, que l’Espagne alluma la première mèche. A peine 5 minutes après le coup d’envoi, Cesc Fabregas, bien lancé dans la surface par Xabi Alonso, était crocheté par Gaël Clichy. L’Espagnol s’écroulait mais l’arbitre ne bronchait pas malgré la faute évidente. Une erreur qui aurait pu couter cher dans un match où les occasions n’allaient pas être légions. Pour autant, ce fait de jeu ne restera qu’une anecdote. Loin de se frustrer, les Espagnols reprenaient sur le même rythme face à une France peu entreprenante mais soucieuse de garder son bloc haut. Mais face à l’Espagne subir n’est pas une solution et la laisser développer son jeu conduit toujours au même résultat. Comme une horloge, ses rouages firent la différence. Sur une action partie depuis le rond central, Xavi servait iniesta qui sur un pas se libérait du marquage de son défenseur et servait dans l’espace à gauche Jordi Alba. Déboulant et prenant Debuchy de vitesse, le latéral de Valence levait bien la tête et servait au second poteau Xabi Alonso. Laissé libre de tout marquage, le Madrilène fêtait comme il se doit sa centième sélection et ajustait Hugo Lloris d’une jolie tête piquée croisée. Sur sa première vraie situation, le Champion d’Europe ouvrait la marque (1-0, 18ème).

    Un but qui donna confiance à l’équipe de Vicente Del Bosque qui se mit à dérouler. Tout en contrôle, l’Espagne faisait courir des Français inoffensif à l’image de Karim Benzema dont le coup franc à 25m s’envola dans le ciel de Donetsk. C’est d’ailleurs sur cette phase de jeu que la France se montra la plus dangereuse quand Yohan Cabaye travaillait bien son ballon, qui prenait la direction de la lucarne, et obligeait Iker Casillas à intervenir. Un bilan bien maigre pour une équipe au pied du mur où seul Ribéry tentait de bousculer le bloc espagnol. A la mi-temps, l’Espagne menait tranquillement et présidait les débats imposant sa loi à un adversaire apathique et inoffensif.

    La froide punition

    La France devait montrer bien plus si elle voulait espérer encore pouvoir revenir dans le match et titiller son adversaire. Mais au retour des vestiaires rien avait changé, ni la domination espagnole, ni la frilosité et l’incapacité française et encore moins le rythme d’un match éminemment tactique. Ce début de seconde période n’est donc qu’une copie conforme de la première jusqu’à la 60ème minute et cette accélération de Ribéry. Profitant d’un peu de champ, ce dernier servait Debuchy dans la surface mais la tête du Lillois passait juste au-dessus de la transversale. Timidement, les Bleus tentaient de sortir de leur léthargie mais dans la foulée, il manquait de se faire surprendre quand Xavi chercha Fabregas dans l’axe sur une action rappelant le but face à l’Italie. Il fallait une belle sortie de Lloris pour éviter le break.

    Dans l’impasse, Laurent Blanc se décidait à prendre des risques et sortaient Debuchy, peu à son avantage en position avancée dans le couloir droit, et Malouda guère inspiré dans le jeu de transition pour faire rentrer Jérémy Menez et Samir Nasri, sensés apporter un peu plus de percussion au jeu tricolore. De son côté, Vicente Del Bosque faisait lui aussi tourner et donnait du temps de jeu à Pedro en lieu et place de David Silva, avant de faire sortir un Fabregas bien terne pour Fernando Torres. On croyait que la bataille tactique avait commencé et que les changements de part et d’autre allaient décanter la situation mais la machine espagnole est une telle mécanique de précision que rien ne peut l’affecter et la faire dérailler. Ni Menez, frustré et averti, ni Nasri ne furent en mesure de s’illustrer et d’apporter cette étincelle à un jeu tricolore morne et sans imagination, ni envie. Irrémédiablement, irrésistiblement, la Roja usait son adversaire, encore et toujours obligé de courir derrière un ballon inaccessible dans les pieds experts de Xabi Alonso et Sergio Busquets, précieux dans le cœur du jeu et véritable régulateurs.

    Face à un adversaire laborieux et incapable de hausser le ton, Vicente Del Bosque se permettait de faire sortir Andres Iniesta, discret à l’image de son équipe mais décisif sur l’action du but par son décalage. A quelques instants de la fin du temps réglementaire, Pedro donnait raison au coaching de son sélectionneur et récoltait les fruits du travail de sape de ses partenaires et obtenait le pénalty après une petite mais dévastatrice accélération, rare éclair dans la monotonie de la nuit ukrainienne. En rouage essentiel parfait visage de cette Espagne robotique, Xabi Alonso faisait le break et s’offrait un doublé, mettant un terme à la macabre symphonie ibérique.

    Dans un match terne et d’une pauvreté sans nom, l’Espagne aura su assommer son adversaire et le résigner au long de séquences de conservation interminables. Sans briller, le champion en titre aura fait preuve d’un réalisme digne de cette Italie victorieuse des temps jadis. Au métier et avec un savoir-faire inégalé, c’est une Espagne sûre de sa force et de son talent qui défiera le Portugal de Cristiano Ronaldo en finale. La Furia Roja est morte, vive la Maquina Roja.

    Christopher Buet


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