• Angélique, marquise de Melbourne

    Kerber embrasse le trophée de l'abnégation

    Open d'Australie logoAu terme d’une finale disputée, Angélique Kerber a créé la surprise en venant à bout de la tenante du titre et n°1 mondiale Serena Williams. A 28 ans, elle devient la seconde allemande à gagner à l’Open d’Australie  après Steffi Graf, en 1994.

    Ce n’était pas censé se passer ainsi. Tout cela ne devait pas finir ainsi. Cette Rod Laver Arena devait être le théâtre d’un nouveau chapitre de sa légende, pas le cimetière de ses ambitions, ce lieu de souffrance et d’agonie. Et pourtant. Sur une dernière charge furieuse vers l’avant, Serena Williams venait chercher un sursis, le droit de continuer à y croire dans une énième résurgence de son talent mais la voie du filet ne pouvait être son salut. Dans un nouvel effort, à quelques centimètres de sa ligne de fond, à laquelle elle s’était si longtemps arrimée, Angélique Kerber renvoyait l’attaque profonde de son adversaire, l’obligeant à volleyer pour conclure le point. L’Américaine était bien sur la trajectoire mais son geste n’était pas assuré. Comme plus tôt dans la rencontre, sa volée manquait de tenue et la balle lui échappait s’envolant au loin, par-delà les limites du court.

    Kerber l'a faitC’en était fini. Là, les yeux rivés sur cette balle venue mourir faute, Angélique Kerber comprit et s’effondra sur le court, incrédule. Du haut de ses 28 ans, la native de Brême venait de réaliser ce que personne n’avait osé imaginer, ce qu’aucune joueuse n’était parvenu à faire jusqu’alors, elle venait de terrasser la n°1 mondiale en finale de l’Open d’Australie. Plus que l’adversaire, Angélique Kerber s’invitait aux côtés des grandes, celles qui un jour ont inscrit leur nom au palmarès du Grand Chelem, 17 ans après Steffi Graf, la dernière allemande victorieuse en Majeur (Roland-Garros 1999, ndlr). « Quelle quinzaine de folie ! J’ai essayé de rester relax jusqu’au dernier point (…) Quand elle a sorti cette dernière volée, j’étais tellement heureuse », n’en revenait pas la nouvelle championne. Une championne qui n’a assurément pas volée sa victoire tant elle aura su être à la hauteur de l’évènement.

    Comme pétrifiée

    Serena n'y arrive pasLe soleil avait déjà entamé depuis longtemps sa lente descente à l’ouest et la nuit enveloppait doucement Melbourne lorsque les deux protagonistes pénétraient sur le court bleuté de la Rod Laver Arena. Rien ne laissait alors présager de ce qui allait suivre et les quelques 15 000 personnes présentent dans l’enceinte ne craignaient qu’une chose : un match à sens unique, un cavalier seul d’une Serena Williams invaincue en 6 finales disputées à Melbourne face à une Angélique Kerber impressionnée par sa première apparition à ce stade de la compétition.

    Que nenni. Etonnamment, ce n’était d’ailleurs pas la 6ème joueuse mondiale qui montrait les premiers signes de stress mais bien la tenante du titre. « J’étais nerveuse avant le match. Mais une fois que la finale avait commencé, c’était tellement intense du début à la fin, que je n’avais pas le temps de l’être », reconnaissait-elle. Elle avait beau s’en défendre, quelque chose n’allait pas chez elle. Une tension inhabituelle qui enserrait son bras et tétanisait ses jambes. Après avoir encaissé un sublime contre de revers court croisé de l’Allemande, Serena commettait deux grosses fautes et offrait son service dès le 3ème jeu du match. Deux erreurs qui ne manquaient pas de la réveiller. Hurlant sa hargne comme pour extérioriser toute cette tension qui l’étreignait de l’intérieur, la cadette des sœurs Williams enfonça sa rivale à coup de retours surpuissants et revint à hauteur (3-3). Un effort vain puisqu’elle cédait de second son engagement sur deux nouvelles attaques mal maîtrisées. Arc boutée en défense et jouant avec beaucoup de justesse pour remettre sans cesse la balle en jeu, Kerber profitait du torrent de fautes directes d’une Serena sans rythme et trop rarement intense (23 dans le set, ndlr) pour s’adjuger à la surprise générale la 1ère manche de cette finale.

    Serena se ressaisit

    Pour la première fois depuis 2005 et la finale de l’Open d’Australie (déjà), Serena Williams se retrouvait menée une manche à rien. Une situation que la meilleure joueuse du monde se devait de corriger au plus vite. Ce fut chose faite quand elle parvint à se calmer et à retrouver son relâchement. Moins généreuse (5 fautes directes, ndlr) et plus impliquée, elle serra le jeu. Suffisant pour surprendre une Kerber qui baissa de rythme au cœur du set. Après une vilaine double faute, l’Allemande donnait 3 balles de break à son adversaire. Si elle écarta les deux premières avec aplomb, elle fut impuissante sur la dernière et laissait s’échapper Serena. Sans trembler et malgré la vaillante résistance allemande, la protégée de Patrick Mouratoglou recollait sur une nouvelle accélération de revers long de ligne (6-3, 16ème coups gagnant du set, ndlr) et s’autorisait à continuer de rêver d’égaler Steffi Graf et ses 22 titres en Grand Chelem, d’autant que jamais elle n’avait perdu en finale lorsqu’il fallut en passer par un 3e set décisif.

    Kerber donne tout en défensePour Kerber, le plus dur commençait sans toutefois l’effrayer. Bien dans son match, elle ne dévia pas de sa ligne de conduite et poursuivit sur sa lancée. Aussi, elle breaka blanc d’entrée son illustre opposante, coupable d’une nouvelle bourde à la volée, comme pour lui signifier que rien ne serait simple dans ce dernier acte. Une embellie de courte durée puisque Serena revint immédiatement. L’intensité s’était élevée en même temps que la qualité des débats entre deux joueuses enfin entrées ensemble dans cette finale. Le sixième jeu en constituerait le pinacle. Dix minutes d’apnée et de superbe tennis. Kerber refusait de craquer sous les coups répétés de son adversaire et répondait par son abnégation et une bonne dose d’audace. « Elle a réalisé deux excellentes amorties ! C’était complètement inattendu car elle n’en avait pas fait jusqu’à ce moment-là ! Je n’ai pas pu les remettre », applaudissait la n°1 mondiale. « Le jeu était si long que j’ai voulu tenter quelque chose d’inattendu », complétait Kerber qui finissait sur sa 5ème opportunité du jeu par faire craquer Williams (4-2). Devant un public transit, celle qui n’avait jamais fait mieux qu’une demi-finale en Grand Chelem se voyait l’occasion de remporter la plus belle victoire de sa carrière. Encore fallait-il réussir à conclure sur son service. Rattrapée par l’enjeu, elle était impuissante face au sursaut d’orgueil de la championne refusant la défaite. Un ultime sursaut avant l’effondrement et cette volée bazardée. « Je ne suis pas un robot. J’ai donné mon maximum. J’essaie de gagner tous mes matches mais je sais que je ne peux pas », concédait Serena.

     L'ombre de Serena« J’ai vraiment bien joué au premier set, elle a ensuite mieux servi au deuxième et puis, dans la dernière manche, c’était tout le temps serré. Avec notamment ce jeu à 3-2 qui a dû durer quelque chose comme dix minutes ! A 5-2 pour moi au troisième, je savais bien que ce n’était pas terminé. Quand Serena est revenue à 5-4, je me suis dit : "Tu l’as déjà breakée, tu peux le refaire" », relait fièrement Kerber qui se savait revenu de loin après avoir sauvé une balle de match au 1er tour. « Je pense que j’avais moins de pression qu’elle, oui, mais je tenais absolument à montrer que je savais jouer, que je pouvais la battre. Je voulais profiter de chaque seconde. » Face à la meilleure joueuse du siècle et devant le public conquis de la Rod Laver Arena, la nouvelle n°2 mondiale a montré qu’elle avait l’étoffe d’une championne qui n’avait pas volé sa coupe Daphné-Akhurst. Melbourne attendait le prolongement du règne de sa souveraine américaine, au lieu de cela, elle aura gagné une marquise, heureuse et déterminée.

    La photo de famille de 2016

    Christopher Buet


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