• L'étourdissante Katie Ledecky

    La joie de Ledecky après son 800 m victorieux

    Kazan-16th-FINA-World-Championships-2015-logo-1024x768A Kazan, Katie Ledecky a réalisé une Grand Chelem inédit dans l’histoire de la nation mondiale ne remportant toutes les courses du 200m au 1 500m. A 18 ans, l’Américaine s’impose comme un phénomène unique, appelé à marquer l’histoire.

    La rage victorieuse d'une géanteLa scène est à peine croyable, d’une violence inouïe et d’une beauté cristalline. L’expression de la volonté d’une championne hors norme, d’une jeune fille animée par le seul désir de nager. « J’aime juste nager…vite. Qu’importe la distance », se plaît-elle à dire dans un sourire. La course était gagnée depuis bien longtemps, depuis cette première longueur à la fin de laquelle elle s’était extraite du peloton, mettant une longueur entre elle et ses poursuivantes. Un monde où ses dernières paraissaient, au mieux, barbotées quand Katie Ledecky, soliste merveilleuse nageait, dansait sur les vagues. Ebahie, la Kazan Arena hallucine lors du dernier virage de l’Américaine. Pourtant loin devant et assurée du titre mondial, elle ne se relâchait pas. Pire, elle accélérait et forçait ses battements de jambes. L’eau bouillonne dans son sillage. Après 750 m d’efforts, Ledecky amorçait un sprint irréel (28’’41 pour sa dernière longueur, ndlr) pour venir toucher en 8’07’’39 et fracasser de plus de 3 secondes son propre record du monde (8’11’’00) ! Se relevant pour voir son temps, Ledecky exultait. Il y avait là de la satisfaction, de la joie et surtout de la rage. Dans une réaction épidermique, la nageuse assénait deux immenses claques à la surface de l’eau et hurlait.

    A 18 ans, elle remportait son deuxième titre mondial consécutif sur « son » 800m au terme d’une démonstration comme on en avait rarement vu, deuxième Lauren Boyle pointait à…10’’27. « Je suis totalement stupéfaite par la performance Katie Ledecky. Je suis sidéré. C’est complètement démentiel. C’est un temps d’hommes. Je n’arrive pas à y croire, quatre seconds plus vite que le record du monde. Nous savions qu’elle était en forme car elle réalisait une semaine incroyable mais je n’aurais imaginé qu’elle aille si vite. C’est fantastique », admire la Britannique Rebecca Addlington, championne olympique du 400 et 800 m en 2008. Il faut dire qu’en Russie, la fille de Bethesda a signifié au monde que son talent ne souffrait aucune limite et que son règne s’annonçait éblouissant.

    Le podium du 800mMa piscine pour de l’or

    Plus que son titre olympique inattendu sur 800m il y a trois ans à Londres ou la réplique de Barcelone en 2013 avec ses quatre couronnes mondiales (400, 800, 1 500 et 4x200), la campagne russe se pose comme un chef d’œuvre. Car avant ce 800m final, Katie Ledecky avait embrasé la piscine de Kazan en survolant le 400m, avant d’atomiser la concurrence sur le 1 500m et surtout de mettre au pas la crème des sprinteuses dans un 200m fabuleux de densité, sans oublier entre temps ce relais 4x200 m parfaitement négocié avec ses copines de l’équipe américaine. Alors oui, elle ne revient qu’avec une breloque en or de plus que du voyage catalan mais cette breloque signifie énormément.

    En venant s’imposer face aux meilleures nageuses du monde sur cette distance qui appartient davantage au sprint qu’à l’endurance, sur cette distance si peu naturelle pour elle, Ledecky a accompli un exploit impensable et est devenu la première (hommes et femmes confondus) à tout remporter du 200 au 1 500 sur une même compétition. « Ils sont très peu, si ce n’est aucun, à pouvoir faire ce que Katie vient juste de réaliser. Personnellement, je n’arrive pas à imaginer », confesse l’autre figure de proue de la sélection américaine Missy Franklin, qui à 20 ans a battu le record de titres mondiaux glanés par une nageuse (11 contre 9 à Ledecky). Avec 5 titres en autant d’épreuves, la protégée de Bruce Gemmell a étiré pour une année supplémentaire son invincibilité au niveau mondial. En effet, depuis Londres, elle a toujours plongé victorieusement que ce soit donc aux Jeux Olympiques (2012), aux Championnats du Monde (2013 et 2015) ou aux Jeux PanPacifics (2014).

    « Sa manière de nager inspire »

    Une longueur d'avance sur le mondeUne domination absolue qui fait l’admiration de tous, à l’image de Frank Bush totalement bouleversé après le record du monde de la jeune femme sur 1 500m. « C’est l’une des impressionnantes courses que j’ai jamais vu, et je suis dans le milieu depuis 50 ans », s’enflammait le responsable de l’équipe américaine. Une course que Ledecky avait bouclé en 15’25’’48 avec près de 15 secondes d’avance sur la Néo-Zélandaise Lauren Boyle, donnant lieu à l’une des images les plus saisissantes de la semaine avec l’Américaine touchant seule à l’écran malgré le plan large. « Pour être honnête, ça m’a semblé assez facile. Moi qui ai beaucoup progressé au niveau des battements de jambes, je les ai même reposées un moment. Je ne m’étais pas levée pour battre ce record mais j’ai été capable de le faire. Je suis un peu sous le choc ! », avait même expliqué incrédule l’intéressée la veille, à l’issue de sa série où elle avait déjà amélioré la référence mondiale.

    Ledecky est intouchableUn temps que seuls 80 hommes ont battu cette saison dans le monde. « C’est l’une des meilleures nageuses longue distance en crawl que j’ai jamais vu. Je me suis entraîné avec dans le Colorado et elle me donnait l’impression que j’étais à l’arrêt. Elle volait littéralement à côté de moi », assume son compatriote et quintuple champion olympique Ryan Lochte qui est d’ailleurs loin d’être le seul homme à trouver des qualités au dauphin de Bethesda. « Elle en veut, elle a faim. C'est bon de la voir continuellement dominer », l’a adoubé l’autre phénomène de la natation américaine Michael Phelps. Le recordman de titres olympiques (18) pense même que celle qui lui est souvent comparé pour sa précocité et sa domination implacable « nage comme un homme ». « Je pense que sa manière de nager inspire toutes les nageuses du monde entier et pas seulement celles qui font de la nage libre. Je pense qu’elle nous montre ce qu’il est possible de faire, en particulier pour les filles. C’est vraiment super de la voir », présente Lauren Boyle.

    « Il faut savoir être ambitieux »

    « Elle a acquis cette certitude que toutes les courses peuvent être nagées dans l’esprit d’un sprint », tempère son coach BruceLedecky élue nageuse de l'année Gemmell qui la façonne au quotidien et voit déjà dans ses virages le prochain chantier de l’adolescente. « Quand j'avais 10, 11 ans, je n'avais aucune idée de ce que je devais faire pour faire partie de l'équipe engagée aux Jeux Olympiques. Il faut juste placer la barre très haut et travailler dur pour l'atteindre. Dans la vie, il faut savoir être ambitieux. Quand vous vous fixez des objectifs, ils doivent paraître irréalisables, ou presque », croit la future étudiante de Stanford, élue meilleure nageuse de l’année par la FINA et qui détient actuellement les records du monde du 400m dont 7 des 19 meilleurs temps jamais réalisés, du 800 m (8 sur 16) et du 1 500m (6 sur 14).

    Une ambition servie par son humilité et son sens du danger. « Vous ne pouvez jamais savoir ce que vos adversaires vont faire. Regardez comment j’ai débarqué en 2012. Je sais qu’il y a toujours quelque part, quelqu’un qui travaille dur et que quelque part une fille de 15 ans qui est prête à venir me déboulonner l’année prochaine », estime-t-elle. « Nous sommes en train de voir l’histoire s’écrire. Profitons-en », suggère Bush. A 18 ans, Katie Ledecky n’est pas une météorite, une championne sortie des eaux saumâtres de l’anonymat pour y replonger aussitôt. Elle est un astre qui s’éveille, une déesse des bassins qui découvre (encore) l’étendue de sa puissance.

    Christopher Buet


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