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Kristina Mladenovic s'invite au festin des quarts
En dominant Ekaterina Makarova en huitième de finale de l’US open, Kristina Mladenovic s’est qualifiée pour son premier quart en Grand Chelem. A 22 ans, elle succède à Marion Bartoli.L’heure est avancée et la nuit est tombée depuis bien longtemps sur new York, pourtant un rayon de soleil vient illuminer le central Arthur Ashe. Cette source de lumière se trouve là, au cœur de la gigantesque arène américaine. Accroupie, la tête entre les mains, sa raquette balancée à plusieurs mètres. A cet instant, plus rien n’existe pour Kristina Mladenovic qui finit par se relever, les poings serrés et le regard plein de fierté tourné vers son clan. Dans la nuit de Flushing Meadows, la Parisienne s’est offert probablement la plus belle victoire de sa carrière, car la plus importante à ce jour. En dominant Ekaterina Makarova, 13ème joueuse mondiale, elle s’est invitée au festin des quarts de finale. Une première pour elle en Grand Chelem et une première tout court pour une Française depuis une certaine Marion Bartoli. « Je n'ai pas de mots pour décrire mes sentiments. Je regardais l'horloge et j'étais là en train de me dire que je ne suis pas habituée à jouer à 1 heure du matin ! Non sérieusement, je ne pensais pas à ça, juste à me battre. Il y avait beaucoup d’émotion à la fin. C’était un très bon match des deux côtés. Signer une telle victoire pour ma première en night session sur le Arthur Ashe, c’est juste beau ! Je ne me souviens même plus ce que j’ai fait à la fin », peinait-elle à réaliser.
A 22 ans, Mladenovic aura eu besoin de 3 sets et 2h12 de combat pour s’en sortir. Siéger parmi les huit dernières joueuses d’un Majeur se mérite ; pourtant, comme l’expliquait Camille Pin sur Eurosport, la jeune fille paraît à sa place. C’est qu’on attend une telle performance de la part de Kristina Mladenovic depuis déjà quelques temps.
Une précoce qui a pris son temps
Si la Française suscite tant d’attentes, c’est qu’elle est une ex-enfant prodige. Repérée très tôt, elle brille dès ses 14 ans en participant à son premier tournoi professionnel à Clermont-Ferrand. En 2009, à 16 ans seulement, Mladenovic pointe sa raquette et sa visière en Grand Chelem. Une année majeure pour elle puisqu’elle triomphe à Roland-Garros en junior, sans perdre le moindre set, avant de se hisser en finale de Wimbledon et de remporter les championnats du monde de la catégorie.
Le passage en professionnel est plus compliqué. Joueuse grande et athlétique (1,84 m pour 60 kg), Mladenovic a les défauts de ses qualités. Si elle est capable d’envoyer des missiles au service à près de 200 km/h, elle doit construire son physique, s’endurcir et modeler son jeu d’attaque, toujours plus difficile à mettre en place, comme le montre l’exemple de l’autre espoir tricolore Caroline Garcia. Pansé les blessures (poignet, genou), il faudra attendre trois ans et sa huitième apparition en Grand Chelem pour la voir gagner un match. Elle poussera jusqu’au 3e tour, déjà à l’US Open avant d’être sortie par Marion Bartoli. Aujourd’hui, « Kiki » est armée d’un jeu très complet et propose une grande variété à l’image de son dernier point contre Makarova où elle gifle en coup droit, glisse une belle amortie avant de passer en revers.
Une famille de sportifs
Sa réussite, Kristina Mladenovic la doit aussi à son entourage. Plus que d’autres, la native de Saint-Pol-sur-Mer a grandit dans un environnement résolument sportif. A commencer par ses parents. En effet, sa mère Dzenita est une ancienne internationale yougoslave de Volley-ball quand son père Dragan a sévi sur les parquets de handball en France (Dunkerque, notamment) et sous le maillot yougoslave. Deux exemples pour la jeune fille qui opte rapidement pour le tennis. De son côté, son petit frère, Luka, n’a pas dénoté dans cette famille de champions puisqu’il est actuellement footballeur au centre de formation de Metz.
Une spécialiste du double
Si Mladenovic entrevoit, enfin, la lumière en simple, elle n’a pas attendu cette année pour démontrer ses qualités à la planète tennis. A 22 ans, elle possède déjà de sérieuses références dans l’exercice du double, particulièrement mixte. Associée à l’expérimenté Canadien Daniel Nestor, aux côtés duquel elle a énormément appris, la tricolore s’est constituée un joli palmarès où figure deux titres du Grand Chelem (Wimbledon 2013 et Open d’Australie 2014, ndlr).
Sans coach depuis février
La situation en aurait effrayée plus d’une, pas elle. Bien au contraire. En difficulté à l’Open d’Australie (1er tour), Mladenovic ne tergiverse pas et se sépare de Nemanja Kontic. Le coach monténégrin est la dernière victime d’une longue liste : Roch Vidal, Georges Goven, Thierry Ascione, Dusan Vemic, Rodolphe Gilbert ou encore Yannick Hesse. Depuis, elle est restée seule et se gère. Une solitude nouvelle qui semble l’avoir libéré. Depuis, la Parisienne multiplie les performances et les bonnes impressions.
Avant de rallier les quarts de finale à New York, elle s’était invitée au 3e tour de Roland-Garros non sans avoir estourbie Eugénie Bouchard, 6ème mondiale à l’époque, avant de renouveler l’expérience à Wimbledon. Une grande scène qui la transcende. « C’est là où j’ai envie d’être. Je vois ce stress positivement. Évidemment quand vous rentrez sur le court avec la lumière et votre nom qui est annoncé, ce serait anormal de ne pas rentrer sans avoir des frissons », confirme « Kikipédia », jamais surpris par l’opposition grâce à son travail en amont.
Nouvelle taulière française
Grâce à son excellent parcours à Flushing Meadows, Kristina Mladenovic va changer de statut. En effet, « Kiki » revêtira le costume de leader du tennis féminin français à la place d’Alizé Cornet. Au pire 26ème mondiale au prochain classement WTA, elle n’entend pas s’arrêter là et sait qu’elle a un coup à jouer en quart de finale face à Roberta Vinci, qualifiée après le forfait de Bouchard. « Je suis très contente et j’espère, peut-être, que ça va devenir une habitude. Je le dis depuis le début du tournoi, toutes les filles jouent bien. Je m’accroche à ça et je vais essayer de préparer au mieux le prochain match pour continuer à rêver… », lance-t-elle. Face à l’expérimentée italienne (32 ans), Mladenovic devra prendre le jeu à son compte et agressée sa rivale. « C’est une joueuse avec beaucoup d’expérience, elle a des titres en Grand Chelem en double. Elle connaît les moments de tension. C’est une joueuse atypique, elle fait beaucoup de slice. Elle est très talentueuse. Elle voit très bien le jeu, je m’attends à un match très difficile », prévient la dernière française encore en lice. Une vigilance qui en dit long sur ses ambitions.
Christopher Buet
Tags : Kristina Mladenovic, US Open, tennis
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