• L'appétit d'une géante

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    L’appétit d’une géanteAu bout d’une deuxième manche de haute volée, Mikaela Shiffrin a croqué le premier titre olympique de sa carrière en Géant. Elle devance la Norvégienne Ragnhild Mowinckel et l’Italienne Federica Brignonne. Tessa Worley n’est que 7ème.

    L’appétit d’une géanteMikaela Shiffrin n’avait pas quitté l’aire d’arrivée, attendant patiemment le passage de Manuela Moelgg, meilleur temps de la première manche. Moins rapide, l’Italienne coupait la ligne avec plus d’une seconde de débours sur l’Américaine. Soudain, cette dernière s’effondrait. Pas de cri de joie ou de course effrénée, Shiffrin ne tenait plus sur ses jambes. Sur la neige irradiant sous un ciel d’azur, elle n’arrivait plus qu’à pleurer, hoquetant la tête entre les genoux comme une enfant ravagée par l’émotion. À 22 ans, Mikaela Shiffrin, elle l’impératrice du slalom, venait subitement d’étendre son empire avec la conquête autoritaire du territoire du Géant. « Je commence tout juste à trouver une connexion avec le géant cette année, et c'est génial parce que ça a marché aujourd'hui. Jusqu’à présent, il y avait toujours une fille meilleure que moi », glissait-elle presque étonnée par sa réussite. Une réussite qu’elle est pourtant allée chercher et qu’elle a mérité au bout d’une journée parfaite.

    Worley passe au travers

    L’appétit d’une géanteCar petit miracle, au réveil, le ciel de Corée était dégagé et le vent qui avait obligé au report du géant et du slalom dames, ainsi que de la descente hommes, s’était calmé. « La nuit dernière, je me demandais : "Va-t-on courir un jour ?" Aujourd’hui, c’était équitable, ce qui est très, très important surtout aux Jeux Olympiques. Les conditions étaient excellentes, le temps très beau et c’était un plaisir de courir aujourd’hui », appréciait Shiffrin. Comme toutes les filles, la native de Vail trépignait d’impatience à l’idée d’enfin lancer ses Jeux Olympiques et d’évacuer la tension accumulée sur la piste. Une entrée qui ne fut guère évidente. Dessiné par le technicien italien, le tracé de la première manche se révélait piégeux avec peu de rythme et un bas de parcours cassant. « Le haut du parcours est un peu trompeur. Ça semble parfait et au milieu, il y avait des petits mouvements de terrain qu’on avait du mal à voir notamment quand il y avait moins de lumière », nota Shiffrin. Pas de quoi l’effrayer. Partie en 7ème position, elle fit mieux qu’assurer son passage et prenait la deuxième place en embuscade à 20 centièmes de l’impeccable Manueal Moelgg, là où ses rivales Rebensburg (+0’’87) et Worley (+1’’44) avaient craqué. « Je pense que tout le monde a livré une première manche assez prudente. Ça n’était pas représentatif de ce que chacune était capable de faire. La deuxième manche sera une nouvelle course », prévenait l’Américaine à l’issue du premier acte.

    Une seconde manche parfaite

    L’appétit d’une géanteDes propos plein de retenue synonyme d’un esprit à l’affût. Leader du classement général de la Coupe du monde, Mikaela Shiffrin ne laisse rien au hasard et sait trop bien qu’une médaille ne tient qu’à un fil et plus encore une victoire dans une discipline dont elle ne maîtrise pas encore parfaitement les codes. « J’ai bien skié. J’ai retrouvé des sensations de mes entraînements mais je sentais aussi que je pouvais en mettre plus. Il faut se lâcher dans la seconde manche. Ce qui est bien avec les Jeux Olympiques, c’est que vous devez tout donner. J’ai hâte de voir ce que je peux faire », poursuivait-elle. Déterminée, elle se jetait dans la pente rectiligne avec sa férocité et son engagement habituel. Vive, précise, elle enroulait les portes avec brio et venait fracasser la ligne d’arrivée non sans une petite frayeur à quelques hectomètres du but. Malgré 39 centièmes d’avance sur la surprenante Mowinckel (première Norvégienne médaillée olympique en ski alpin depuis 1936, ndlr), point d’exultation chez l’Américaine, juste une forme de soulagement d’être parvenue si vite en bas avec l’assurance d’une médaille d’argent au minimum, comme à Saint-Moritz l’an dernier (devancée par Tessa Worley, ndlr).

    L’appétit d’une géanteMais l’histoire suisse ne pouvait être celle de Pyeongchang. La Française n’était plus là pour lui faire barrage malgré un baroud d’honneur dans le second acte. « Je suis triste, je suis hyper déçue. Un scénario comme ça qui arrive ce jour-là, c'est tellement dommage. Je passe à côté d'un rêve (…) je n'ai pas fait ce qu'il fallait, donc je ne méritais pas non plus d'y être aujourd'hui », regrettait la Bornandine, tenante du globe de cristal de la spécialité.

    Rebensburg : « Elle a skié brillamment » 

    L’appétit d’une géanteCe rêve était celui d’une autre. Celui d’une jeune femme aussi acharnée que talentueuse. « Elle a skié brillamment. C’est pour ça qu’elle mérite sa victoire », reconnaissait l’Allemande Viktoria Rebensburg (4ème, +0"58). « Je suis époustouflée par sa victoire aujourd’hui. Je suis si fière d’elle », appréciait Eileen, la mère de Mikaela qui l’accompagne partout sur le circuit. « Par moments, j’ai pensé : "suis-je assez bonne pour y arriver ? » et à d’autres je me disais : "Qu’importe. Comme tu es là, tu te dois d’essayer". C’est un sentiment indescriptible de savoir que le meilleur que je puisse donner est suffisant », confessait modestement Shiffrin, n’oubliant pas ce mois de janvier compliqué et ses 5 dernières sorties (dont 2 géants) où elle ne fit pas mieux qu’une 7ème place. Un mois de disette, une hérésie pour une championne si insatiable (41 succès en Coupe du monde, ndlr).

    L’appétit d’une géante« C’est incroyable. Je suis si heureuse », s’enthousiasmait-elle. Sous le soleil de la Corée du Sud, sur la piste de Yongyeon, Mikaela Shiffrin avait finit par se relever et sourire. Elle venait de rejoindre Andrea Mead-Lawrence et Ted Ligety, seuls américains à avoir décrocher deux médailles d’or aux Jeux Olympiques en ski alpin. Suffisant pour des JO réussis ? Pas pour la conquérante du Colorado lancée dans sa folle cavalcade olympique où se profile déjà le slalom, demain. Son domaine depuis 2013 et théâtre de sa naissance devant les anneaux, un soir de février 2014 à Sochi.

    L’appétit d’une géante

    Christopher Buet


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