• La joie incomensurable de Cilic

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  • Cilic embrasse l'histoire, son histoire

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    Pour sa première finale de Grand Chelem, Marin Cilic s’est montré brillant de maîtrise et de précision pour décrocher le titre à l’US Open. Un succès en 3 petits sets contre Kei Nishikori (6-3 6-3 6-3, en 1h54) qui lui permet de devenir le second croate de l’histoire vainqueur en Majeur, après son coach Goran Ivanisevic en 2001.

    Ivre de bonheur, Cilic s'effondre sur le court après sa victoire

    Il était une fois un Croate né en Yougoslavie dans la petite ville bosnienne de MeÄ‘ugorje, un petit homme de 1,98 m au destin de champion et dont le chapitre new-yorkais restera, à jamais, comme le plus beau de sa vie de sportif. Il est un peu plus de 19h du côté de Flushing Meadows quand le point final de cette aventure américaine est apposé par la grâce d’un ultime service gagnant. En un peu moins de deux heures de jeu (1h54) et trois petits sets portant tous la même marque (6-3), Marin Cilic a disposé du guerrier japonais Kei Nishikori. Rien de bien exceptionnel si ce n’est l’endroit et l’instant. En ce lundi 8 septembre 2014, le Croate se trouve en finale de l’US Open, quatrième et dernier tournoi du Grand Chelem de la saison. Le seul endroit où l’on souhaite être, le seul endroit où l’on souhaite s’écrouler avant de lever les bras au ciel et d’hurler, à s’arracher les cordes vocales, sa joie dans la fureur du central Arthur Ashe, le plus grand court du monde. L’aboutissement d’un rêve d’enfant. « Cela semble complètement irréel de me faire appeler vainqueur de Grand Chelem. J’ai rêvé de ça toute ma vie (…) Pour moi, ça représente tellement. C’est un énorme accomplissement et un grand moment pour moi, mon équipe et tous ceux qui m’ont soutenu ces dernières années, ceux qui n’ont pas abandonné. Je me sens sur le toit du monde », n’en revient pas le Croate du haut de ses 25 ans. Tout est pourtant vrai et d’une limpidité affolante.

    « Tout a changé »

    Cilic joue juste

    Difficile de croire en effet, que deux heures auparavant, Marin Cilic et son adversaire japonais entraient sur le court pour disputer leur toute première finale de Grand Chelem. Un événement propre à paralyser même le plus serein des prodiges, plus encore en ces temps de rationnement où quatre énergumènes ont cru bon d’engloutir 36 des 38 derniers tournois Majeurs depuis Roland-Garros 2005, date de la révélation de Rafael Nadal et dernière finale ayant opposé deux novices à ce niveau de compétition (il avait battu Mariano Puerta, convaincu de dopage plus tard, ndlr). Neuf ans et demi d’une domination tyrannique. L’ouverture était donc magnifique pour l’un et l’autre. Finaliste de Roland-Garros en 1978, Henri Leconte connaît la problématique d’un novice à ce niveau et sait l’importance de bien débuter ce genre de rencontre.

    Si Nishikori se procurait la première opportunité de break dès le premier jeu, c’est bien Cilic qui allait imposer sa loi. « Depuis quatre ou cinq jours, tout a changé ! Avec mon tennis notamment. J’ai commencé à jouer très bien à partir du cinquième set contre Gilles Simon. Et après, j’ai eu une série incroyable contre des tops joueurs », expliquait le Croate. Cette petite alerte éteinte, il retrouva le rythme qui était le sien notamment en demi-finale. Jouant juste, il mettait la pression au Japonais et finissait par le faire craquer à l’échange comme pour lui montrer qu’il était le plus fort (4-2). Après une petite demi-heure, le Croate avait déjà fait l’essentiel en s’adjugeant le premier acte ne cédant que 4 petits points sur son engagement malgré 44 % de premières balles.

    Nishikori ne pouvait rien faire

    Nishikori rend les armes

    En totale confiance, Cilic déroulait son jeu à la perfection. Percutant, puissant et surtout très juste dans ses choix, la tête de série n°14 étouffait son adversaire et se détachait rapidement puis inexorablement dans un deuxième acte à sens unique symbolisé par ce jeu blanc stratosphérique où il aligna 4 aces (sur 17 au total, ndlr) de rang (6-3). La différence était faite et le titre presque acquis. En effet, dans l’histoire seul 5 joueurs, tous américains, ont accompli l’exploit de remonter un tel déficit en finale de l’US Open, le dernier étant Pancho Gonzales en 1949, il y a 65 ans. Une tâche insurmontable surtout pour un joueur aussi émoussé. Payant ses efforts concédés en deuxième semaine avec deux combats en 5 manches contre Raonic et Wawrinka puis une longue demi-finale contre Djokovic pour un total de 11h26’ d’efforts, le protégé de Michael Chang n’avait pas le même dynamisme dans ses déplacements et commettait mécaniquement plus de fautes notamment en revers, coup d’ordinaire très stable et sûr chez lui. « C'est différent des demies, le titre est là. Il y a tant de choses qui nous passent par la tête. J'essayais de me concentrer, mais ce n'était pas suffisant. J'ai énormément joué durant ces deux semaines et je ne pouvais pas lutter un match de plus », avouera finalement le nouveau 8ème mondial.

    « Je suis plus fort »

    Le plaisir retrouvé de Cilic

    Un aveu de faiblesse raisonnable car rien ne pouvait décemment ébranler ce Cilic-là. Ni le public bouillonnant du Arthur-Ashe, ni les trois balles de débreak obtenu à 4-2 dans l’ultime manche par Nishikori.  « Je suis plus fort mentalement, je suis plus exigeant, j'attends plus de choses de moi quand je suis sur le court et quand je m'entraîne. Je prends aussi plus de plaisir que ces dernières années », reconnaissait Cilic qui sans coup férir concluait sa démonstration par un nouveau 6-3. Ce plaisir et cette confiance retrouvés, il les doit à un homme…son coach Goran Ivanisevic. « Lorsqu'il jouait, c'était quelqu'un de très émotionnel. Mais comme entraîneur, il est différent : il m'a apporté son savoir du tennis et le plaisir. Chaque jour avec lui est extrêmement amusant, il fait toujours des commentaires marrants. Il m'a dit qu'il fallait que je sois agressif, que je passais trop de temps à penser à la tactique et pas assez à mon jeu. Il a fallu changer mon approche et mon état d'esprit, il a fallu cinq-six mois pour que j'intègre cela », partage-t-il.

    Cilic et son équipe, la victoire d'un collectif

    De son côté, l’ancien vainqueur de Wimbledon ne pouvait cacher son bonheur d’assister au triomphe de son compatriote. « En tant que coach, voir ton joueur remporter un tournoi du Grand Chelem de cette manière impressionnante, c'est fantastique. Je lui ai dit de prendre du plaisir à jouer et il l'a fait devant 20 000 personnes, c'est fantastique. Il a joué aujourd'hui comme s'il avait déjà joué 20 finales du Grand Chelem. Il était beaucoup plus relax que Nishikori et c'était la clé. Je suis fier de lui, et fier de moi aussi parce que ce n'est pas facile d'être coach. Maintenant je comprends tous mes entraîneurs, et je dois leur demander pardon parce que je sais que j'étais parfois difficile à gérer », analysait-il, lui qui ne pouvait retenir ses larmes devant le spectacle offert par son joueur.

    À 25 ans, Marin Cilic ponctuait ainsi merveilleusement cette quinzaine new-yorkaise en accrochant sa 300ème victoire en carrière, la plus importante en finale de Grand Chelem, lui qui n’avait triomphé qu’en ATP 250. « Des choses se sont mises en places juste avant le tournoi. Je me suis senti très bien, match après match, j’ai bien joué. Et ces trois dernières rencontres, tout a fonctionné parfaitement », confirme le nouveau membre de la famille du Grand Chelem. Auréolé de son nouveau statut, un nouveau chapitre s’ouvre pour le géant croate, celui de la confirmation. Il était une fois, Marin Cilic…

    Cilic et Nishikori lors de la cérémonie protocolaire
    Christopher Buet

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  • Roger Federer a bataillé ferme pour sortir Monfils

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  • La rage de la victoire

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    Gaël Monfils s’est incliné devant Roger Federer au terme d’un quart de finale électrique (4-6 3-6 6-4 7-5 6-2 en 3h20). Une défaite amère pour le Français qui aura mené deux manches à rien et surtout eu deux balles de match.

    L’heure n’était déjà plus aux espoirs même les plus fous, le regard de Gaël Monfils avait déjà changé, viré au flou, à la résignation, perdu dans l’immensité de cette enceinte gigantesque semblable à une cour martiale où le verdict s’apprête à être rendu et dont on n’attend plus rien, plus rien que le verdict évidemment funeste, celui qui anéanti vos derniers rêves, vos aspirations profondes et vous plonge dans cette nuit du désespoir et de la frustration. Une dernière fois, Roger Federer, juge suisse intransigeant et sévère, élevait cette raquette au reflet de marteau et la laissait s’abattre sur cette petite balle jaune lévitant dans la nuit new-yorkaise. En face, l’accusé français ne parvenait à répliquer et se contentait d’une dernière erreur dans le filet. Un ultime service gagnant donc, coup final asséné sur le bureau helvète entérinant la décision du court. Gaël Monfils se voyait refuser l’entrée du dernier carré de l’US Open et débouter dans son entreprise de déloger le juge bâlois, omnipotent dans sa cour new-yorkaise où il siègera pour sa 9ème demi-finale en 10 ans. Une sentence amère et froide pour le prétendant tricolore. « Je suis frustré », lâchait-il laconiquement visiblement affecté par l’issue de ce procès qu’il avait pourtant cru pouvoir remporter.

    Monfils lâche ses coups et fait mal à Federer

    La force de conviction tricolore

    C’est peu dire que le prévenu Gaël Monfils avait bien préparé son affaire et entamé par le bon bout son grand oral dans la plus grande arène du monde, dans ce tournoi où il se sent si bien. « J’ai démarré fort et j’ai continué à appliquer ma tactique », expliquait le 24ème mondial, à savoir jouer simple, sans fioritures et autres forfanteries qui font son charme mais n’apportent guère à son propos. Sans oublier non plus ce calme et cette concentration qu’ils arborent fièrement depuis le début de la quinzaine. Deux qualités dont il dut user dès son premier passage à la barre afin d’écarter les deux balles de break de Federer (le Suisse commit deux fautes, ndlr). Une première frayeur qui s’étira sur plusieurs minutes mais qui avait le mérite de donner le ton des débats du soir et de lancer le Français. En effet, ce dernier ne tardait pas à répliquer. Au cinquième jeu, il haussait le ton. Si son passing de volée en fond de court ou son contre en coup droit venait enthousiasmer l’auditoire, il désarmait surtout son opposant sur sa 4ème ouverture. Bien que minime, cet avantage allait s’avérer définitif. Sérieux et appliqué, Monfils battait la mesure quand l’ancien n°1 mondial multipliait les erreurs (13 au total, ndlr) dans ce premier acte (6-4).

    Monfils impose sa loi

    Un problème qui devenait récurrent pour le Bâlois. Dès l’entame de la manche suivante, quatre vilaines fautes offraient le break comme un cadeau. Une imprécision qui avait le don d’agacer le d’ordinaire si placide Roger Federer. Enervé, il se perdait en palabre avec l’arbitre de chaise tout en essayant de conserver ses chances. C’était peine perdu. Le dernier représentant français à Flushing Meadows ne laissait rien passer. « Je crois qu’il y a eu un déclic », racontait Henri Leconte après la victoire probante au tour précédent contre Grigor Dimitrov. Un déclic qui voyait même le Parisien supporter une légère torsion de la cheville alors que Federer poussait. Si le kiné intervenait, la peur ne fit que détendre le bras de Monfils qui servait alors le plomb. Le plaidoyer tricolore était remarquable à l’inverse de celui de son adversaire. Incapable d’endiguer ses errements (13 fautes directes contre 4 à Monfils dans le 2ème set), Roger Federer devait à nouveau s’avouer vaincu dans cette manche concédant même un second break (6-3).

    L’accablant réquisitoire bâlois

    Federer accentue sa pression

    Après 1h18 de débats, Gaël Monfils entrevoyait clairement une issue favorable à son recours tennistique contre ce juge helvète qui lui avait toujours barré la route dans ces procès majeurs (Trois défaites à Roland-Garros et un seul set pris, ndlr). Bien que compromise, la situation n’inquiétait pas outre mesure l’homme aux 17 titres en Grand Chelem et grand maître de la night session américaine (27 victoires pour une défaite contre Berdych en 2012, ndlr). « Je savais que je pouvais mieux jouer et reprendre le contrôle du match car j’avais des opportunités sur son service. Ce qui faisait la différence, c’est que je loupais quelques points importants de peu mais j’ai trouvé le rythme », glissait-il. Un gentil euphémisme au regard de la saillie qui allait suivre. Passablement contrarié, Roger Federer haussait brutalement le ton des échanges et s’emparait du service adverse d’emblée. Monfils réagissait bien derrière en transperçant la volée suisse après deux tentatives infructueuses mais ce n’était qu’un sursis car Roger Federer se mouvait mieux. Plus déterminé et agressif (53/74 à la volée au total, ndlr), il allait livrer une manche quasi immaculée ne noircissant la feuille de statistiques que d’une malheureuse faute directe. Pressé à chaque instant, Monfils n’y pouvait rien, abandonnant une deuxième fois son engagement dans un brouhaha assourdissant. « Le bon départ du troisième set m’a aidé à me calmer et à mieux jouer », constatait le n°3 mondial.

    Monfils perd pied

    Le quatrième set allait faire basculer le sort de ce duel et lui offrir sa dimension. S’il se procurait la première chance de prendre le service adverse, c’est bien Monfils qui craquait subissant trop les échanges. Ce break eut le mérite de secouer l’orgueil du tricolore. Redevenant plus volontaire et positif, le 24ème mondial recollait immédiatement devant une audience de plus en plus bruyante. Les deux hommes se mettaient alors à servir très fort jusqu’à ce 10ème jeu. Sur le service de Federer, Monfils prenait son destin en main et se détachait 15-40. Deux balles de match, deux balles de demi-finale. « Je me sentais bien, puis je me suis retrouvé avec deux balles de match à sauver. C'est là que je me suis mis à me sentir moins bien ! Je me suis dit "Ça y est mec, c'est le dernier point. Va te battre, ne manque pas un coup facile, laisse le faire. Ça va aller" », révélait le Bâlois. « Sur les balles de match (2 au 4e set, ndlr), je ne me suis rien dit de spécial, de rester simple, d’essayer de le faire jouer parce que je savais qu’il finirait par forcer les choses, qu’il viendrait au filet très vite. Donc je me disais de rester relax mais il a mis ces deux points, donc bravo à lui », commentait de son côté le tricolore.

    Federer a construit aussi son succès au filet

    En effet, dos au mur, le protégé de Stefan Edberg faisait preuve d’une immense autorité et écartait sans coup férir les deux opportunités de Monfils. C’en était finit des aspirations du Parisien. « J’ai le sentiment d’avoir eu plus d’opportunités que lui au quatrième et ça aurait été incroyablement dur d’être breaké à 5-4 ! Mais je sentais que les gens voulaient que le match continue ! Ils avaient envie que je me batte. Ça donne de la confiance, ça permet d’y croire. Du coup, il y a eu beaucoup d’émotions car le public m’a vraiment porté pendant la partie », assure un Federer qui n’allait plus laisser la moindre respiration à un prétendant abattu. Un jeu et deux double faute plus tard, le break était suisse tout comme la manche pour le plus grand bonheur d’un Arthur-Ashe en fusion (7-5).

    La suite ne fut qu’un long monologue du juge suisse qui n’en finissait plus d’accabler un Monfils m en victime expiatoire, comme à Roland-Garros en juin dernier quand il avait ployé devant Andy Murray.  Pas de 6-0 cette fois mais un tout aussi dur 6-2. « Il a bien joué et, moi, j’ai connu un coup de mou de cinq minutes… Je me suis senti fatigué physiquement et mentalement aussi », s’en voulait-il. « Je suis fier de la façon dont je me suis battu, dont je suis resté avec lui dans le match. C’est incroyable de gagner un match comme ça en Grand Chelem, sauver des balles matches (deux dans le quatrième set, ndlr) contre un joueur comme Gaël dans une telle atmosphère ! », appréciait pour sa part Federer. 

    Roger Federer a bataillé ferme pour sortir Monfils

    À 33 ans, il venait de rendre l’une de ses plus belles sentences en Majeur, tout du moins l’une des plus improbables, lui qui n’avait plus réussi à remonter 2 sets de débours à Flushing Meadows depuis sa première apparition ici, au premier tour de l’édition 2000 (abandon au 5ème du Néerlandais Peter Wessel, ndlr) et en Grand Chelem depuis 2012 et un match contre Julien Benneteau à Wimbledon, tournoi qu’il avait fini par remporter. S’il ne s’agit que d’une anecdote pour le moment, ce succès confirme encore un peu plus le retour aux affaires du juge Federer engagé dans sa 3ème demi-finale de Grand Chelem de la saison, la 36ème de sa carrière.

    Christopher Buet


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