• Le goût du bronze

    Manificat, Gaillard, Duvillard, Perrillat-Boiteux

    Sochi 2014

    Historique, la France monte sur le podium pour la première fois de son histoire dans un relais olympique en décrochant une magnifique médaille de bronze. Les fondeurs tricolores finissent derrière l’intouchable Suède qui s’offre son deuxième titre consécutif juste devant la Russie.

    Ils en avaient marre du chocolat, de cette médaille de consolation dont personne ne souhaite goûter la saveur. Ils en avaient marre de ce goût chocolaté, de ce sentiment de regret, de cette déception chronique. Ils en avaient marre et ils ont tout renversé pour se délecter d'un met qu'une équipe de France de relais en ski de fond n'avait jamais eu la chance de se satisfaire. « C’est fini le chocolat, c’est régime », répétait Robin Duvillard après son relais.

    Ivan Perrillat-Boiteux accueilli en héros par ses coéquipiers

    Fini cette alimentation forcée que les fondeurs tricolores avaient été obligés d’ingurgiter à Turin en 2006 et en 2010 à Vancouver (4e à chaque fois, ndlr). Au Canada, il n’avait manqué que 5 secondes pour se soustraire à cette insoutenable diététique, 5 malheureuses secondes. « On en a chialé et on veut tout faire pour ne pas revivre ça », expliquait avant la course un Maurice Manificat las de ce mal-être. « On n’en a plus envie de cette place », rajoutait-il même. Alors, ils ont tout donné, donné tout ce qu’ils avaient au plus profond d’eux-mêmes pour mériter plus belle récompense et sustenter cette faim qui les tenaillait depuis maintenant 8 ans.

    Aussi, quand Ivan Perrillat-Boiteux apparaissait au fond de la dernière ligne droite, à quelques encablures du Russe Vylegzhanin mais personne dans sa trace, l’ensemble de l’équipe de France comprenait que le calvaire était fini et que le banquet olympique lui ouvrait enfin sa table. Huit ans après Roddy Darragon, la France s’invitait pour la deuxième fois sur le podium des Jeux olympiques en ski de fond, cette fois pour une médaille de bronze. Pas le plus beau métal mais le métal du bonheur, de l’accomplissement. Un métal qu’ils sont allés chercher à 4 au terme d’une course lancée à merveille par Jean-Marc Gaillard 1h30 plus tôt.

    Inébranlable ce Gaillard

    Malgré une chute, Jean-Marc Gaillard a tout donné

    Lui-même le disait, la France ne partait pas favorite et se situait dans un peloton d’outsider en compagnie de nations comme la Finlande ou l’Italie mais derrière la Norvège, la Suède et la Russie. Malgré cette réalité, le sixième du skiathlon de la semaine dernière jouait sa carte à fond. Intelligemment, le doyen de l’équipe se mettait dans le sillage des Russes et des Norvégiens aux avant-postes.

    Mais cette journée devait être spéciale et pour cela receler sa dramaturgie. Bien installé à l’avant, Gaillard s’écroulait sur la piste. Pire, dans l’histoire, il cassait son bâton et était secouru par l’un de ses coaches aux abords de la piste. Dernier, il avait perdu le contact et pensait-on ses illusions. Il n’en était rien car le relais répond à une autre dynamique. « Comme d’habitude, je ne tiens pas debout (rires). En individuel, le mental aurait lâché mais là, je me suis dit qu’il n’y avait pas de péril dans la demeure. Je suis reparti, je voyais que je reprenais des bonhommes. J’ai donné tout ce que j’avais », pointait-il. En effet, loin de se laisser abattre, il fournissait un effort considérable et parvenait à se repositionner à l’avant d’un peloton conduit par le Suédois Nelson. Même s’il fléchissait un peu sur la fin de son relais, il lançait Maurice Manificat en 3e position à seulement 10 secondes du duo Suède-Finlande.

    Le coup du yo-yo

    Maurice Manificat (relais)

    Frais, le leader du fond tricolore, qui avait renoncé au 15 km classique en vue de ce relais, partait vite et rattrapait Richardsson et Niskanen. Un trio que le Suédois allait mener seul durant de nombreuses minutes. Finalement, à l’amorce de la seconde boucle de ce second passage de relais, Manificat passait devant quand le Finlandais, lui, continuait de se cacher. Derrière ce trio, un groupe de poursuivants, mené par la Russie, s’était constitué à une vingtaine de secondes.

    Reposé par la prise de relais du tricolore, Richardsson reprenait les commandes et plaçait une petite accélération. Insuffisant pour semer Niskanen mais assez pour décramponner un Manificat dont le visage trahissait la souffrance. « J’ai fait un bon retour, il a fallu combler le trou. Après dans le dernier tour, j’ai eu un coup de moins bien », reconnaissait-il. Décrocher, il était même rattrapé par le vétéran tchèque Lukas Bauer et terminait avec lui à 20’’ de la tête. Distancé, revenu puis distancé, Manificat avait joué au yo-yo mais maintenu la France au contact et dans la course à la médaille. Derrière la Russie et l’Italie naviguait à 41’’ du leader quand la Norvège accusait déjà 1’ de retard.

    Duvillard limite la casse

    Pour sa première course à Sochi, l’Isérois ne se laissait pas impressionner par l’envergure de l’événement. Tout de suite dans les skis du Tchèque Jaks, il prenait ses responsabilités et assurait la poursuite. Devant Olsson accélérait pour la Suède et décramponnait (enfin) la sangsue finlandaise. Mais si la Suède prenait ses aises à l’avant, en amont, un regroupement inattendu s’effectuait. Parti très loin, Sundby faisait un travail monstrueux pour ramener la Norvège dans la course et opérait la jonction avec le groupe russo-italien que Legkov avait lui-même rapprocher de Duvillard et Jaks qui venait, de leur côté, de ramasser un Lehtonen à la dérive.

    Une autre course commençait d’autant que Legkov ne temporisait pas. Poussé par son public, le Russe, absent du 15 km classique, en remettait une couche. Une offensive à laquelle seul Duvillard parvenait à répondre. Visiblement touché par les efforts qu’il avait consentis, Sundby perdait le contact comme tous les autres. Et c’est donc en 3e position à 18’’ de la Suède et 4 de la Russie que Duvillard lançait le dernier relayeur tricolore, Ivan Perrillat-Boiteux.

    « Un immense bonheur »

    Hellner triomphe avec la Suède

    Jamais la France ne s’était retrouvé dans une telle situation en relais, si proche de ce podium, cette table où ne peuvent s’asseoir que les médaillés olympiques. L’enjeu était de taille pour le Haut-Savoyard. Mais il était écrit que ce relais était parti pour réussir quelque chose de grand. A 3 kilomètres du but, le fondeur français revenait à la hauteur de Vylegzhanin et se portait sur sa droite comme pour lui montrer qu’il allait devoir batailler. La bataille n’aura finalement pas lieu, le Russe profitant de la descente pour prendre quelques mètres d’avance. Qu’importe, derrière l’Italie était trop loin pour rentrer sur la France.

    Pendant que Marcus Hellner se saisissait d’un drapeau suédois et l’agitait dans le stade pour fêter le second titre olympique consécutif de son pays après celui de Vancouver en 2010 et surtout la seconde victoire de la Suède en ski de fond après le récital des filles la veille, Perrillat-Boiteux déboulait juste derrière le Vylegzhanin. Alors que le Russe assurait l’argent sous les yeux de Vladimir Poutine et d’un public en extase, le Français venait s’effondrer derrière la ligne d’arrivée avant d’être assailli par ses partenaires. Quatrième à Turin et Vancouver, le relais français vainquait la malédiction et rompait avec son indigeste et frustrant régime chocolaté, juste devant la Norvège, septuple championne du monde en titre. « C’est une course de fou. Hier soir, on s’était dit qu’il n’y avait que le podium qui comptait. On était remonté comme des pendules. Ca fait tellement longtemps qu’on l’attend », n’y croit pas Jean-Marc Gaillard qui était des relais déçus en 2006 et 2010. « Le par équipe, on se transcende. C’est quelque chose de particulier. On a bien vu que la Norvège était dans le dur donc, c’était vraiment l’occasion. Je suis vidé. C’est un immense bonheur », s’enflammait de son côté Maurice Manificat. De son côté, Robin Duvillard parlait de « la plus belle journée du relais français. » Un doux euphémisme. Au lendemain de la 4e place des filles, les garçons s’invitaient sur le podium olympique. Ce soir, Roddy Darragon n’est plus le seul fondeur français médaillé olympique, ils sont à présent 5. Cinq gourmands qui n’ont pas fini de continuer à croquer sur le fond.

    Les relayeurs bronzés et le staff du fond tricolore
    Christopher Buet

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