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    A l’aube de la saison de terre battue, le tennis masculin a assisté au crépuscule d’une ère. Invaincu depuis 2003 à Monte Carlo, Rafael Nadal s’est écroulé en finale face à la supériorité de Novak Djokovic (6-2 7-6). Impérial, le Serbe lance ainsi parfaitement sa quête le menant vers Roland Garros.

    Nadal défait à Monte Carlo

    Et ce coup droit partit, telle une étoile filante déchirant le ciel azuré d’une douce après-midi de printemps. A quelques mètres, immobile, Rafael Nadal suivait d’un regard résigné cette balle. Il avait compris que cette fois, c’était la bonne, que cette fois, il ne s’en sortirait pas et qu’il venait d’être vaincu. S’en suivit une monumentale détonation, un cri rauque à la puissance charnelle s’échappant du plus profond de Novak Djokovic. Les bras levés et dessinant une croix, le Serbe comprenait, également, qu’il venait de terrasser le plus inaccessible et insatiable des monstres et de conquérir le plus assujetti des courts du monde, celui que l’ogre de l’ocre avait fait sien. En effet, en un peu moins de deux heures et deux sets (6-2 7-6), le n°1 mondial venait de s’emparer de Monte Carlo, l’antre de la bête, cette terre de prédilection qui était devenu pour le Majorquin un temple sacré, presque un sanctuaire inviolable et inviolé (ndlr : le cinquième joueur mondial restait sur 46 victoires consécutives sur le Rocher). Et c’est peu dire que le natif de Belgrade a mérité son triomphe.

    Alors qu’on le disait claudiquant, en délicatesse avec cette cheville grinçante, Novak Djokovic allait apporter un démenti extraordinaire. La vielle, déjà, quand il s’agit d’écarter Fabio Fognini, tombeur en quart de finale de Richard Gasquet (6-2 6-1), le Serbe avait preuve d’autorité et forcé le respect de son adversaire. « Il vient de me battre en 52 minutes et on me demande s’il était blessé ! » ironisait exaspéré l’Italien. En ce dimanche, le dernier vainqueur de l’Open d’Australie n’a semblé ressentir aucune gêne. Imperturbable, malgré un éphémère passage pluvieux ayant retardé le début de la rencontre, Djokovic percutait d’entrée et prenait à la gorge un Nadal pas encore réveillé. Profitant des circonstances, il se décrochait rapidement pour mener 3-0, break confirmé. Dès lors, le public guettait la réponse de l’octuple tenant du titre. Mais voilà, celle-ci n’allait pas intervenir. Mal à l’aise, Nadal ne faisait guère impression. Ses appuis se voulaient hésitants, ses courses moins fluides et ses coups moins précis. Résultat, la balle de l’Espagnol ne giclait pas ou trop peu. Or, si ce niveau de jeu aurait certainement suffit pour désarmer des adversaires émargeant au-delà du Top 8, face à Djokovic, il allait se révéler bien insuffisant. Incapable de déstabiliser et de bousculer son opposant, le Majorquin ne parvenait pas non plus à adapter sa tactique. Enfermer dans ses schémas et pilonnant le revers serbe, il finissait par se faire contrer et en payait les conséquences. Largement supérieur, Djokovic s’emparait, pour la deuxième fois, de son engagement. On crut dès lors que Nadal allait concéder le set sans inscrire le moindre jeu d’autant qu’il se retrouvait mener 5-0 15-40 sur son service. Mais l’homme est un guerrier inlassable. A l’orgueil et s’appuyant sur une bonne première balle, il renversait la situation et remportait son premier jeu. Sur sa lancée, il débreakait une première fois avant de céder. Laissant passer l’orage, Djokovic bouclait la première manche (6-2).

    Histoire d’orgueil

    Djokovic monte carlo

    Devant une assistance partagée entre l’étonnement frigorifique et une joie ensoleillée, le n°1 mondial tenait entre ses mains le destin de ce match. De retour sur le court, le niveau de jeu s’élevait. En effet, plus en jambes, Nadal rendait, enfin, les coups de Djokovic. Aussitôt, un véritable combat s’instaura entre les deux hommes. Plus intense, Nadal était le premier à faire la différence dans cette seconde manche. Au 6ème jeu, l’Espagnol se révoltait et acculait son rival. Profitant de son ascendant et des fautes serbes, il lui dérobait son service (4-2). Mais Novak Djokovic n’est pas un joueur lambda. Avec son exceptionnelle couverture de terrain et ce redoutable revers long de ligne, il refaisait son retard. Vint alors le 10ème jeu. A 5-5, l’actuel patron du circuit ATP servait pour reprendre les rênes du set. Ce fut l’instant choisi par Nadal pour asséner une nouvelle charge. A défaut d’avoir retrouvé la toute puissance qui était la sienne avant ses problèmes aux genoux et son absence (ndlr : il a été écarté du circuit durant près de 7 mois entre juillet l’année dernière et mars dernier), il conservait son extraordinaire force de caractère. Augmentant encore son engagement, le taureau de Manacor écornait le volatile serbe et s’octroyait la possibilité de glaner la deuxième manche sur son service. Mais voilà, Nadal n’a pas le panache de l’orgueil. Fier champion parmi les champions, Djokovic en regorge et refusait d’abdiquer devant la violence espagnole. Dos au mur, il se sublimait, réajustait son revers. En d’autres temps, cela n’aurait pas suffit mais ici, il s’offrait le tie-break. Sans doute sonné par la réaction, Nadal accusait le coup et cédait par deux fois. Serein, Djokovic se saisissait de l’occasion et resserra l’étreinte. Enserré, le taureau de Manacor abdiquait finalement devant l’emprise de ce rapace implacable. Comme à Rome ou Madrid en 2011, le Serbe soumettait son rival espagnol sur l’ocre du tennis. Mieux encore, il le réduisait au silence en son antre, dans cette arène où seul Guillermo Coria était parvenu à le battre… alors qu’il n’avait que 16 ans. C’était en 2003, une autre époque, avant qu’il ne devienne le plus grand joueur de terre battue de tous les temps.

    Dépossédé de son bien, Rafael Nadal sait l’étendu du chemin qui le sépare encore du sommet. Aussi travaillera-t-il pour être prêt à l’heure du rendez-vous de la Porte d’Auteuil. Du côté de Novak Djokovic, la voie se dessine. Déjà résident monégasque, le n°1 mondial vient d’acter l’extension de son royaume et d’annexer un auguste Rocher à son lieu de villégiature. Qu’on se le dise, l’aigle royal serbe s’est niché en principauté et entend bien y régner pour de nombreuses années.

    Christopher Buet


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  • La veste verte

    Sur le légendaire parcours américain et au terme d’une dernière journée ébouriffante, Adam Scott est devenu le premier Australien à remporter le prestigieux Masters.

    D’aucuns diront que se retrouver en pleine nuit pour regarder une épreuve sportive se déroulant à l’autre bout de la planète, s’apparente à de la folie. Ceux qui assènent cette vérité n’ont en réalité rien compris, ou peut-être tout compris, allez savoir. C’est au cœur de cette partie de la journée où le soleil a cessé d’irradier pour faire jour à la Lune que s’exprime parfois le plus doux des amours, la plus incompréhensible des folies. Une folie qui s’empare de vous et vous enjoint à observer éberlué le spectacle qui vous est proposé.

    Adam Scott au 18

    En ce dimanche, il est presque minuit quand apparaît sur l’écran le Masters d’Augusta, ses greens soignés, ses cours d’eau, son pont et ses arbres. Du golf, de surcroît en pleine nuit. On zappe. Oui mais non. Pas cette fois. Cette fois, bizarrement, vous posez la télécommande et demeurez assis dans votre canapé, attentif, réceptif. Est-ce la pluie qui ravage Augusta, le contexte, les suites d’un bon week-end, qu’importe ; le pourquoi du comment vous échappe mais vous voilà embarqué dans cette dernière journée du premier Majeur de golf de la saison. Vous suivez un coup, puis un deuxième et soudain comme hypnotisé par une gestuelle ritualisée et un parcours sublime, vous vous prenez de tout regarder. Vous n’y connaissez rien mais vous vous découvrez une passion (momentanée) pour un sport qui pourtant n’a rien de glamour ou d’attirant. Il faut dire que le golf n’est pas que le divertissement favori du dimanche des nantis, il s’avère un spectacle haletant où tout peut basculer en l’espace d’une seconde. Une balle trop longue, trop courte, légèrement décentrée, un arbre, un mauvais choix de club, une bosse piégeuse ou un bunker poreux et tout bascule. D’une grande sérénité depuis le début de la semaine, Jason Day peut en témoigner. Après une matinée plutôt timide malgré quelques beaux coups comme celui au trou n°2, l’Australien enchaîna trois birdies consécutifs pour pointer seul en tête à 4 trous du terme (-9). Puis soudain la tension le rattrapa et pour quelques centimètres, il concédait deux bogeys sur les deux trous suivants. Sa chance venait de passer et sa belle semaine de s’écrouler. Car dans le même temps, à une dizaine de mètres en amont son compatriote Adam Scott assistait à la scène et allait en profiter, au même titre qu’Angel Cabrera.

    Un duel pluvieux

    Day out, Scott était le premier à se mettre en évidence. Servi par l’expérimenté caddie qui accompagna durant de nombreuses saisons Tiger Woods (ndlr : en quête de renaissance en majeur, le Tigre a fini 5ème), l’Australien, sourire en coin, ne commettait pas la moindre erreur et déjouait sans coup férir les pièges d’un final sournois. Vînt alors le trou n°18, l’ultime trou d’une semaine interminable, un trou pour se parer de la mythique veste verte qui récompense le vainqueur du Masters. Sa mise en jeu était belle en plein milieu du fairway. Idéalement placé, le 6ème joueur mondial parvenait à toucher le green mais voyait sa balle s’arrêter sur la droite du drapeau, légèrement excentrée, engloutie par une pelouse gorgée d’eau. Un put guère évident du fait de l’enjeu et de la topographie finale. Avec son putter atypique, Adam Scott ne tremblait pas. Tout en finesse, il expédiait la balle dans le trou et laissait éclater sa joie. Tranchant avec le calme apaisant du somptueux parcours de l’Etat de Géorgie, le joueur de 32 ans hurlait et embrasait une foule frigorifiée par une pluie battante. Une attitude peu commune pour un Australien plus habitué à la placide expression qu’aux effusions outrancières, traduisant la tension attenante à l’évènement. Une explosion qui saluait un magnifique birdie lui permettant de s’emparer seul de la tête du tournoi et de mettre la pression sur Angel Cabrera.

    Adam Scott et Angel Cabrera en play-off

    En tête avec Scott avant ce trou, le vétéran Argentin n’avait rien manqué du festival aussie et savait ce qu’il lui restait à faire : imiter son cadet. Le vainqueur du tournoi d’Argentine en décembre dernier ne vacillait pas et réalisait une approche absolument parfaite. Birdie également. N’en déplaise à Adam Scott, et comme l’année passée, il allait falloir en passer par les play-offs pour savoir qui aurait l’honneur de revêtir l’iconique habit vert. Sous un ciel plombé et entre les gouttes, les deux hommes allaient se livrer un duel épique. De retour sur le trou n°18 qu’il venait de dompter, ils firent preuve d’une extrême fébrilité. En quelques minutes, les clubs de chacun s’étaient alourdis du poids des attentes et leurs bras ankylosés faillirent. Dans un étrange ballet symétrique, Scott et Cabrera se marquaient et jouaient court. Le second passait même tout proche de la victoire mais sa balle tutoyait le trou, l’effleurait mais n’y tombait pas et devait se contenter du par au même titre que son adversaire. Le 18 franchi, c’était au tour du 10 de tenter de faire la décision. Déjà en 2012, ce fut sur ses pentes que Bubba Watson gratifia le public et l’histoire d’un coup 

    Cabrera rate son ultime putt

    d’anthologie pour sortir du bois où on le croyait condamner et s’assurer la victoire. A nouveau, les deux golfeurs se suivaient sur le fairway et atteignaient dans un deuxième temps le green. Ce fut à cet instant que leurs trajectoires se dissocièrent. Cabrera était le premier au putting. Sa balle embrassait la pente sur la droite et se rabattait vers l’objectif. Rien ne semblait pouvoir avorter sa course. Mais le golf est un sport capricieux. Alors que toute l’assistance croyait au birdie, la balle de l’Argentin s’arrêtait nette à moins d’un centimètre du trou. Stupéfaction générale et put de match pour Adam Scott. Comme à son habitude, ce dernier prenait le temps d’étudier le green et échangeait avec son caddie. Sa casquette vissée sur la tête, il s’approchait de sa balle et réussissait son coup.

    Malheureux lors du dernier British Open, Adam Scott levait (enfin) les bras au ciel au terme d’un affrontement épique disputé sous une pluie battante. Ainsi en désarçonnant le revenant argentin et la concurrence, il remportait son premier Majeur, sorte d’éloge de la patience pour un joueur talentueux longtemps critiqué en raison de son incapacité à conclure, et entrait dans l’histoire comme étant le premier Australien à triompher sur le mythique parcours d’Augusta et donc comme le premier Aussie à enfiler la veste verte du champion, dans un cérémonial surréaliste teinté d’une pluie de satisfaction et de soulagement.

    Adam Scott exulte

    Il est près de 1h40 du matin (heure française) et l’histoire vient de s’écrire au cœur des vertes collines de Géorgie. D’aucuns diront qu’il s’agissait d’une folie de suivre cet évènement et ils auront raison. Mais cette folie nocturne ne valait-elle pas toutes ses émotions et plus encore ?

    Christopher Buet


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