• Le titre européen

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  • Le titre européen
    Après un championnat d’Europe harassant et chaotique, l’équipe de France est allée décrocher le titre européen en étrillant la Lituanie en finale (80-66). Après le bronze (2005) et l’argent (2011), la génération Parker-Diaw-Pietrus s’offre l’or tant attendu, le premier sacre français de l’histoire.

    Parker tombe dans les bras de Pietrus

    Le temps s’était comme arrêté. Sur le bord du terrain, Tony Parker et Florent Pietrus s’étreignaient vigoureusement avec passion et émotion. Autour d’eux, le banc tricolore et les joueurs exultaient mais peu leur importait le tumulte qui faisait danser leurs partenaires, les deux hommes étaient comme seuls, ailleurs dans une autre dimension.

    Tauliers de l’équipe de France depuis plus de dix ans, Parker et Pietrus savouraient cet instant qu’ils avaient si longtemps attendu, ce moment d’éternité suspendu dans l’espace et le temps. Les déceptions vécues ensemble, ces mémorables batailles perdues contre la Lituanie, la Grèce ou encore l’Espagne, ces espoirs contrariés, c’est cela dont ils se lavaient. Dans les bras l’un de l’autre, le capitaine de l’attaque et celui de la défense évacuaient toute cette frustration accumulée depuis leurs premiers pas en bleu treize ans auparavant.

    Malgré leur expérience, le soliste lumineux et le guerrier de l’ombre ne pouvaient réfréner leur émotion. Aussi aux sourires se joignaient les larmes, des larmes de joie et de soulagement. Cette magnifique étreinte résonnait comme un écho à celle que les deux hommes s’étaient échangée quelques secondes après la prolongation victorieuse contre l’Espagne. Ce soir de demi-finale, ce n’était toutefois pas de la félicité mais de la détermination, de la rage qui se lisait sur leur visage marqué par le suspense irrespirable qui accompagna les débats face à la Roja. Un suspense qui ne survécut qu’une poignée de minutes durant cette finale.

    Un guide nommé « Batman »

    Nicolas Batum

    Le temps d’un premier quart temps hésitant. Car disputer une finale n’a jamais rien d’aisé, encore plus quand, comme la France, on a souvent échoué au moment de conclure. Par-delà ce constat, l’adversité n’était pas étrangère à des débuts compliqués. En effet, la Lituanie n’est pas une nation mineure du basket européen. Malgré ses trois millions d’habitants, le petit Etat Balte vivait sa sixième finale européenne depuis son indépendance en 1992, deux fois plus que la France qui dispute la compétition depuis 1935. Plus encore, les Lituaniens débarquaient forts d’une victoire probante contre les Bleus lors de la deuxième phase (76-62). Aussi, ils entraient sans complexe dans cette finale portés par Linas Kleiza des grands soirs.

    Shooteur à même de gagner un match à lui seul, l’ailier de Toronto lors des trois dernières saisons s’enflamma et enquilla les paniers longue distance, profitant du marquage un peu lâche de Boris Diaw. En dix minutes, il inscrivit 16 points à 7/8 au tir. Heureusement pour elle, la France avait les armes pour riposter et soutenir la comparaison avec l’artilleur né à Kaunas. Empruntée dans le secteur offensif depuis le début de la phase éliminatoire, l’équipe dirigée par Vincent Collet retrouvait ses sensations, à l’image d’un Nicolas Batum aérien. Parfait en défense sur Kalnietis, l’ailier de Portland avait régler la mire de l’autre côté du terrain. Grâce à 17 points à 6/7, Batum montrait la voie à ses coéquipiers. « Tony m’a dit qu’il était K-O et que si on voulait gagner, c’était à moi de lancer le match. Je ne pouvais le décevoir », racontait l’ancien Manceau.

    Antoine Diot crucifie la Lituanie

     « Elle était à nous cette finale »

    « Elle était à nous cette finale », poursuivait Batum qui entrainait dans son élan toute l’équipe de Vincent Collet. Car si la Lituanie parvenait à faire illusion, elle allait vite déchanter au même titre que le diabolique Kleiza. Dans un match résolument offensif, le coach des Bleus profitait de cette petite coupure pour lancer Florent Pietrus. Le vaillant défenseur allait une nouvelle fois justifier sa sélection et prouver son importance dans les grands rendez-vous. S’il plaçait sous l’éteignoir le bouillant Kleiza avec ce rugueux mélange d’agressivité et de dureté qui a fait sa renommée, l’ancien palois s’inventa attaquant. Très présent au rebond, il offrait 6 points à la France comme Johan Petro, d’ailleurs auteur de l’un de ses meilleurs matches en bleu.

    Si Tony Parker avait tenu l’équipe à bout de bras en demi-finale, cette fois, c’est l’équipe qui venait au secours de son meneur star. D’une admirable maîtrise, le collectif tricolore lessiva une Lituanie absente dans la peinture et atone derrière l’arc. Dépassée, elle encaissait ainsi un cinglant 18-3 avant la mi-temps dont un panier époustouflant d’Antoine Diot au buzzer. Profitant d’une perte de balle lituanienne à 9 dixièmes de la sirène, il déclenchait un tir à 10 m dont la trajectoire parfaite atterrissait dans le panier (50-34).

    Tony Parker finit le travail

    L’offensive du capitaine et la clôture du patron

    Parfaitement installée dans son match, la France ne se désunissait pas au retour des vestiaires. « J’ai eu un peu peur », reconnaissait Vincent Collet. Un sentiment vite dissipé par Boris Diaw. D’habitude si altruiste, le capitaine des Bleus décidait de prendre le match à son compte, en attaquant fort le cercle lituanien. Privé de deuxième quart temps au profit de la défense de Pietrus sur Kleiza, l’ancien joueur des Phoenix Suns alignait 8 points avec une énorme activité (15 points au total, 6 rebonds et 4 passes décisives).

    Kleiza auteur de sa 3ème faute dès l’entame de ce troisième acte, seul Kalnietis réussissait à maintenir l’écart. Sans grand espoir. Car il était écrit que cette finale ne pouvait échapper à cette formation bleue. Et si le collectif avait brillé dans son match le plus accompli de cet Euro, ce succès attendait le sceau du roi, du grand ordonnateur français. Epuisé par cette campagne, Tony Parker sortait de sa boîte pour participer à la fête. Et comme à tout seigneur, tout honneur, il clôturait le récital tricolore, marquant 8 de ses 12 points dans l’ultime période. Sa patte apposée, il pouvait sortir à 22 secondes du terme sous les applaudissements nourris de ses partenaires et du public français.

    « Quand tu en baves… »

    Les derniers instants ne sont que délectation. Alors que les Lituaniens n’y croient plus, la Marseillaise retentie, tombant depuis les tribunes de la Stozice arena de Ljubljana. Deux ans après avoir échoué à ce même stade de la compétition face à l’Espagne de Pau Gasol (absent cette année), la France était enfin couronnée. « Nous ne sommes pas champions d’Europe par hasard », lâchait un Florent Pietrus survolté. « C’est l’aboutissement de dix ans », savourait Diaw qui ne cachait pas sa fierté d’écrire la plus belle page de l’histoire du basket français. « Il n’y a que le sport qui peut apporter des émotions comme ça (…) 

    L'or européen pour les Bleus

    Je ne changerais rien de cette aventure, de ces dix ans. On est passé par toutes les émotions, de grosses défaites, une médaille de bronze, une médaille d’argent. Quand tu en baves comme cela, quand tu ne sais pas si tu vas y arriver, la médaille d’or est encore plus belle », se délectait pour sa part Tony Parker.

    Plus qu’un titre, la France est allée chercher un bout d’éternité en Slovénie, la consécration d’une génération dorée qui aura ramené le pays sur le devant de la scène européenne et l’aura fait progresser par son amour, sa passion et son talent. Plus qu’un titre, c’est un héritage que Parker, Diaw, Pietrus, Gelabale et les autres ont légué au basket tricolore.

    Christopher Buet


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  • Tout n'est pas gagné pour la France

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  • Tout n'est pas gagné pour la France
    Muette depuis 5 matches, l’équipe de France a renoué avec le chemin du but et avec la victoire, mercredi, face à la Biélorussie (4-2). Et si ce succès n’était pas le bout du tunnel et n’était pas, en réalité, le pire qui pouvait arriver à cette équipe ?

    La joie des Bleus

    « Il faut espérer que ce match soit un déclic », lâche le président de la Fédération Française de Football (FFF), Noël Le Graët. « On doit se nourrir de ce que l’on a fait », avance le sélectionneur Didier Deschamps. Après la victoire de l’équipe de France en Biélorussie, l’heure était aux congratulations et surtout au soulagement.

    Ce succès 4-2 à Gomel mettait, en effet, un terme à 5 matches sans victoire pour les Bleus. Mieux, il enterrait le triste record que la France venait d’établir, à savoir 526 minutes atones, 8 heures et 46 minutes d’inefficacité, 31 560 secondes d’un long et interminable supplice, commencé le 22 mars dernier contre la Géorgie (3-1). Grâce au doublé de Franck « le sauveur » Ribéry, un but de Samir « le repenti » Nasri et Paul « le bizuth » Pogba (ça en fait des signes quand même), les Bleus ont renversé la Biélorussie du vieux briscard Alexander Hleb, qui croyait avoir bien refermé le piège « Gomel » en ayant par deux fois mené au score. De quoi positiver, courant après le score, la France a su montrer du caractère pour réagir et finalement triompher. Pourtant, quelque chose ne va pas, le son de cette victoire ne sonne pas juste comme si plusieurs échos dissonants venant ternir l’éclat d’un tintement cristallin.

    Panier percé

    Hugo lloris est passé à côté

    Le premier émane du terrain et de la surface tricolore. Si la défense grince depuis des mois voire des années, il était un poste qui paraissait inébranlable : celui de gardien de but. A Gomel, Hugo Lloris a probablement livré sa pire prestation internationale. Soliste reconnu pour ses démonstrations impeccables, le portier de Tottenham est passé à côté, dans tous les sens du terme si l’on se réfère au second but encaissé où sur une frappe puissante des 25m, il ne parvint à boxé le ballon, ses gants ne faisant qu’effleurer le cuir. Plus tôt dans la soirée, c’est sur un corner que le capitaine des Bleus avait fait étalage de sa fragilité du jour en ne bloquant pas une tête ridicule de Filipenko.

    Orchestre désaccordé

    Si Lloris a pêché, il en va de même pour le reste de l’équipe. Car si quatre réalisations sont venues décorer le tableau d’affichage et contenter les mathématiciens de la FFF, le jeu n’a pas été au rendez-vous. En proie à de récurrentes difficultés, la France a offert un nouveau concert d’approximations, cherchant la bonne mesure. Dépassés dans l’engagement, les hommes de Didier Deschamps ne savaient que faire du ballon, quand enfin ils le récupéraient.

    Ribéry maintient la France à flot

    Difficile de réciter son football quand autour aucune envolée ne vient provoquer les passes, quand aucun appel ne se déclenche, qu’aucun soutien ne vient à hauteur pour porter la voix du jeu. A nouveau, l’animation a failli. « A part Ribéry, personne n’y arrive », confirme le chef d’orchestre de Nantes Michel Der Zakarian dans L’Equipe. Si « le premier violon » bavarois tenait d’emmener tout le monde mais se heurtait à un orchestre aphone.

    Placé sur le flan droit, Dimitri Payet a été d’une confondante médiocrité, ne réussissant jamais à déstabiliser la défense adverse par ses percutions. Le Marseillais n’a guère été aidé par son compère de couloir, Bakary Sagna. L’arrière droit d’Arsenal a fait ce qu’il savait faire : défendre correctement, courir et distribuer les centres comme éclate le maïs dans une poêle. C’est bien beau d’avoir Olivier Giroud au centre mais encore faudrait-il lui offrir des ballons exploitables. Accablé Sagna, seul, ne serait pas juste puisque de l’autre côté Gaël Clichy a été inexistant. Si le Gunner a tenté, le joueur de Manchester City s’est caché, dans les duels, dans ses montées, dans son jeu. Que dire également des milieux de terrains Blaise Matuidi et Paul Pogba. De retour de suspension, ils devaient ramener l’équilibre dans le jeu tricolore, asseoir la supériorité physique et technique des Bleus à la récupération et apporter sérénité et confort. Il faut croire qu’on attendait trop d’eux. Le champion du monde des moins de 20 ans a multiplié les fausses notes dans ses orientations offensives quand le Parisien n’a pas haussé le ton dans la fosse pour imposer son autorité.

    France-Biélorussie

    Ballet d’erreurs

    Malgré ses insuffisances, la troupe française a retrouvé un peu de voix avec quatre buts. Là encore, il ne faut pas se leurrer et les analyser. Car si les filets ont tremblé, ce n’est pas à la suite de brillants enchaînements, loin s’en faut. La première réalisation est ainsi venue d’un pénalty. Certes la passe de Giroud dans la profondeur est belle et la course de Ribéry tranchante mais le contact avec Veremko est plus que léger. Soit. Les trois autres n’ont, en revanche, rien de glorieux. Le doublé du Munichois intervient suite à un centre médiocre de Valbuena à ras de terre. Au premier poteau, Giroud ne parvient à reprendre le ballon et emmène dans sa course son vis-à-vis, derrière un second défenseur se troue quand le gardien ne bouge pas de sa ligne, regardant Ribéry reprendre l’offrande. Un concours de maladresse heureux pour les Bleus.

    Vint ensuite le but de Nasri. Saignant dans son costume de remplaçant, l’ancien marseillais combinait à l’entrée de la surface de réparation avec Ribéry et Valbuena avant de tenter sa chance. Sa frappe enroulée semblait fuir le cadre mais heurtait rapidement une forêt de jambes pour redresser sa course et mourir dans la 

    Pogba et Nasri

    cage biélorusse. Enfin Pogba profitait d’un centre de Valbuena que Koscielny ne parvenait à reprendre de la tête. Le défenseur d’Arsenal essayait alors une reprise du pied gauche, complètement ratée, devant un défenseur complaisant. Par chance, ce tir dévissé retombait devant les pieds de Pogba qui n’avait plus qu’à pousser pour inscrire son premier but après 3 sélections seulement. Alors oui, la France a marqué quatre fois mais elle ne le doit qu’à une certaine chance. Si cette dernière est la marque des champions, elle ne sauvera pas l’équipe de Didier Deschamps à chacun de ses ballets d’erreurs.

    Le vestiaire menace

    Plus loin du terrain, la dernière discordance s’est échappée du vestiaire français. A la fin de la rencontre, tous n’avait qu’une chose à la bouche : le discours de Patrice Evra. Remplaçant éhonté, l’ancien capitaine de Manchester United a brisé le silence qui tenaillait le vestiaire à la mi-temps et trouvé les mots pour remobiliser ses coéquipiers. Ensuite, Ribéry serait aussi intervenu. Rien d’inquiétant à première vue, si ce n’est que ces hommes ne sont autre que les commanditaires de la grève de Knysna. Si Deschamps a minimisé les choses, il en ressort que les cadres que s’est choisie cette équipe soit d’anciens mutins, déguisé pour le moment en joyeux lutins, leader de terrain pour l’un, leader de vestiaire et d’opinion pour l’autre.

    Ribéry et Evra

    Cette initiative d’Evra place le sélectionneur dans une situation délicate puisqu’il ne peut aller contre la volonté d’un groupe qui semble enfin se structurer. Dans le même temps, il ne peut se permettre de lâcher trop de leste et d’abandonner la baguette de chef d’orchestre à des percussionnistes au si lourd passif. La marge de manœuvre est délicate pour le capitaine des Champions du monde 1998.

    Alors que certains parlent de déclic, il se pourrait que ce succès soit un bien pour un mal, empêchant les Bleus de faire une autocritique nécessaire et potentiellement salvatrice. Car là est un écueil à éviter, celui de croire que tout ira mieux, que le plus dur est derrière alors qu’il n’en est rien et que l’ombre du tunnel est toujours plus obscure. Et si cette victoire était finalement empoisonnée…

    Christopher Buet


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