• Ah...la folie Augusta

    La veste verte

    Sur le légendaire parcours américain et au terme d’une dernière journée ébouriffante, Adam Scott est devenu le premier Australien à remporter le prestigieux Masters.

    D’aucuns diront que se retrouver en pleine nuit pour regarder une épreuve sportive se déroulant à l’autre bout de la planète, s’apparente à de la folie. Ceux qui assènent cette vérité n’ont en réalité rien compris, ou peut-être tout compris, allez savoir. C’est au cœur de cette partie de la journée où le soleil a cessé d’irradier pour faire jour à la Lune que s’exprime parfois le plus doux des amours, la plus incompréhensible des folies. Une folie qui s’empare de vous et vous enjoint à observer éberlué le spectacle qui vous est proposé.

    Adam Scott au 18

    En ce dimanche, il est presque minuit quand apparaît sur l’écran le Masters d’Augusta, ses greens soignés, ses cours d’eau, son pont et ses arbres. Du golf, de surcroît en pleine nuit. On zappe. Oui mais non. Pas cette fois. Cette fois, bizarrement, vous posez la télécommande et demeurez assis dans votre canapé, attentif, réceptif. Est-ce la pluie qui ravage Augusta, le contexte, les suites d’un bon week-end, qu’importe ; le pourquoi du comment vous échappe mais vous voilà embarqué dans cette dernière journée du premier Majeur de golf de la saison. Vous suivez un coup, puis un deuxième et soudain comme hypnotisé par une gestuelle ritualisée et un parcours sublime, vous vous prenez de tout regarder. Vous n’y connaissez rien mais vous vous découvrez une passion (momentanée) pour un sport qui pourtant n’a rien de glamour ou d’attirant. Il faut dire que le golf n’est pas que le divertissement favori du dimanche des nantis, il s’avère un spectacle haletant où tout peut basculer en l’espace d’une seconde. Une balle trop longue, trop courte, légèrement décentrée, un arbre, un mauvais choix de club, une bosse piégeuse ou un bunker poreux et tout bascule. D’une grande sérénité depuis le début de la semaine, Jason Day peut en témoigner. Après une matinée plutôt timide malgré quelques beaux coups comme celui au trou n°2, l’Australien enchaîna trois birdies consécutifs pour pointer seul en tête à 4 trous du terme (-9). Puis soudain la tension le rattrapa et pour quelques centimètres, il concédait deux bogeys sur les deux trous suivants. Sa chance venait de passer et sa belle semaine de s’écrouler. Car dans le même temps, à une dizaine de mètres en amont son compatriote Adam Scott assistait à la scène et allait en profiter, au même titre qu’Angel Cabrera.

    Un duel pluvieux

    Day out, Scott était le premier à se mettre en évidence. Servi par l’expérimenté caddie qui accompagna durant de nombreuses saisons Tiger Woods (ndlr : en quête de renaissance en majeur, le Tigre a fini 5ème), l’Australien, sourire en coin, ne commettait pas la moindre erreur et déjouait sans coup férir les pièges d’un final sournois. Vînt alors le trou n°18, l’ultime trou d’une semaine interminable, un trou pour se parer de la mythique veste verte qui récompense le vainqueur du Masters. Sa mise en jeu était belle en plein milieu du fairway. Idéalement placé, le 6ème joueur mondial parvenait à toucher le green mais voyait sa balle s’arrêter sur la droite du drapeau, légèrement excentrée, engloutie par une pelouse gorgée d’eau. Un put guère évident du fait de l’enjeu et de la topographie finale. Avec son putter atypique, Adam Scott ne tremblait pas. Tout en finesse, il expédiait la balle dans le trou et laissait éclater sa joie. Tranchant avec le calme apaisant du somptueux parcours de l’Etat de Géorgie, le joueur de 32 ans hurlait et embrasait une foule frigorifiée par une pluie battante. Une attitude peu commune pour un Australien plus habitué à la placide expression qu’aux effusions outrancières, traduisant la tension attenante à l’évènement. Une explosion qui saluait un magnifique birdie lui permettant de s’emparer seul de la tête du tournoi et de mettre la pression sur Angel Cabrera.

    Adam Scott et Angel Cabrera en play-off

    En tête avec Scott avant ce trou, le vétéran Argentin n’avait rien manqué du festival aussie et savait ce qu’il lui restait à faire : imiter son cadet. Le vainqueur du tournoi d’Argentine en décembre dernier ne vacillait pas et réalisait une approche absolument parfaite. Birdie également. N’en déplaise à Adam Scott, et comme l’année passée, il allait falloir en passer par les play-offs pour savoir qui aurait l’honneur de revêtir l’iconique habit vert. Sous un ciel plombé et entre les gouttes, les deux hommes allaient se livrer un duel épique. De retour sur le trou n°18 qu’il venait de dompter, ils firent preuve d’une extrême fébrilité. En quelques minutes, les clubs de chacun s’étaient alourdis du poids des attentes et leurs bras ankylosés faillirent. Dans un étrange ballet symétrique, Scott et Cabrera se marquaient et jouaient court. Le second passait même tout proche de la victoire mais sa balle tutoyait le trou, l’effleurait mais n’y tombait pas et devait se contenter du par au même titre que son adversaire. Le 18 franchi, c’était au tour du 10 de tenter de faire la décision. Déjà en 2012, ce fut sur ses pentes que Bubba Watson gratifia le public et l’histoire d’un coup 

    Cabrera rate son ultime putt

    d’anthologie pour sortir du bois où on le croyait condamner et s’assurer la victoire. A nouveau, les deux golfeurs se suivaient sur le fairway et atteignaient dans un deuxième temps le green. Ce fut à cet instant que leurs trajectoires se dissocièrent. Cabrera était le premier au putting. Sa balle embrassait la pente sur la droite et se rabattait vers l’objectif. Rien ne semblait pouvoir avorter sa course. Mais le golf est un sport capricieux. Alors que toute l’assistance croyait au birdie, la balle de l’Argentin s’arrêtait nette à moins d’un centimètre du trou. Stupéfaction générale et put de match pour Adam Scott. Comme à son habitude, ce dernier prenait le temps d’étudier le green et échangeait avec son caddie. Sa casquette vissée sur la tête, il s’approchait de sa balle et réussissait son coup.

    Malheureux lors du dernier British Open, Adam Scott levait (enfin) les bras au ciel au terme d’un affrontement épique disputé sous une pluie battante. Ainsi en désarçonnant le revenant argentin et la concurrence, il remportait son premier Majeur, sorte d’éloge de la patience pour un joueur talentueux longtemps critiqué en raison de son incapacité à conclure, et entrait dans l’histoire comme étant le premier Australien à triompher sur le mythique parcours d’Augusta et donc comme le premier Aussie à enfiler la veste verte du champion, dans un cérémonial surréaliste teinté d’une pluie de satisfaction et de soulagement.

    Adam Scott exulte

    Il est près de 1h40 du matin (heure française) et l’histoire vient de s’écrire au cœur des vertes collines de Géorgie. D’aucuns diront qu’il s’agissait d’une folie de suivre cet évènement et ils auront raison. Mais cette folie nocturne ne valait-elle pas toutes ses émotions et plus encore ?

    Christopher Buet


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