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Au terme d’une finale magnifique d’intensité et de qualité, Novak Djokovic a mis à bas l’offensive flamboyante de Roger Federer. Un succès en 4 manches et 3h20 de jeu qui offre au Serbe sa 10ème couronne en Grand Chelem.
Soudain, le ciel s’est éclairci, les nuages gris et morose qui plombaient New York se sont morcelés laissant apparaître un peu de lumière et l’espoir. En maîtresse capricieuse, la pluie s’était invitée en ce dernier dimanche et avait décidé de se mêler à la fête. Pas une petite apparition, un long monologue où elle s’amusa à doucher l’enthousiasme, s’arrêtant à deux reprises pour mieux reprendre. L’US Open ne serait pas ce qu’il est sans cette invitée facétieuse, qui avait compris qu’elle n’aurait bientôt plus voix aux débats, expulsée par ce toit qui couvrira le monumental Arthur-Ashe d’ici l’année prochaine. Un déluge comme pour faire monter la pression, créer cette tension qui sied tant à l’événement. Derrière ce rideau de pluie grisâtre, à l’abri des regards, Roger Federer et Novak Djokovic attendait patiemment leur heure. Trois interminables heures plus tard que prévu, aux portes de la night session (19h15 heure locale, 1h15 en France, ndlr), les deux hommes étaient enfin appelés et pénétraient sur le court, enceinte titanesque grondant son plaisir d’enfin assister à cette finale de rêve. Le grand spectacle pouvait débuter.
Nombre de joueurs auraient été décontenancés par tant d’attente, se seraient torturés l’esprit cédant à la pression, à cet enjeu supérieur à une simple victoire dans un match de tennis. Sauf que le Serbe et le Suisse appartiennent à une race bien particulière. Ils sont des Seigneurs que rien n’ébranle et jouent selon leurs propres règles. Aussi, il ne fut pas étonnant de les voir démarrer avec tant d’intensité. Si Djokovic avait la mine plus badine, mais concentrée, Federer portait le masque de l’impavide, froid de détermination et d’envie. Comme à son habitude, il entreprenait d’attaquer fort pour priver son adversaire de temps mais le natif de Belgrade n’est pas comme les autres et possède cette faculté à voir tout un peu plus vite.
Surtout, en 41 affrontements, Djokovic a appris à connaître le Bâlois. Contre toute attente, les premiers jeux voyaient le Serbe prendre l’initiative en premier. Collant à la balle, il distribuait le jeu et se procurait 3 balles de break, toutes effacées par le Suisse. Le ton était donné d’autant que quelques instant plus tard à 1-1, il s’emparait du service de Federer, ce que seul Kolschreiber était parvenu à faire dans ce tournoi. Le Serbe déroulait jusqu’à cette chute. Sur un changement de direction, sa jambe droite dérapait et le propulsait au sol. Deux jeux de flottement allaient suivre pour un n°1 mondial éraflé au poignet, au coude et au genou, permettant à son dauphin de recoller. Djokovic faisait alors appel au médecin pour stopper le sang qui ruisselait sur son bars tuméfié. L’effet était immédiat. Faisant jouer toujours un coup de plus à son rival, il finissait par le faire craquer et s’adjugeait logiquement ce premier acte (6-4).
Pour la première fois depuis Wimbledon, déjà contre Djokovic, tiens donc, Roger Federer laissait filer un set. Pas vraiment de bonne augure quand on sait que seul un joueur à remporté l’US Open après avoir concédé la première manche au cours des 20 dernières années. Ce joueur (Juan Martin Del Potro), le Bâlois le connait d’ailleurs très bien puisqu’il en avait fait les frais lors de la finale 2009, sa dernière ici avant ce dimanche.
Qu’importe les chiffres, le quintuple vainqueur de l’US Open (2004-2008) sait les impératifs de ce genre d’événement. Après un jeu de service rudement gagné, il sautait à la gorge du n°1 mondial. Bien en jambe, il sentait parfaitement la balle et montrait l’étendue de ses progrès en revers soutenant parfaitement la diagonale. Agressant sans cesse, il se procurait 3 balles de break, effacées, puis deux nouvelles, effacées aussi avant de devoir s’incliner devant la sublime défense serbe et ses retours démoniaques. Ce n’était que partie remise. Le Bâlois était plus saignant dans ce deuxième acte bien aidé par une première balle plus consistante (68% contre 53 dans le 1er, 64% sur le match) et aurait du faire la décision au cours de ce 10ème jeu interminable. Après un quart d’heure de haute lutte, Djokovic s’en sortait pour mieux rompre dans la foulée (7-5).
Les occasions manquées de Federer
Ragaillardi par le gain de cette manche, Federer se faisait de plus en plus pressant. Solide en revers, il prenait le dessus dans le jeu et dictait sa loi. Problème, cet ascendant que tout le monde percevait ne se traduisait pas au score. Pire Djokovic breakait en premier. Le n°2 mondial revenait immédiatement à hauteur et se montrait le plus entreprenant. Dans un concert de frappes toutes plus proches les unes que les autres des lignes, il était proche de réussir son coup. Tout se joua à 4-3 en sa faveur. « C’est décevant, j'ai eu des chances "dans ma raquette" et je n'aurais jamais dû être mené au score comme ça a été le cas. Le troisième et le quatrième set ont pesé. J'ai eu trois de chances de breaker. Sur certaines j'aurais pu faire mieux... C'est sûr qu'il ne donne pas beaucoup de choses sur le court mais j'aurais dû faire mieux », s’en voulait Federer en référence à cet échange sur balle de set où il ne s’engage pas complètement et permet à Djokovic de rester dans le match. A force d’occasions manquées (4 balles de break converties sur 23, ndlr), le Suisse se faisait punir (6-4).
« Je vais me souvenir très longtemps de cette soirée »
Ce nouvel échec accabla le lauréat de Cincinnati qui dégoupilla abandonnant deux fois son engagement. Mené 2-5, il se relâcha et tenta un dernier baroud d’honneur. Le public tout acquis à sa cause, se prenait à espérer quand il se procura deux balles de 5-5 après un passing de revers monumental. Une illusion. Sans jamais s’affoler, Novak Djokovic prouvait, une fois de plus, pourquoi il était bien le meilleur joueur du monde et alignait 4 points de rang. Une ultime faute en retour de Federer abaissait le rideau et offrait au Serbe son 2nd US Open après celui décroché au bout du combat homérique de 2011.
Devant une foule hostile et hébétée, Novak Djokovic se tournait vers son clan, le regard fixe, son doigt pointé vers le cœur. Une image forte disant toute la fierté de l’exploit du jour. « Gagner contre un de mes plus grands rivaux, Roger Federer, le recordman de victoires en Grand Chelem, quelqu’un qui vous pousse jusqu’au dernier, reste très spécial. Je remercie toute mon équipe pour me permettre d’être performant comme je le fais. Je vais me souvenir très longtemps de cette soirée », savourait l’égal de Bill Tilden avec 10 titres Majeurs. Car plus qu'un nouveau Grand Chelem, le Serbe a impressionné par la qualité de son jeu, la profondeur et la précision de ses retours, sa capacité à gérer un environnement hostile et à renverser un joueur aussi talentueux que ce Federer offensif. On l'en savait capable, il l'a prouvé à maintes reprises déjà mais le rappeller sans cesse est un mérite. Sacré à l’Open d’Australie et à Wimbeldon, finaliste à Roland-Garros, le n°1 mondial règne sans partage sur le tennis mondial au point de parvenir comme son aîné helvète à banaliser le prodigieux par sa régularité au sommet. A 28 ans, son emprise est totale.
Christopher Buet
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En dominant Ekaterina Makarova en huitième de finale de l’US open, Kristina Mladenovic s’est qualifiée pour son premier quart en Grand Chelem. A 22 ans, elle succède à Marion Bartoli.
L’heure est avancée et la nuit est tombée depuis bien longtemps sur new York, pourtant un rayon de soleil vient illuminer le central Arthur Ashe. Cette source de lumière se trouve là, au cœur de la gigantesque arène américaine. Accroupie, la tête entre les mains, sa raquette balancée à plusieurs mètres. A cet instant, plus rien n’existe pour Kristina Mladenovic qui finit par se relever, les poings serrés et le regard plein de fierté tourné vers son clan. Dans la nuit de Flushing Meadows, la Parisienne s’est offert probablement la plus belle victoire de sa carrière, car la plus importante à ce jour. En dominant Ekaterina Makarova, 13ème joueuse mondiale, elle s’est invitée au festin des quarts de finale. Une première pour elle en Grand Chelem et une première tout court pour une Française depuis une certaine Marion Bartoli. « Je n'ai pas de mots pour décrire mes sentiments. Je regardais l'horloge et j'étais là en train de me dire que je ne suis pas habituée à jouer à 1 heure du matin ! Non sérieusement, je ne pensais pas à ça, juste à me battre. Il y avait beaucoup d’émotion à la fin. C’était un très bon match des deux côtés. Signer une telle victoire pour ma première en night session sur le Arthur Ashe, c’est juste beau ! Je ne me souviens même plus ce que j’ai fait à la fin », peinait-elle à réaliser.
A 22 ans, Mladenovic aura eu besoin de 3 sets et 2h12 de combat pour s’en sortir. Siéger parmi les huit dernières joueuses d’un Majeur se mérite ; pourtant, comme l’expliquait Camille Pin sur Eurosport, la jeune fille paraît à sa place. C’est qu’on attend une telle performance de la part de Kristina Mladenovic depuis déjà quelques temps.
Une précoce qui a pris son temps
Si la Française suscite tant d’attentes, c’est qu’elle est une ex-enfant prodige. Repérée très tôt, elle brille dès ses 14 ans en participant à son premier tournoi professionnel à Clermont-Ferrand. En 2009, à 16 ans seulement, Mladenovic pointe sa raquette et sa visière en Grand Chelem. Une année majeure pour elle puisqu’elle triomphe à Roland-Garros en junior, sans perdre le moindre set, avant de se hisser en finale de Wimbledon et de remporter les championnats du monde de la catégorie.
Le passage en professionnel est plus compliqué. Joueuse grande et athlétique (1,84 m pour 60 kg), Mladenovic a les défauts de ses qualités. Si elle est capable d’envoyer des missiles au service à près de 200 km/h, elle doit construire son physique, s’endurcir et modeler son jeu d’attaque, toujours plus difficile à mettre en place, comme le montre l’exemple de l’autre espoir tricolore Caroline Garcia. Pansé les blessures (poignet, genou), il faudra attendre trois ans et sa huitième apparition en Grand Chelem pour la voir gagner un match. Elle poussera jusqu’au 3e tour, déjà à l’US Open avant d’être sortie par Marion Bartoli. Aujourd’hui, « Kiki » est armée d’un jeu très complet et propose une grande variété à l’image de son dernier point contre Makarova où elle gifle en coup droit, glisse une belle amortie avant de passer en revers.
Une famille de sportifs
Sa réussite, Kristina Mladenovic la doit aussi à son entourage. Plus que d’autres, la native de Saint-Pol-sur-Mer a grandit dans un environnement résolument sportif. A commencer par ses parents. En effet, sa mère Dzenita est une ancienne internationale yougoslave de Volley-ball quand son père Dragan a sévi sur les parquets de handball en France (Dunkerque, notamment) et sous le maillot yougoslave. Deux exemples pour la jeune fille qui opte rapidement pour le tennis. De son côté, son petit frère, Luka, n’a pas dénoté dans cette famille de champions puisqu’il est actuellement footballeur au centre de formation de Metz.
Une spécialiste du double
Si Mladenovic entrevoit, enfin, la lumière en simple, elle n’a pas attendu cette année pour démontrer ses qualités à la planète tennis. A 22 ans, elle possède déjà de sérieuses références dans l’exercice du double, particulièrement mixte. Associée à l’expérimenté Canadien Daniel Nestor, aux côtés duquel elle a énormément appris, la tricolore s’est constituée un joli palmarès où figure deux titres du Grand Chelem (Wimbledon 2013 et Open d’Australie 2014, ndlr).
Sans coach depuis février
La situation en aurait effrayée plus d’une, pas elle. Bien au contraire. En difficulté à l’Open d’Australie (1er tour), Mladenovic ne tergiverse pas et se sépare de Nemanja Kontic. Le coach monténégrin est la dernière victime d’une longue liste : Roch Vidal, Georges Goven, Thierry Ascione, Dusan Vemic, Rodolphe Gilbert ou encore Yannick Hesse. Depuis, elle est restée seule et se gère. Une solitude nouvelle qui semble l’avoir libéré. Depuis, la Parisienne multiplie les performances et les bonnes impressions.
Avant de rallier les quarts de finale à New York, elle s’était invitée au 3e tour de Roland-Garros non sans avoir estourbie Eugénie Bouchard, 6ème mondiale à l’époque, avant de renouveler l’expérience à Wimbledon. Une grande scène qui la transcende. « C’est là où j’ai envie d’être. Je vois ce stress positivement. Évidemment quand vous rentrez sur le court avec la lumière et votre nom qui est annoncé, ce serait anormal de ne pas rentrer sans avoir des frissons », confirme « Kikipédia », jamais surpris par l’opposition grâce à son travail en amont.
Nouvelle taulière française
Grâce à son excellent parcours à Flushing Meadows, Kristina Mladenovic va changer de statut. En effet, « Kiki » revêtira le costume de leader du tennis féminin français à la place d’Alizé Cornet. Au pire 26ème mondiale au prochain classement WTA, elle n’entend pas s’arrêter là et sait qu’elle a un coup à jouer en quart de finale face à Roberta Vinci, qualifiée après le forfait de Bouchard. « Je suis très contente et j’espère, peut-être, que ça va devenir une habitude. Je le dis depuis le début du tournoi, toutes les filles jouent bien. Je m’accroche à ça et je vais essayer de préparer au mieux le prochain match pour continuer à rêver… », lance-t-elle. Face à l’expérimentée italienne (32 ans), Mladenovic devra prendre le jeu à son compte et agressée sa rivale. « C’est une joueuse avec beaucoup d’expérience, elle a des titres en Grand Chelem en double. Elle connaît les moments de tension. C’est une joueuse atypique, elle fait beaucoup de slice. Elle est très talentueuse. Elle voit très bien le jeu, je m’attends à un match très difficile », prévient la dernière française encore en lice. Une vigilance qui en dit long sur ses ambitions.
Christopher Buet
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